Une pulsion de vie pour parler de la mort à travers un acte artistique. En attendant le jour est né des nombreuses discussions que j’ai eues avec mon père sur la réalité de son travail, sur le fruit de son expérience et de son engagement, ainsi que sur sa réflexion personnelle dans la prise en charge des patients en demande d’euthanasie. Ma nécessité d’écrire un spectacle sur le sujet témoigne autant de mon statut de témoin privilégié que de mon désir de mettre en scène l’humain dans un des moments les plus intenses de son existence, celui de sa propre finitude et de ses derniers instants de partage avec les êtres aimés. Loin d’une vision clinique et froide, c’est bien ces fragments ultimes de vie que j’ai voulu placer au centre de mon propos, rendant hommage à la tolérance, à l’empathie, au respect de l’autre dans ce qu’il a de plus intime et de plus profond.
J’ai rêvé et construit ce spectacle comme un outil poétique d’appréhension et de réconciliation avec l’inévitable mort, celle de ceux que l’on aime, ainsi que notre propre fin à venir, car à mon sens la conscience de cette finitude nous aide à vivre l’essentiel, nous libérant du superflu, et nous poussant à réaliser ce qui est important à nos yeux.
J’ai cherché à être le plus ouvert possible, en racontant le parcours de trois patients, des histoires, des problématiques et des réalités singulières, car au-delà de l’empathie que j’espérais éveiller chez le spectateur, premier pas vers la compréhension de la réalité de « l’Autre », je voulais qu’il puisse s’identifier à eux, sans jamais être dogmatique. À partir de la réalité des mots prononcés par les patients et leur entourage, et à travers plusieurs témoignages écrits laissés par des hommes et des femmes ayant traversé l’épreuve de la maladie, de la souffrance incurable et inapaisable, j’ai voulu rendre sur scène la puissance, la complexité et la beauté de cette humanité en quête d’amour et de spiritualité, et c’est sans doute le lien le plus évident que l’on peut établir avec toutes les formes d’art, qui représentent à mes yeux l’espoir d’une évolution philosophique et la pierre fondamentale de la lutte contre l’intolérance, la fermeture et l’obscurantisme grandissant de notre époque.
J’ai voulu donner à cette pièce une dimension « spectaculaire » au sens noble du terme. J’ai pour cela choisi d’utiliser tous les moyens de la représentation ; l’esthétique de la scénographie, la musique, la vidéo, les archives sonores, le dessin en live, l’écriture poétique. Le rôle de l’art est de sublimer le réel et porte en lui, par son essence, une profonde dimension philosophique et spirituelle.
À l’instar des récits que me faisait mon père et d’autres soignants que j’ai pu rencontrer durant la conception de ce projet, chaque représentation m’est apparue comme une communion entre les acteurs, l’histoire et les spectateurs. J’ai tenu à ce que mon père soit présent sur le plateau, pour témoigner de son expérience, et peut-être aussi pour lui donner l’occasion de vivre une tournée avec une équipe artistique et partager avec lui ce qu’est ma vie. La fin de la pièce se poursuivait directement par un échange avec la salle, que nous assumions à deux sur le plateau. Ce spectacle a été une aventure personnelle intense à tous les niveaux, un acte de partage père-fils exceptionnel, et une forme de reconnaissance et de confiance mutuelles qui accompagnent encore notre relation. Nous avons d’ailleurs rédigé ensemble, par une belle après-midi d’été, ces deux textes que vous venez de lire…
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...