Le groupe Palestine Santé (Bruxelles) a effectué une deuxième mission médicale dans la Bande de Gaza fin octobre 2008. En coordination avec le Palestinian Medical Relief Society (PMRS), nous avons tenté de mieux comprendre l’organisation des soins de santé de ce territoire isolé du monde et du reste de la Palestine, notamment en rencontrant les responsables locaux de la santé et en visitant les structures du PMRS ainsi que les hôpitaux.
Cette mission s’est déroulée avant l’offensive israélienne sur Gaza, et son rapport montre combien la situation était déjà catastrophique avant les destructions de ces dernières semaines.
Suite à notre mission de 2007, nous avons décidé de focaliser notre attention sur Gaza en 2008. L’accès difficile dans ce territoire et l’isolement qui en résulte nous ont poussés à y concentrer notre action, à élargir le champ de nos rencontres et à proposer à notre partenaire local, le Palestinian Medical Relief Society (PMRS), une collaboration active sous forme de séances de formation continue.
L’équipe était composée de Valérie Alaluf (médecine générale), Daniel Dekkers (ingénieur, organisateur), Olivette Mikolajczak (santé mentale), Michel Roland (médecine générale), Laurence Taca (économiste, information médicale), Jean-Pierre Thys (médecine interne, maladies infectieuses), Pierre Viart (cardiologie pédiatrique), Marie-Jeanne Wuidar (médecine générale).
Pour préparer l’expédition, nous avons dû obtenir l’autorisation d’entrer à Gaza, entité palestinienne, auprès des autorités israéliennes et non auprès des autorités palestiniennes, ce qui nous a demandé énormément d’énergie et de ténacité.
Dés l’arrivée au check point d’Erez, nous voila replongés dans la dure réalité des Palestiniens de Gaza. Ce matin-là, il pleuvait abondamment. A l’avant-poste de la frontière, nous trouvons un vieil homme en chaise roulante et sa femme. Ce Palestinien avait obtenu de recevoir des soins en Israël et attendait pour rentrer chez lui. En face de lui, protégé dans sa guérite, un soldat israélien. Durant toutes nos négociations pour pouvoir entrer à Gaza, il attend, sur sa chaise, sous la pluie, sa femme à ses côtés. De temps à autre, il essaye d’attirer l’attention du soldat, qui lui intime l’ordre d’attendre encore. Nous obtenons l’autorisation de passer et laissons derrière nous le vieil homme sur sa chaise roulante et sous la pluie… À la merci de la décision du soldat…
Si notre entrée à Gaza a été plus simple que l’année dernière (cela n’a pris qu’une heure et demi), nous retrouvons le même paysage ravagé, rendu encore plus misérable par la pluie qui a transformé le no man’s land entre les parties israélienne et palestinienne en mer de boue… Nous sommes frappés par la même irréalité que l’année dernière.
L’impression de pauvreté généralisée domine et n’est pas moindre que l’an dernier. La circulation des personnes et des marchandises entre Gaza et l’extérieur est arrêtée. L’importation des matières premières, des semences, des fertilisants… et l’exportation des produits agricoles (fraises, tomates…) n’est plus permise. A ces restrictions s’ajoute la rétention par Israël des revenus fiscaux qui appartiennent à l’Autorité Palestinienne, ce qui aggrave la crise financière.
L’ouverture de centaines de tunnels ’clandestins’ entre Raffah et l’Egypte permet de diminuer la disette imposée par le blocus, mais pas pour les plus pauvres qui ne peuvent se procurer ces denrées surtaxées par les exploitants des tunnels et par le Hamas. Creusés artisanalement à l’aide d’une simple boussole par de jeunes gens payés quelques dollars par jour pour travailler dans des conditions extrêmes : diamètre des tunnels imposant aux usagers de se déplacer à quatre pattes, manque d’oxygène, effondrement, explosion de bonbonnes de gaz…, ces tunnels permettent le passage de marchandises variées : pièces détachées pour véhicules, alimentation, vêtements, électroménager, carburant et même parfois du bétail… Beaucoup de boutiques de Gaza sont approvisionnées de cette manière, mais la majorité de la population n’a pas les moyens d’acheter ces produits. Peu de personnes utilisent ces tunnels pour quitter Gaza, le coût d’un passage est de 2.000 dollars. Assez régulièrement, un tunnel s’effondre, ce qui a provoqué 60 morts depuis le début de l’année. Tout le monde ferme les yeux : si ces tunnels permettent la survie de la population, ils entraînent en contrepartie le développement et l’enrichissement d’une mafia, même si le Hamas tente de garder le contrôle de ce trafic en empêchant le trafic d’armes qui pourraient renforcer des groupes armés opposés et imposant des taxes sur les produits des tunnels.
La majorité de la population (soit 1,1 millions de personnes) reste dépendante des rations alimentaires de l’Agence des Nations-Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens. Le taux de chômage varie entre 60 et 80 % selon les sources et l’inactivité des hommes est omniprésente dans la rue. Les zones industrielles sont à l’abandon. Le trafic automobile reste important et nous a paru plus dense que l’an dernier. Le Hamas gère les pénuries d’essence en distribuant des tickets permettant d’acheter quelques litres de carburant à la pompe. La ration officielle de carburant est complétée par l’essence d’Egypte passée par les tunnels.
La déréliction du tissu urbain et des services publics s’aggrave dans les quartiers populaires et dans les camps de réfugiés. Les immondices jonchent les rues, les égouts fonctionnent mal, provoquant inondations et destructions lors des violentes pluies d’orage : nous avons pu observer Gaza littéralement sous eau, les voitures quasiment immergées. Les eaux usées continuent d’être versées directement à la mer.
Les coupures d’électricité sont quotidiennes. Les immeubles en construction sont à l’abandon et se dégradent, faute de matériaux de construction. Par ailleurs, on observe des ilots d’habitations privilégiés, quasi luxueux, épargnés par le marasme général.
La sécurité est revenue grâce à l’arrêt des incursions israéliennes, obtenu en contrepartie de l’arrêt du tir de Qassam’s il y a cinq mois et grâce aussi au meilleur contrôle par le Hamas des bandes armées rivales. L’impression de calme et d’absence de menace prévaut sur l’ensemble du territoire. Cependant, les tensions internes sont extrêmement graves, mais peu visibles au grand jour.
Si les Israéliens ne sont plus présents dans Gaza, leur empreinte reste omniprésente. Lors de nos visites, nos accompagnateurs nous montrent régulièrement les restes du passé : « cette route était interdite aux Palestiniens, là vivait une famille palestinienne, enclavée dans une colonie, leurs déplacements étaient restreints à 2 h par jour, ce qui empêchait les enfants d’aller à l’école… ».
Les Israéliens ne sont plus présents matériellement ; durant notre visite il n’y avait pas d’incursion (situation qui a changé juste après notre départ de Gaza). Mais elle pèse pourtant tout autant : les Palestiniens ressentent partout les humiliations passées, ils ne peuvent entrer et sortir de Gaza sauf exceptions, l’entrée officielle des marchandises se fait au compte gouttes et est à la merci d’Israël ; des ballons israéliens surveillent le territoire de Gaza par caméra…
Le psychiatre Ayad Al Sarraj nous raconte une anecdote sur son neveu. Le petit garçon jouait le fier résistant armé palestinien et tenait en respect les ennemis. Un jour il décide d’inverser les rôles et devient un militaire israélien pointant son arme contre quiconque s’approchait de lui, soumettant les Palestiniens à des traitements violents. Quel événement avait pu provoquer une telle volte face ? Au cours d’une promenade en auto avec son père, ils avaient été arrêtés à un check point et le militaire israélien avait forcé son père à sortir en le pointant de son arme, et l’avait soumis à une fouille corporelle.
Pour un enfant, le père représente la protection, la force dont il a besoin pour se sentir en sécurité et grandir… Au check point, son père s’était montré impuissant face au soldat, donc incapable de le protéger. L’enfant a donc choisi le parti de la force…
La sortie de Gaza a été tout aussi surréaliste que l’année passée : dédale sécuritaire bétonné, contrôlé par des caméras de surveillances, entouré de murs et de grilles, passant de sas de sécurité en sas de sécurité, ordres éructés par des hauts parleurs. Nous passons le scanner de contrôle, tout cela sans contact direct avec les militaires israéliens, que nous apercevons dans une salle vitrée en hauteur : un homme face à un écran d’ordinateur nous donne des ordres, un militaire armé nous tient en joue. Enfin, nous atteignons la sortie et sommes presque soulagés d’être face à des soldats en chair et en os pour le contrôle de nos bagages, même si nous fulminons quand ils retirent nos gâteaux palestiniens qui pourraient constituer des armes redoutables…
Devant moi, une jeune Palestinienne passe l’épreuve du scanner. Elle porte un foulard coloré qui cache ses cheveux, mais non son visage. Dans la pièce vitrée, le soldat s’agite, le scanner a détecté des éléments suspects sur la tête de la jeune fille. Celle-ci enlève les épingles qui fixent le foulard et les montre à la caméra. Cela ne suffit pas, elle doit enlever son foulard aux yeux de tous…
Le conflit Hamas-Fatah est fondamental pour comprendre la situation de désarroi et de manque de repères actuels en Palestine : asymétrie entre la Bande de Gaza (domination Hamas) et la Cisjordanie (domination Fatah, en tout cas officiellement, mais de moins en moins réelle sur le terrain), légitimité démocratique revendiquée par les deux parties, mot d’ordre de grève du Fatah pour les fonctionnaires travaillant à Gaza, incomplètement suivie mais aux conséquences désastreuses pour la population sur les plan sanitaire et éducatif et qui renforce encore l’importance du blocus israélien, remplacement progressif et systématique des cadres Fatah par des cadres Hamas, diminution de la violence intérieure et contrôle social plus efficace, mais au détriment du pluralisme et de la liberté de parole, d’attitude et de religion, etc.
Dans l’ensemble, les intellectuels palestiniens des structures officielles ou laïques que nous avons rencontrés sont très critiques à l’égard de l’administration Hamas, sans généralement émettre de critiques franches à l’égard du Fatah, notamment au sujet du rôle diviseur de l’administration de Ramallah. Nous avons rencontré les responsables de l’université d’état Al Azhar ; ils ont fait état des conséquences négatives de l’interférence du Hamas dans la gestion de l’université : arrêt des cours, poursuite de professeurs militants (c’est-à-dire pas militant du Hamas), torture de l’un d’entre eux.
A l’opposé, à l’occasion de la visite de l’hôpital Shiffa, nous avons pu bavarder avec Mr Abu Ibrahim, directeur Hamas des relations publiques du ministère de la Santé. Sans nier vraiment les difficultés, ce dernier a présenté la reprise par le Hamas des organes officiels comme un succès, attribuant la majeure partie des difficultés au blocus proprement dit, sans critiquer ouvertement le Fatah, si ce n’est les conséquences délétères de la grève.
Autre son de cloche de la part du psychiatre laïc Abu Sarraj, personnalité palestinienne de renommée internationale, partisan du dialogue avec les Israéliens et avec toutes les tendances palestiniennes. Il vilipende l’attitude du régime corrompu de Ramallah, dominé par un Fatah ’désintégré’, au pouvoir morcelé, proie des influences israéliennes. Le plan d’isolement de Gaza serait un plan de longue date fomenté par Israël et avec l’accord tacite de Ramallah. Il évite de diaboliser le Hamas, rappelant son élection démocratique. Il reconnaît son influence positive en faveur de l’ordre et de la sécurité. Il rappelle la structure clanique de la société palestinienne et les obstacles engendrés par l’influence de certaines grandes familles ralliées au Fatah mais au comportement mafieux. Le Hamas tente de ’mettre ces familles au pas’, usant parfois de moyens militaires violents… Il estime qu’il faut laisser sa chance au Hamas d’organiser la société sur base du consensus électoral (mais il pense néanmoins qu’il sera difficile d’éviter de passer par une forme de régime islamiste) tout en favorisant la réconciliation des deux tendances majoritaires, Hamas et Fatah. Il fonde de grands espoirs à ce sujet sur la conférence du Caire prévue début novembre (conférence qui n’aura finalement pas lieu à cause de désaccords de dernière minute entre le Hamas et le Fatah). Il insiste sur l’importance d’un dialogue entre la communauté internationale et le Hamas au même titre qu’avec les autres parties du conflit. Selon lui, le pouvoir devrait être donné à une équipe neutre de techniciens qui serait acceptée par les deux factions en présence.
Mustapha Barghouti (président du parti Al-Mubadara) argumente dans le même sens. Il ne croit à aucun des deux partis et est partisan d’élections pour trouver une nouvelle majorité qui se distancierait des deux partis traditionnels. Il semble penser que si des élections avaient lieu actuellement, ces deux partis seraient désavoués et que l’espoir réside en une personnalité ’nouvelle et neutre’. Il rappelle notre devoir de lobbying des politiciens européens face à la politique israélienne. Nous devrions les défier devant leurs électeurs. Il rappelle brièvement toute la souffrance imposée aux Gazaouis par le siège israélien sans minimiser le rôle objectif de Ramallah dans son maintien. A titre d’exemple du cynisme israélien, il nous informe de la décision d’Israël de confier aux palestiniens le financement des centres de détention des activistes palestiniens…
L’incapacité de la majorité des foyers à acheter des aliments de base amplifie les problèmes de santé. Selon le ministère de la Santé (Hamas), 70 % des habitants de Gaza souffrent d’anémie, dont 44 % de femmes enceintes.
1. Soins de santé primaires
Le service de soins primaires assuré par le PMRS reste très satisfaisant au vu des difficultés actuelles. La tenue des infrastructures de soins est le plus souvent correcte. La qualité de l’abord médical est variable, mais plutôt adéquate. On note cependant une utilisation inappropriée des antibiotiques. La problématique médicale actuelle propre à Gaza entraîne une augmentation d’affluence dans les structures du PMRS. En effet, cette organisation non gouvernementale laïque, indépendante des mésententes politiques, reste totalement fonctionnelle et les patients découragés par la médecine publique en crise demandent de plus en plus souvent son aide – alors que le PMRS n’est pas outillé pour les soins du deuxième niveau. Cette situation entraîne un questionnement de la direction du PMRS quant à la prise en charge éventuelle (dans l’urgence actuelle) de cette médecine, bien que le PMRS souhaite ardemment continuer à se consacrer uniquement aux soins primaires. Il existe un désir de formation continue parmi les médecins du PMRS. Les quelques petites mises au point médicales que nous avons présentées ont été accueillies avec une excellente interactivité.
Le PMRS (Palestinian Medical Relief Society) est une organisation palestinienne basée sur la communauté. Il s’agit d’une des plus grandes organisations non gouvernementales médicales palestiniennes. Elle vise à améliorer la santé physique, mentale et sociale de tous les Palestiniens, sans se soucier de leur race, de leur opinion politique, de leur statut social, de leur religion ou de leur sexe. Pour atteindre ses objectifs, elle renforce les capacités des communautés.
Le PMRS développe des soins de santé primaires en Cis-Jordanie et à
Gaza permettant l’accès aux populations les plus vulnérables :
cliniques mobiles ;
centres de santé ;
centres pour les maladies chroniques ;
actions de prévention ;
programme de réhabilitation des personnes handica-pées ;
formation d’agents de santé.
A côté du PMRS et de la ligne hospitalière gouvernementale, il existe des infrastructures de soins privées, soit pures et dures, soit soutenues par des organisations non gouvernementales internationales. Nous n’avons pas eu le temps d’enquêter dans cet univers particulier et nous ignorons quelles sont les articulations entre ces différentes filières médicales. D’après les commentaires glanés ici et là, nous avons l’impression que, comme en Cisjordanie, les articulations sont déficientes et que chaque système fonctionne pour lui-même.
Cliniques mobiles (PMRS)
Nous avons assisté à des consultations organisées par le PMRS à l’intention de tous les palestiniens dans les régions isolées, principalement les personnes les plus vulnérables : femmes, enfants, personnes handicapées… L’équipe est formée d’un médecin, d’un infirmier, d’un technicien de laboratoire et d’un chauffeur. L’équipe dispose de médicaments de base, d’un petit laboratoire et d’une échographie. Les soins et médicaments sont fournis gratuitement à la population. Les médicaments amenés par la clinique mobile couvrent la plupart des besoins de la consultation. Ils proviennent de Bir Zeit ou d’Egypte. L’usine de Gaza a dû fermer, faute de matières premières.
La clinique est organisée dans des locaux prêtés par un particulier ou une école. Des tables, chaises et bancs sont mis à disposition de l’équipe. Il n’y a pas de table d’examen. Les patients sont extrêmement nombreux. La clinique mobile passe une fois par mois en moyenne. Les examens médicaux sont succincts et visent à réaliser un tri rapide, le médecin étant amené à recevoir une cinquantaine de personnes en une demi-journée. Le laboratoire effectue l’examen direct des urines et des selles, les glycémies, la mesure du taux d’hémoglobine. Il fournit très rapidement les résultats.
Les pathologies sont essentiellement dermatologiques, respiratoires, gastroentérologiques. La plupart des patients sont des enfants. Le recours aux antibiotiques est extrêmement fréquent. Aucun dossier médical n’est tenu, car la population fréquentant les consultations des cliniques mobiles est changeante. Le médecin ne dispose donc d’aucune information concernant les antécédents et le statut vaccinal des patients ce qui rend tout suivi impossible.
Centres de santé (PMRS)
•• Centres de santé
Ces centres possèdent du petit matériel, un laboratoire pour les examens de routine, un ordinateur, un matériel d’échographie. Les locaux sont propres mais exigus. La consultation est fréquentée essentiellement par des femmes et des enfants et l’organisation est quelque peu chaotique : beaucoup de patients dans la salle de consultation, flux de patients peu clair…
Les centres de santé offrent une consultation gynécologique. Le taux de natalité est élevé, mais avec des taux de morbi-mortalité gravidique (éclampsie, hypertension artérielle, diabète etc.) et infantile également très élevés. La planification familiale est difficile et peu efficiente du fait de la valorisation de la fertilité et de la famille nombreuse et de l’attitude réservée des hommes face à la contraception. Les problèmes d’infertilité sont nombreux. Les moyens de contraception utilisés sont le stérilet, le Dépo-Provera® et la pilule contraceptive, fournis par l’Agence des Nations-Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens. L’usage de préservatifs est conseillé, mais le recours à ce moyen de contraception est difficile à faire accepter. Les femmes sont mariées très jeunes et ont beaucoup d’enfants. Elles souhaitent parfois être stérilisées, mais les hôpitaux refusent.
•• Centre des maladies chroniques
Le nouveau centre pour les maladies chroniques du PMRS a ouvert ses portes il y a six mois dans un bâtiment très moderne.
Il vise à prendre en charge les maladies chroniques les plus fréquentes dans la population de Gaza : le diabète, les pathologies cardiaques dont l’hypertension et les problèmes psychiatriques. Les maladies chroniques liées au stress sont en forte augmentation en raison de l’isolement total de Gaza. Il met l’accent sur la prévention : tabac, exercice physique... Les programmes concernant le diabète et l’hypertension sont fonctionnels. Pour les pathologies psychiatriques, le centre fournit actuellement les médicaments qui sont trop onéreux pour les patients, mais la prise en charge est actuellement réalisée par des psychiatres extérieurs.
Les patients sont pris en charge par des médecins généralistes. Le centre espère s’adjoindre prochainement des cardiologues et des endocrinologues.
Le laboratoire permet de réaliser des examens chimiques, sérologiques, hématologiques, microbiologiques, le dosage d’hormones, le dosage du cholestérol... Le PMRS voudrait développer les marqueurs tumoraux, les marqueurs cardiaques et les examens liés à l’infertilité.
Le centre dispose d’une installation informatique permettant le classement et la gestion des dossiers, ainsi que la tenue de statistiques et la gestion de la pharmacie.
Pour le suivi cardiaque, le centre possède un électrocardiographe et un échographe obstétrical fonctionnel.
Certains services (dont le laboratoire) sont payants, mais la majorité des services sont gratuits afin de permettre l’accès aux populations démunies. Le nombre de patients est en augmentation constante en raison de la situation engendrée par le siège : stress, perte de couverture de la sécurité sociale pour les membres du Fatah chassés par le Hamas, prix élevé des médicaments…
Programme d’aide aux personnes handicapées
Ce centre couvre le territoire de Khan Younis et de 5 villages adjacents. Le programme vise à l’intégration sociale des handicapés et comprend donc des soins mais aussi des actions d’intégration dans le milieu de vie (domicile, école, travail) et des actions de sensibilisation de la population à la problématique des handicapés.
Les handicaps pris en charge par le programme sont : les troubles de l’ouïe, les troubles de la vue, le handicap physique, les troubles de la parole, les difficultés d’apprentissage, les troubles du comportement. Les équipes se déplacent dans les villages, au domicile des patients et dans les écoles. Les membres de l’équipe ont des compétences dans le domaine de la physiothérapie, dans le domaine de la psychologie et dans l’intégration sociale. Nous sommes frappés par la vision globale du handicap qui inspire toutes les activités des centres de réhabilitation.
Lors des visites à domicile, les physiothérapeutes non seulement font la kinésithérapie aux enfants, mais en profitent aussi pour informer les parents et leur apprendre des exercices. L’équipe visite aussi les écoles afin de favoriser l’intégration scolaire. Des séances d’informations sont organisées pour les parents des écoles. Ces séances abordent divers thèmes sur le handicap ; les parents, en majorité les mères, se montrent très intéressées et interagissent énormément.
2. Soins spécialisés et transfert de patients
La situation médicale générale continue à se détériorer : d’une part en raison du blocus, mais aussi à cause de la politique conflictuelle que mènent le Fatah et le Hamas. Le blocus prive les infrastructures de soin de médicaments, de produits sanitaires et de matériel disposable . Les pannes d’électricité sont fréquentes et fragilisent les services à implication technique lourde. Il est de plus en plus difficile de faire fonctionner sans interruption les différents services et de fournir les médicaments appropriés. Les structures de soins gouvernementales sont vétustes ; l’hygiène est insuffisante et on perçoit un découragement certain du personnel médical et paramédical. Par ailleurs, Ramallah a imposé (sous peine de suppression de salaire) au personnel d’obédience Fatah des structures gouvernementales (soins de santé, enseignement, administration…) de se mettre en grève illimitée pour protester contre la gestion du Hamas dans la bande de Gaza. Le personnel des structures de soins gouvernementales est dès lors insuffisant et la compétence des remplaçants imposés par le Hamas est souvent aléatoire. Ceci s’ajoutant aux effets délétères du blocus entraine une détérioration considérable de la qualité des soins du deuxième niveau.
Visite de l’hôpital Al Shiffa (médecine, chirurgie, gynécologie)
La structure est composée de trois hôpitaux : médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique. C’est la plus grosse institution palestinienne : 600 lits, 1.500 travailleurs, elle dessert une population de 600.000 personnes.
Auparavant, des équipes de médecins et chirurgiens étrangers venaient compléter les équipes locales. Actuellement ce n’est plus possible et l’hôpital souffre cruellement de manque de personnel (phénomène amplifié par la grève des services publics), de matériel médical, de pièces de rechange (dialyse, …), de médicaments (notamment pour les maladies cardiaques, les cancers et l’insuffisance rénale chronique). Les conditions de travail sont particulièrement difficiles : les coupures de courant sont fréquentes (parfois plus de 8 heures), qui obligent à recourir à des générateurs pour les soins intensifs, la dialyse, les salles d’opération et le secteur néonatal. Les coupures d’alimentation en électricité ont également pour conséquences la destruction de stocks de médicaments et de vaccins. Le manque d’hygiène est total.
La salle de réanimation adulte accueille des patients en post-opératoire et des cas médicaux, mais il n’y a actuellement aucune victime de violences. L’équipement est vétuste mais opérationnel.
La salle de dialyse est surexploitée : trois patients par machine et par jour. L’hygiène y est précaire, le matériel est vétuste, plusieurs appareils sont remisés dans un couloir, hors d’état de fonctionnement et irréparables faute de pièces de rechange.
En néonatalogie, les couveuses fonctionnent, mais pas les moniteurs.
Les patients ne peuvent être transférés vers Israël et l’Egypte. L’hôpital est aidé par les PHR (Physicians for Human Rights) dans le cas de refus de transferts, mais l’isolement total de Gaza rend les conditions de collaboration très difficiles.
Visite de l’hôpital des enfants (Nasser Hospital)
L’hôpital compte 160 lits, dont 6 lits de soins intensifs et 24 lits néonataux.
L’hôpital était financé par les Etats- Unis et l’Union européenne. Tous ces projets sont suspendus. Actuellement, l’aide provient de la Croix Rouge, de l’Unicef et de l’Agence des Nations- Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens. Un programme de chirurgie cardiaque est en cours d’organisation en collaboration avec le Gouvernement belge (professeur Van Nooten, Gand).
L’hôpital rencontre les mêmes difficultés que celui de Shiffa : locaux vétustes, manque de matériel, de médicaments, de médecins, de formation continue, de livres (les plus récents datent de plus de quinze ans).
Il y a actuellement 600 enfants par mois qui nécessitent un transfert dont seuls 300 obtiennent une autorisation de sortie. Il y a en conséquence une accumulation de patients en attente de transfert.
Projet cardio-pédiatrique
D’après nos informations, il existe trois cardiologues pédiatres ’gouvernementaux’ sur le territoire de Gaza.
Mme Forijat Saed Owida au Al Naser Children’s Hospital, où existe une unité ’officielle’ de cardiologie infantile, et les Dr Bashir et Fayouz dans de plus petites structures, dont l’Hôpital Al Dourra. La spécialité bénéficie de l’aide technique belge sous la direction de l’UZ Gent, professeur Van Nooten. Un quatrième cardio-pédiatre est d’ailleurs en formation à Gent, le Dr Mahmoud Zaqout. Jusqu’à présent, seules les techniques non invasives sont disponibles et les cardio-pédiatres sur place, formés en Bulgarie ou ailleurs, ne savent pas cathétériser. Le sauraient-ils d’ailleurs qu’ils ne disposeraient pas encore de l’outil nécessaire (une salle de cathétérisme a été fournie par la coopération technique belge et UZ Gent professeur Van Nooten à l’hôpital européen de Gaza mais nous ignorons si des enfants y sont pris en charge). L’hôpital des enfants s’est muni d’une extension moderne en voie d’équipement où seront logées les sous-spécialités pédiatriques, dont la cardiologie infantile, cette fois munie d’une salle de cathétérisme équipée pour le cathétérisme interventionnel. Rappelons à ce sujet les difficultés rencontrées il y a peu par le professeur Van Nooten pour finaliser l’apport de la coopération technique belge, difficultés résultant de la mésentente politique interne. Signalons également que l’hôpital n’est pas couplé à une maternité, cette dernière étant à l’hôpital de Shiffa au centre de la ville. Il s’agit là d’un maillon faible dans la chaine de prise en charge de la cardiologie malformative périnatale – comme d’ailleurs de toute pathologie périnatale. Par ailleurs, l’unité cardiaque de l’hôpital des enfants doit faire face à un nombre de cas impressionnant pour une structure aussi petite et aussi vétuste. La cardiologue pédiatre est seule et ne peut humainement faire face à toutes les situations d’urgence (jusqu’à 10 nouveaux cas dépistés par jour, dont 1 urgent, ce qui n’est pas étonnant pour une population qui devrait générer environ 500 à 600 nouvelles cardiopathies par an et qui a donc une clientèle potentielle – 0 à 15 ans - de 7.500 à 9.000 patients). Il est donc fort probable que de nombreux patients décèdent avant de pouvoir être pris en charge et c’est d’ailleurs ce qui accable terriblement la cardiologue pédiatre qui nous a reçus.
A Gaza jusqu’à présent, on ne peut donc sur le plan cardio-pédiatrique aller au-delà du stade diagnostic. Nulle part il n’existe de chirurgie cardiaque pédiatrique dans le réseau officiel. Tout enfant nécessitant une intervention doit être transféré en Israël : dans les hôpitaux Tel Hashomer, Wilson, Hadassah et Al Makassed (Jerusalem Est), ce dernier étant bien entendu palestinien mais techniquement isolé de la Cis-Jordanie par le mur. Les transferts sont généralement obtenus grâce à l’intervention du Perez Centre for Peace, avec lequel d’ailleurs travaille Physicians for Human Rights- Israël. Nous n’avons pas perçu de soucis particulier pour favoriser les transferts vers l’hôpital Al Makassed (hôpital palestinien à Jérusalem est), mais il faut dire que les difficultés sont telles que tout transfert obtenu est un soulagement. Pendant l’année 2007, 170 enfants cardiaques ont pu ainsi être transférés, dont la moitié en période néonatale, ce qui sous-entend le fonctionnement d’une procédure d’urgence relativement efficace, un peu en contradiction avec les difficultés majeures rencontrées pour le transfert des adultes… (Nous rejoignons peut-être là la volonté opportuniste des israéliens d’opérer les enfants cardiaques palestiniens, constatée lors de nos contacts avec le Dr Nazih à Nazareth en 2006).
Lors de notre visite l’année passée, les médecins du PMRS nous ont demandé d’organiser des exposés dans le cadre de la formation continue. Les conférences ont porté sur les sujets suivants :
• l’usage des antibiotiques ;
• les maladies cardio vasculaires ;
• les maladies cardiaques congénitales ;
• les maladies génétiques liées au chromosome X.
Connie Hackbarth (Alternative Information Centre) nous a relaté la situation figée en Israël, où les Arabes sont diabolisés par la majorité de la population. Seuls les mouvements activistes de la paix agissent en sens contraire, mais cela représente peu de personnes. Elle fonde un certain espoir sur la jeunesse où de plus en plus de jeunes s’organisent pour échapper au service militaire, mais dans un but le plus souvent égoïste. Il y relativement peu de vrais « refusnicks ». Elle est en faveur du boycott commercial et universitaire.
Ran Yaron (Physicians for Human Rights) nous a exposé les difficultés de plus en plus grandes rencontrées à Gaza pour organiser les transferts sanitaires. En effet, outre les obstacles israéliens bien connus, il faut tenir compte maintenant de la grève de l’administration gouvernementale palestinienne qui freine la rédaction des documents administratifs nécessaires. Auparavant, 75 % des demandes de transferts de PHR étaient acceptées, elles ne sont plus que 20 % actuellement. Le nombre de décès sur la liste d’attente est inconnu mais PHR peut faire état de cas certifiés.
Nous quittons Gaza écrasés par la situation qui y prévaut. Nous sommes bien conscients que l’aide médicale que nous pouvons apporter n’est qu’une béquille, que la seule solution est l’instauration d’une paix véritable entre Israéliens et Palestiniens.
Néanmoins, l’accueil enthousiaste que nous avons reçu aussi bien de la part de la population que du personnel des structures de soins que nous avons visitées nous montre que nous apportons quelque chose : la possibilité de réfléchir ensemble à des problèmes de santé existant aussi dans le monde moderne, ainsi qu’un peu d’air de liberté.
Nous quittons Gaza, traversons un no man’s land de désolation et rejoignons le monde moderne et « normal ». Au- dessus de nous flotte un dirigeable israélien qui photographie un peuple abandonné, luttant pour sa survie.
Au-delà du témoignage qui reste important pour qu’on n’oublie pas les Gazaoui, nous nous proposons de continuer à soutenir le PMRS.
Concrètement, nous comptons mener notre action dans quatre domaines.
• Soutien au centre de maladies chroniques du PMRS à Gaza
Le nouveau centre de maladies chroniques fonctionne depuis six mois, la fréquentation est en augmentation constante. L’équipement n’est cependant pas complet.
Le PMRS a défini les besoins suivants :
un échocardiographe ;
un électrocardiographe d’effort ;
un Holter ;
du matériel de laboratoire.
Nous étudions la faisabilité d’envoi de ce type de matériel et d’utilisation sur place et lancerons prochainement une campagne de récolte de fonds.
• Formation continue du personnel de santé du PMRS Gaza
Nous comptons continuer le programme de formation continue du personnel sur base des demandes exprimées sur le terrain, ainsi que l’acheminement de documentation dans le domaine médical.
• Amélioration de l’organisation des soins de santé à Gaza
Lors de nos missions, nous avons notamment constaté la difficulté d’organiser le suivi des patients lié à l’absence de dossier médical dans les cliniques mobiles et le manque d’articulation entre les divers systèmes de soins. Nous espérons qu’un expert en santé publique rejoindra notre groupe et participera à la prochaine mission.
• Projet cardiopédiatrique à Gaza
A plus long terme, nous comptons développer un projet de dépistage et prise en charge des pathologies cardiaques pédiatriques.
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...