L’actuelle secrétaire générale de la Fédération des maisons médicales chérit la Sécurité sociale, une Sécurité sociale cependant mise à mal, notamment par des logiques néolibérales.
Je ne suis pas tout de suite tombée dans le mouvement des maisons médicales. Je suis d’abord passée par la mutualité. Même si j’ai à cœur de toujours garder un lien avec le terrain, de toujours incarner les plaidoyers politiques que je construis, je trouve aussi très important d’avoir une vision macro de la société. Il y a beaucoup de clichés. Par exemple que les chômeurs sont des profiteurs. C’est faux : le budget du chômage, c’est le troisième pan de la Sécurité sociale après les soins de santé et les pensions. Il faut démentir cette vision-là, il faut aussi rappeler que la Sécurité sociale offre une assiette de sécurité dans le cas où une personne perd son emploi, mais aussi dans le cas où elle a besoin d’un remboursement pour ses soins de santé, pour sa future pension, etc. Aujourd’hui, avec l’emploi qui peut faire défaut, c’est plus fondamental que jamais. On l’a vu lors de la pandémie, le chômage temporaire a permis à notre société dans son entièreté de tenir. Des logiques néolibérales visent à la marchandiser, visent à ce que le budget de la Sécu – qui pourtant est le budget des citoyens – aille de plus en plus vers des sphères à but lucratif alors que ça, ce n’est pas du tout dans l’intérêt des citoyens. Un exemple, celui de l’industrie pharmaceutique : on a observé sous la politique de la ministre De Block que l’industrie pharmaceutique a eu un taux de croissance des budgets lié à la Sécurité sociale de 7 % là où la première ligne de soins a été diminuée. C’est un budget, un pot commun des citoyens, qui est alloué à des logiques marchandes plutôt que dans la réponse à leurs besoins en santé publique par exemple. Je suis sidérée de réaliser à quel point des politiques voient plus leurs intérêts personnels, leur carrière, leur pouvoir se maintenir que le courage d’organiser des politiques publiques qui certes à première vue peuvent être moins populaires, mais dans les faits sur le long terme sont vraiment plus positives pour la société, pour le climat, pour la santé publique en général.
Une Belgique sans Sécu, ça ressemblerait à quoi ? Une Belgique sans Sécurité sociale ? Il suffit de regarder les États-Unis. Des personnes doivent s’endetter à vie parce qu’elles ont traversé une maladie ou parce qu’elles ont eu envie de mettre au monde des enfants. Aujourd’hui dans certains territoires populaires habités par des Afro-Américains, une personne sur deux est susceptible de présenter du diabète, un enfant sur cinq est obèse. Ça, c’est la Belgique sans Sécurité sociale si on n’arrive pas à bien la défendre et à la renforcer. Notre système de santé est bon si on le compare à d’autres pays. La Sécurité sociale est un mécanisme génial en termes de répartition des richesses, mais il se dégrade depuis une dizaine d’années. Par ailleurs, il pourrait être amélioré du fait qu’il est encore régi par des normes du tout au curatif plutôt qu’au préventif, par l’éparpillement des professionnels plutôt que l’organisation plus cohérente à l’échelle de différents territoires de ces professionnels en ce compris les différentes lignes de soins. La première ligne de soins, c’est les médecins généralistes, les infirmières, les soignants de terrain, proches des quartiers, des patients ; la deuxième ligne de soins, c’est les hôpitaux, les spécialistes, etc. Quand on compare les budgets de l’assurance maladie invalidité, on se rend compte que la deuxième ligne de soins est bien renflouée même si ces dix dernières années elle a été aussi amenée à faire des économies. La première ligne de soins par contre a toujours été très pauvre et donc ne sait pas répondre à l’ensemble des besoins des citoyens en santé. Plus on renforcera les soins de première ligne, plus on renforcera le préventif, plus on pourra faire face par exemple à des pandémies comme celle que l’on vient de traverser et plus on sera à même aussi de prévenir des maladies plus graves. On est dans un système aujourd’hui qui gère des maladies plutôt que de prévenir la santé des citoyens. J’espère que la pandémie va permettre à nos dirigeants, mais aussi aux citoyens, de prendre conscience des enjeux fondamentaux de travailler à un système plus préventif et plus solidaire, mais ce n’est pas pour autant que l’époque contemporaine arrête ces mécanismes de domination, cette marchandisation du système, cette mise à mal de la concertation sociale dans le système de santé. Je pense qu’il faut garder conscience que ces logiques de pouvoir continuent de nous dominer.
Sécurité sociale
L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 institua la Sécurité sociale obligatoire pour tous les travailleurs salariés. Il devait selon ses promoteurs en finir avec la notion dégradante d’assistance publique, en la remplaçant par celle de solidarité effective entre tous les citoyens. Le financement de la Sécurité sociale est assuré par trois sources : l’État, les cotisations patronales et celles des travailleurs. La perception des recettes est assurée par l’ONSS (Office national de Sécurité sociale), celles-ci sont ensuite réparties entre sept branches dont l’assurance maladie invalidité (AMI) (aujourd’hui assurance soins de santé et indemnités ou ASSI).
Devant les risques de détricotage de la Sécurité sociale (menacée aussi bien par la fédéralisation croissante de l’État belge que par la politique néolibérale des gouvernements successifs), la Fédération est régulièrement montée au créneau, comme en 1986 lors de la suppression du tiers-payant pour les soins ambulatoires. En 2001, par exemple, son président Patrick Jadoulle a rappelé que la couverture de protection sociale doit rester basée sur la solidarité et non sur le risque actuariel, comme y incitent les compagnies d’assurance privées, animées par le seul souci du profit. Ce thème est repris dans les mémorandums adressés par la Fédération au monde politique lors de chaque élection.
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...