Les syndicats de médecins viennent de vivre leur troisième scrutin. Deux syndicats, deux conceptions s’affrontaient. D’un trait schématique, celle de l’ABSyM s’articule autour d’un objectif de défense professionnelle pure et dure, et sert principalement les poids lourds financiers que sont les structures spécialisées et leurs servants. En face, le Cartel GBO-ASGB- SVH soutient la structuration d’une politique de santé et donne place à un pôle généraliste fort. Malheureusement, le SVH, principal syndicat généraliste en Région flamande, s’est récemment séparé du Cartel et a appelé au boycott des élections...
A situations nouvelles, résultats nouveaux ! Le Service d’évaluation et de contrôle des médecins (SECM le bien nommé) a joué à merveille son rôle de sergent recruteur pour l’ABSyM, le SVH a opportunément abandonné le Cartel avant la bataille en jouant la politique du pire. Tout cela ne pouvait que conduire à un affaiblissement de la représentation généraliste responsable. Le Cartel GBO-ASGB a donc perdu un siège dans le collège des généralistes. Cela peut apparaître catastrophique, en fait ce n’est que regrettable, mais il s’agit là d’une péripétie qui s’est jouée à 0.7% de voix [1].
Par contre, l’analyse des votes exprimés nous oblige à nous interroger plus avant sur ce qui s’est passé. Alors que la tendance de l’ABSyM (dite AMF - Association de médecine de famille) était à la chute (elle avait perdu 1.757 voix de médecins généralistes en 2002), on assiste à un frémissement de remontée avec un plus de 316 voix, pas de quoi pavoiser certes, mais cette discrète croissance a suffi à souffler un siège à un Cartel en grande méforme. Celui-ci perd 2.893 voix par rapport à 2002 ce qui n’est guère surprenant vu la défection du SVH (une ex-composante du Cartel). Pour rappel, ce syndicat affirmait haut et fort être le grand ramasseur de voix du Cartel. Si nous admettons (ce que je ne crois pas, j’y reviendrai plus tard) que la perte est entièrement due au SVH, il pèserait en effet un peu plus du tiers de l’ensemble Cartel & nouvelles abstentions.
Un regard plus approfondi sur les bureaux de vote semble montrer qu’outre la perte des voix qui se portaient sur le SVH, il y a eu également des pertes sèches au GBO du côté francophone. En effet les rapports de forces dans les bureaux francophones tournaient autour de 55% voire un peu moins [2], alors que de mémoire d’assesseur 2002, les chiffres tournent autour de 65 %. Il n’est donc pas impossible qu’un petit tiers de la perte du Cartel soit essuyée par le GBO. Heureusement cele ne s’est guère fait au profit de l’ABSyM mais du syndicat des pêcheurs à la ligne ce qui explique la quasi-stagnation du syndicat de la peur.
Au Nord du pays, la branche généraliste de l’ASGB a fait mieux que sauver les meubles avec 60 % des votes flamands. En 2002, les assesseurs estimaient les votes flamands du Cartel était à 75% soit une perte (relative) de 15% mais un peu plus élevée en chiffre absolus. L’ASGB peut revendiquer de faire quasi-jeu égal avec le SVH.
Au total, au Nord et au Sud, deux phénomènes différents mais concomitants. Au Nord, la défection du SVH qui sur une base poujadiste a créé un puissant courant d’abstentions qui a affaibli la représentativité syndicale des généralistes. Au sud, une stratégie absymiste de la peur et de la paranoïa qui, après deux échecs successifs, semble avoir enfin pris auprès de certains généralistes de plus en plus déboussolés. Cette stratégie a surtout touché le GBO, syndicat plus proche du cortex [3] que de l’hippocampe [4]. Le profit pour l’ABSyM fut réel mais modeste, tant ce syndicat est grillé comme chantre de la médecine générale.
Le Cartel garde la majorité des voix chez les généralistes mais, avec un taux d’abstention très élevé et un écart réduit avec l’ABSyM, sa possibilité d’impulser des politiques nouvelles [5] s’en trouvera amoindrie. La balle est maintenant dans le camp du politique. S’il souhaite que la médecine générale disparaisse, qu’il se tienne à distance de ses gémissements d’agonie. S’il souhaite sincèrement la sauver, qu’il définisse clairement comment il envisage la première ligne de demain et qu’il l’organise avec le seul syndicat responsable, les étudiants en médecine, les centre universitaires de médecine générale - CUMG et la Fédération des maisons médicales. Les autres interlocuteurs représentant la médecine générale se sont disqualifiés.
Le CARTEL (GBO-ASGB) reste le syndicat majoritaire des médecins généralistes et les médecins spécialistes du CARTEL progressent de 9,7% à 12,9 %. Le taux de participation est en baisse significative par rapport à celui de 2002, surtout en médecine générale.
Pour les 2 collèges (médecins généralistes et médecins spécialistes) confondus, les résultats sont du même ordre que ceux de 2002 :
Mais avec la partage des sièges en Commission nationale médico- mutualiste (rapport 8 ABSyM et 4 CARTEL), il n’y aura pas de grands bouleversements en comparaison de la situation antérieur (7 ABSyM et 5 CARTEL) : l’ABSyM pourra hélas toujours barrer la route aux projets du CARTEL pro-médecins généralistes et pro-actes intellectuels des médecins spécialistes.
Le CARTEL (GBO-ASGB) reste, et très nettement, le 1er syndicat des médecins généralistes du pays avec 53 % des voix (40% pour l’ABSyM et 7 % de votes blancs et nuls), aussi bien en Flandre où il est indiscutable que l’ASGB est en tête, qu’en Wallonie et à Bruxelles où le GBO fait mieux que maintenir ses positions.
Donc malgré la scission du SVH et leur mot d’ordre de boycott, malgré les attaques démagogiques de l’ABSyM, malgré les manipulations autour de l’affaire des quinolones, c’est encore le CARTEL (GBO-ASGB) qui porte les espoirs de la grande majorité des médecins généralistes.
Dr Philippe Vandermeeren, président du Cartel
[1] Le GBO a obtenu 57,7% des votes vers un syndicat, alors qu’il en eut fallu 58.34% pour obtenir le 4ème siège !
[2] On retiendra le cas du bureau 7 très hennuyer (nous aussi) où l’absym dépasse le GBO : 489 contre 457.
[3] C’est avec le cortex que vous pensez…
[4] Voir système limbique. Le système limbique ainsi dénommé par le neurologue français Broca, parce que celui-ci se trouve au bord (limbe)… du gouffre. On l’appelle aussi cerveau reptilien ou des émotions.
[5] Déjà obérée par le rapport de force en commission nationale médico-mutualiste.
n° 38 - octobre 2006
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...