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Vu dans la presse suisse : DEQuaP, un outil au service du collectif dans et pour les maisons médicales

22 janvier 2019

Paru dans la Revue Médicale Suisse, cet article propose un éclairage sur le système de santé belge, les maisons médicales et se penche sur un projet unique de la Fédération pour et par les maisons médicales : le projet DEQuaP (Développons ensemble la qualité de nos pratiques).

Zoom sur « cette démarche collective permet de motiver l’ensemble de l’équipe, de l’inciter à réfléchir en termes de qualité et d’identifier les priorités », précise la coordinatrice du projet. En outre, en favorisant les échanges entre les membres de l’équipe et en y faisant participer activement les patients, le processus même qui conduit au développement de cet outil « va améliorer l’intégration et la coordination au sein de la maison médicale  ».

Un article signé ÉLISABETH GORDON avec l’éclairage de Pr JEAN MACQ (Institut de recherche santé et société et à la Faculté de santé publique Université catholique de Louvain), Dr HUBERT JAMART (Maison médicale Trooz Santé - Fédération des maisons médicales) et MONIQUE FERGUSON (Programme DEQuaP - Fédération des maisons médicales)

Coordination et intégration sont au centre des réformes

La Belgique a entrepris des réformes pour faire face au morcellement de son système de santé. Dans le domaine des soins primaires, elle a fait oeuvre de pionnier en créant, dès les années 1970, des maisons médicales pluridisciplinaires qui connaissent un beau succès.

La Belgique compte trois régions : la Wallonnie, la Flandre et Bruxelles-Capitale ainsi que trois communautés (flamande, la fédération Wallonie-Bruxelles et germanophone) « qui ne se superposent pas », constate Jean Macq, médecin de santé publique et professeur à l’Institut de recherche santé et société et à la Faculté de santé publique de l’Université catholique de Louvain (UCL). Ce découpage se répercute dans le secteur de la santé, placé sous la responsabilité de huit ministres, « qui ont des difficultés à s’accorder », relève le médecin. Cette organisation conduit aussi au morcellement des compétences entre les niveaux fédéral, régional et communautaire qui sont tenus de négocier constamment les uns avec les autres.

MULTIPLES DÉFIS

La médecine de famille belge, comme celle des pays voisins, est confrontée à de multiples défis [1] : vieillissement de la population, augmentation de la prévalence des maladies chroniques et mentales, développements de la technologie, changements des attentes des soignants, inégalités sociales, définition du rôle de l’Etat dans la protection sociale, pénurie de médecins généralistes particulièrement dans les zones rurales. Elle a donc entrepris des réformes qui ont pour mots clés « coordination et intégration »,  [2] précise Jean Macq. L’intégration se fait selon « une combinaison de dispositifs qui passent par une logique territoriale, des fonctions intégratrices, la mise en place de dossiers “partagés”, la standardisation de parcours de soins avec de nouveaux partages de fonctions, ou encore de nouveaux modes de paiement ».Malheureusement, déplore Jean Macq, le système de santé fonctionne souvent « en silo », par maladie, groupe vulnérable, ou par secteur et non par « communautés ». A titre d’exemple des difficultés à surmonter pour réaliser cette intégration, le professeur de l’UCL constate qu’au fil du temps, une territorialisation s’est développée dans de nombreux domaines, notamment la coordination de l’aide et des soins à domicile. « Les territoires ne se superposant pas les uns avec les autres, on se retrouve avec un système “en lasagne”, constate-t‑il. Pour redonner de la cohérence au système, le programme Integreo vise à créer des territoires regroupant 100 000 à 150 000 habitants « dans lesquels on pourrait améliorer l’intégration des soins entre les hôpitaux, les généralistes et les services s’occupant des soins à domicile  ». Les soins de santé primaire doivent quant à eux redéfinir leurs relations avec le secteur hospitalier et celui de la santé communautaire. Ils devront aussi, souligne Jean Macq, « adopter une démarche d’intégration qui ne soit plus centrée sur le patient, mais sur la personne vivant dans une communauté ».

LES MAISONS MÉDICALES

C’est justement l’objectif que se sont fixées les maisons médicales. [3]

« Le mouvement est né dans la fièvre des golden sixties, explique Hubert Jamart, médecin généraliste, membre du Bureau stratégique de la Fédération des maisons médicales. Des praticiens qui souhaitaient créer une médecine différente se sont associés à des infirmières, des kinésithérapeutes, des bénévoles et des patients. Leur but principal était de lutter contre les inégalités dans la société en général, existant entre les patients et les soignants, ainsi qu’entre les soignants en particulier ». La coordination, formelle ou informelle, est au centre de la démarche de ces maisons médicales. Elle assure au patient une continuité des soins avec un accès quand il le souhaite à son propre médecin. Elle permet aussi une continuité informationnelle grâce à une facilitation des échanges d’informations entre l’hôpital et le cabinet, ainsi qu’entre les professionnels de l’établissement. Enfin, la coordination assure une permanence des soins grâce à un système de garde. Des« trajets de soins » ont aussi été mis en place pour la prise en charge du diabète et d’autres maladies chroniques. Ces établissements ont l’intérêt « de regrouper sous un même toit une équipe pluridisciplinaire à laquelle le patient peut s’adresser, dans le cadre d’une approche biopsychosociale », souligne Hubert Jamart (figure 1). Installées au départ principalement dans des lieux à forte prévalence de pauvreté et de faible accès aux soins, les maisons médicales se sont depuis multipliées dans les zones rurales et urbaines. Actuellement au nombre de 112 sur le territoire, elles regroupent 2 500 professionnels et accueillent 250 000 patients par an. Le système est en pleine croissance : chaque année, 6 nouvelles maisons médicales sont créées et le budget global augmente d’environ 10 %.

Ces établissements peuvent bénéficier du financement au forfait à la capitation : l’établissement reçoit une somme fixe par bénéficiaire affilié. Ce dispositif de rémunération, qui concerne actuellement environ 3,5 % de la population belge, est en progression régulière. Ce modèle, « à contrecourant  » selon Hubert Jamart, bénéficie de nombreux soutiens mais a essuyé des critiques, notamment de la part du gouvernement fédéral qui a institué un moratoire en 2017. Pour illustrer l’organisation interne d’une maison médicale, Hubert Jamart évoque celle de la commune de Trooz dans laquelle il travaille. « Elle fonctionne en autogestion. Les travailleurs de l’équipe sont majoritaires dans l’Assemblée générale qui a été ouverte à d’autres partenaires, ainsi qu’au comité des patients  ». Ces derniers participent par ailleurs à diverses activités de la maison médicale (figure 2). Une manière « de diminuer les inégalités entre les soignants et les patients, qui ont le sentiment d’appartenir au centre, ce qui est susceptible d’améliorer leurs conditions de santé  ».

ÉVALUATION DE LA QUALITÉ

Il y a cinq ans, la Fédération des maisons médicales a initié le projet DEQuaP (Développons ensemble la qualité de nos pratiques). Il propose « un parcours d’évaluation des pratiques dans tous les domaines  : organisationnel, promotion de la santé, actions communautaires de santé, soins curatifs et préventifs », souligne Monique Ferguson, coordinatrice du projet. A cette fin, les initiateurs de DEQuaP ont développé un « kit de qualité » qui comprend trois composants : un questionnaire d’autoévaluation l’accompagnement d’une personne extérieure à l’établissement dans l’animation des discussions et l’implication des patients dans le processus (figure 3). La première version de cet outil a déjà fait l’objet d’une phase de test. Une nouvelle évaluation, élargie et ouverte à l’ensemble des équipes souhaitant y participer, sera lancée cet automne. Mais déjà, il apparaît que « cette démarche collective permet de motiver l’ensemble de l’équipe, de l’inciter à réfléchir en termes de qualité et d’identifier les priorités », précise la coordinatrice du projet. En outre, en favorisant les échanges entre les membres de l’équipe et en y faisant participer activement les patients, le processus même qui conduit au développement de cet outil « va améliorer l’intégration et la coordination au sein de la maison médicale ».

SITUATION DE LA MÉDECINE DE FAMILLE EN BELGIQUE

La Belgique compte presque deux fois plus de spécialistes que de généralistes. Elle dispose aussi d’une offre hospitalière importante (4,3 lits généraux et 1,4 lit psychiatrique pour 1000 habitants), à laquelle s’ajoutent 35,5 lits pour 1000 habitants de plus de 65 ans dans les MRS (Maisons de repos et de soins, l’équivalent des EMS en Suisse). La première ligne des soins de santé est en majorité constituée de médecins qui travaillent seuls. Toutefois, on observe un développement des pratiques de groupes – surtout unidisciplinaires. Du fait du vieillissement des médecins de famille, le système pourrait connaître un « important basculement dans les années à venir, souligne Jean Macq. Dans la fédération Wallonie- Bruxelles, on s’attend à avoir 5,09 généralistes pour 10 000 habitants en 2037, comparé à 9,9 actuellement ». Dans ce contexte, une réflexion sur l’interaction entre médecins et infirmières se met en place.

Source : Revue Médicale Suisse.


[1Mormont M. Together we change : une vision. Santé Conjuguée 2016 ;74:41‑4.

[2Macq J, Barbosa V, Ces S, Jeanmart C, Van Durme T. Métiers de la première ligne et systèmes de santé : vers plus de spécialisation ou de polyvalence ? Santé Conjuguée 2011 ; 55 : 41‑6.

[3Jamart H. Critères de qualité pour décrire des centres de santé primaires communautaires. Santé Conjuguée 2011 ;56:66‑70.