La Fédération des maisons médicales articule le développement structuré de pratiques de soins de santé de première ligne de qualité avec le projet de la mise en œuvre d’une politique de santé cohérente, solidaire, équitable, durable et efficiente.
Ce projet suppose l’appropriation de l’enjeu des inégalités en santé par les travailleurs et les usagers du système. L’action en éducation permanente donne sens au travail dans le champ de la santé en le fondant sur la parole et les savoirs des personnes impliquées au quotidien dans la relation, populations précarisées et professionnels à l’écoute.
L’action en éducation permanente vise à la mobilisation d’un savoir social critique à des fins de transformations sociales et politiques. Il s’appuie sur une démarche de transformation de l’expérience sociale du service santé, du vécu à l’expression et à l’analyse. De la plainte, à la mobilisation d’un savoir social et à l’action collective.
Il s’agit, en d’autres termes, de travailler la dimension culturelle du service santé, qui met en relations des usagers, des professionnels et le système social ; d’extraire, produire et mobiliser les savoirs non reconnus et pourtant à l’œuvre dans cette relation, afin de l’utiliser comme un moteur de la transformation des rapports sociaux.
Notre vision globale de la santé permet de recomposer des univers (culture, social, environnemental,…) parfois séparés en termes d’actions par les institutions alors qu’ils sont interdépendants dans le vécu de la population. Cette recomposition est une condition d’émancipation des personnes, un socle pour leur implication citoyenne en général.
Une série d’enjeux nouveaux ont émergé ou se sont renforcé ces dernières années dans notre champ d’action.
La crise financière, puis économique a donné plus d’écho à la mise en question du dogme de la croissance. Nous sommes confrontés à la contradiction entre la nécessité de soutenir, voire défendre, le financement public des politiques sociales, et celle de dénoncer les atteintes à la santé que génère le cadre productiviste de ce système. Notre conception de la qualité des services, qui inclut une analyse des ressources et des coûts, permet de dépasser cette contradiction. Il importe de travailler à la construction collective et à la promotion d’une politique de santé efficiente, c’est-à-dire qui vise le meilleur bénéfice santé pour tous avec les moyens disponibles, afin de dépasser le débat sur la croissance des dépenses.
Notre mouvement est confronté à un enjeu générationnel parmi les travailleurs, qui dans les prochaines années, arrive à un point crucial. La génération des fondateurs sera sortie de l’emploi dans les 5 ans à venir, la plupart des travailleurs qui occupent des fonctions d’orientation et de pilotage ont fait toute leur carrière en maisons médicales. Enfin, la forte croissance a attiré de nombreux jeunes, désireux de participer à la construction des institutions et du mouvement. La collaboration entre ces trois générations, la convocation par les derniers de l’expérience des premiers, le récit de l’histoire au bénéfice de l’éclairage des mutations actuelles, la transition du pouvoir, sont autant d’éléments de cet enjeu des générations.
Les mutations portent notamment sur les modes d’organisation des maisons médicales. Leur sens doit être rappelé, défendu, approprié, et leur forme doit probablement évoluer pout intégrer des réalités sociales, professionnelles et culturelles nouvelles, et éviter de perpétuer des dispositifs sclérosés.
Mais un enjeu générationnel émerge également parmi les usagers. Dans un contexte d’aggravation des inégalités sociales et de la demande, le succès et la multiplication des maisons médicales aidant, on passe d’une situation où la beaucoup de gens les choisissaient au nom du projet, à une situation où la majorité est là pour bénéficier du service.
Enfin, il faut souligner qu’avec le temps, les pratiques de groupe, le financement forfaitaire, et d’autres caractéristiques des maisons médicales ont pu s’imposer comme des standards de qualité. Les pouvoirs publics multiplient donc les initiatives de soutien à ces pratiques, au point qu’elles sont adoptées par des intervenants de plus en plus nombreux et divers. Ainsi, notre mouvement a à développer, à l’interne et à l’externe, dans le secteur des pratiques de groupe, ses spécificités liées aux valeurs et au projet politique.
Plus que jamais, l’éducation permanente est, tout à la fois, une méthode spécifique pour soutenir la collaboration des générations, une grille de lecture indispensable pour construire la critique du système de santé à partir de l’expérience, et un vecteur de convergence interne et externe pour construire les partenariats dans le mouvement des maisons médicales.
Par ailleurs, nous pensons que la définition de notre public doit évoluer. Dans tous les champs dans lesquels se déploient les actions d’éducation permanente, il faut pouvoir prendre en compte l’ensemble des publics qui portent les enjeux de transformation de la société, sans quoi le risque est grand de voir l’action s’enfermer dans une logique d’assistance.
Nous sommes mobilisés par la nécessité de mener des projets auxquels est associé le public populaire de nos centres, mais nous revendiquons aussi une action auprès des travailleurs, qui en ont tout autant besoin, et qui sont partie prenante de la relation sur et à partir de laquelle nous voulons agir.