Les maisons médicales suscitent l’intérêt dans les milieux académiques, tant du côté de la santé publique que de l’économie sociale. Une question centrale est celle de l’adéquation de leur mode d’organisation pour la qualité du service de santé. Christian Legrève analyse trois travaux de fin d’études qui illustrent cet intérêt.
Les maisons médicales occupent une place spécifique dans leur secteur. Elles sont minoritaires, mais ont cessé d’être marginales. Elles sont des initiatives privées d’intérêt public. Elles constituent une alternative, mais manifestent une volonté de prendre une place dans le système de santé. C’est une des caractéristiques qui les rattache au secteur de l’économie sociale : elles organisent une expérimentation qui peut faire évoluer l’organisation publique du secteur des soins de santé, et sont relativement reconnues pour ça.
Ce qui est posé, c’est, en quelque sorte, la question des leviers de la performance, notamment formulée dans les conclusions d’une étude du Centre fédéral d’expertise des soins de santé il y a quelques années [1]. Et, à l’intérieur de cette question générale, celle du bénéfice pour le travail des soignants dans nos équipes. Qu’est-ce qui aide les soignants dans nos maisons médicales ? Qu’est-ce qui les freine ? Qu’est-ce qui fait obstacle à l’exercice de leur métier ? Quelles sont les conditions de leur épanouissement professionnel spécifiques à nos équipes pluridisciplinaires ? Quelles évolutions pourrions-nous soutenir ou contrôler ?
Ces questions ont déjà été traitées à l’interne, ou par des chercheurs issus des maisons médicales. Récemment, des travaux académiques s’y sont penchés de l’extérieur, et à partir de disciplines scientifiques différentes. Il nous a semblé intéressant d’analyser le regard croisé qu’ils posent sur nos pratiques.
Adrien Lorenzi a présenté en juin 2014 à l’Institut des sciences humaines de l’université de Liège, en vue de l’obtention d’un diplôme de master en gestion des ressources humaines, un mémoire intitulé Le déclin de l’égalité salariale dans les maisons médicales, étude réalisée auprès de trois maisons médicales liégeoises.
Aurore Leloup a, elle, obtenu en 2015, le master en sciences de gestion à finalité spécialisée en management des institutions sociales. (une filière de l’Ecole de management de l’université de Liège, organisée en collaboration avec le Centre d’économie sociale de l’université de Liège). Elle a écrit un mémoire-projet intitulé Identification des stratégies pertinentes de croissance pour les maisons médicales. Enfin, pour Emilie Goffart, en vue du master en sciences de la santé publique, finalité gestion des institutions de soins, c’était, en 2015, un mémoire sur Le maintien des médecins généralistes en maison médicales : analyse qualitative de la problématique des départs, et pistes d’action.
Chacun des travaux comporte une description de ce qu’est une maison médicale. C’est, bien sûr, très intéressant de lire comment on parle de nous. La description d’Emilie Goffart est très sommaire. Adrien Lorenzi insiste surtout sur le contexte historique, et centre très vite sa description sur la problématique qui le mobilise. Aurore Leloup, enfin, fait un descriptif très complet et cohérent des maisons médicales en général (histoire, agrément, financement), et s’attache, ensuite aux diverses dimensions du contexte du centre particulier qu’elle observe (territoire, offre, histoire, population, activité….).
Le regard le plus interpellant est celui porté par Adrien Lorenzi, à travers des jugements, malheureusement pas toujours étayés : « organisations de santé, composées d’un agglomérat de fonctions diverses qui se meuvent entre projet de santé pour tous et initiatives sociales » ; « …les questions matérielles y sont considérées comme illégitimes et sans intérêt » ; « Dans les maisons médicales, la gestion des ressources humaines n’est pas représentée par une fonction déterminée. C’est généralement la communauté qui s’organise de manière à assurer toutes les missions de type ressources humaines : recrutement, formation, évaluation, etc. », « Les travailleurs, quant à eux, sont motivés par les missions de l’organisation et acceptent, par conséquent, des rémunérations plus faibles que dans les autres secteurs, voire parfois inexistantes (bénévolat), qui se justifient comme un ‘don’ à l’organisation » ; « tout travailleur porte la double responsabilité d’employé et d’employeur » ; « L’autogestion et la non-hiérarchie sont des particularités de l’économie sociale et des maisons médicales ».
Qu’on adhère ou pas à ces analyses, il me semble important de constater qu’elles existent. On dit ça de nous.
Les questions de recherche formulées dans chacun de ces travaux sont assez différentes, même si elles me semblent très liées entre elles.
Dans le cas d’Adrien Lorenzi, la question de départ a subi des transformations au cours des premières recherches. « Notre question initiale était la suivante : ‘Comment, dans notre société capitaliste, l’égalité salariale peut-elle exister ?’. Elle était issue d’une conversation informelle sur le fonctionnement des maisons médicales avec un médecin. Par la suite, deux entretiens exploratoires ont eu lieu. Le premier, avec un médecin, a permis de reformuler la question de départ : ‘Quelles sont les raisons qui permettent à l’égalité salariale de subsister dans les maisons médicales ?’. Mais cette question abordait le sujet de manière inverse à son évolution : en effet, l’égalité salariale tend à disparaitre. C’est à la suite d’un second entretien exploratoire, avec un médecin, que la question de départ s’est muée en problématique : ‘Quelles sont les raisons pour lesquelles l’égalité salariale en maison médicale tend à disparaître ?’ ».
À partir d’une recherche théorique préalable sur la motivation, la qualification et la reconnaissance, Adrien Lorenzi a été amené à formuler quatre hypothèses :
Le mémoire-projet d’Aurore Leloup visait « à identifier des stratégies pertinentes de croissance pour une maison médicale à travers ses implications sur le fonctionnement organisationnel de la structure ». Le sujet répondait à une demande de la Fédération des maisons médicales, et rencontrait une attente de la maison médicale. Cet objectif général était décliné en trois étapes :
une revue de littérature pour mettre en évidence les différents scénarios existants de croissance pour les entreprises et ceux qui étaient accessibles aux maisons médicales compte tenu de leurs spécificités ;
Des entretiens pour recenser les implications des scénarios de croissance sur le fonctionnement organisationnel de la maison médicale observée ;
Une généralisation des résultats pour établir des pratiques à mettre en œuvre durant la croissance en maison médicale.
La question de recherche initiale de Emilie Goffart était la suivante : « Comment rendre attractive la profession des médecins en maison médicale ? ». Elle s’est ensuite transformée au cours des premières recherches pour se porter sur les « écarts entre les attentes des généralistes en maison médicale et la réalité de terrain », puis est devenue après recadrages : « Quelles sont les frustrations responsables du départ des médecins généralistes hors des maisons médicales ? ». Finalement, la question de recherche a été : « Quelles frustrations doivent être éliminées pour maintenir les médecins généralistes dans les maisons médicales de la région liégeoise ? ».
Emilie Goffart souhaitait, « en donnant la parole aux médecins généralistes, analyser leur ressenti du travail en maison médicale, leurs difficultés et souhaits par rapport à leur pratique pluridisciplinaire, ainsi que les facteurs susceptibles d’améliorer leur degré d’épanouissement professionnel ». Elle espérait, en outre, formuler des « hypothèses de pistes d’actions à mettre en œuvre en vue de réduire le nombre de départs hors des maisons médicales ». Elle formule l’hypothèse du rôle déterminant de trois facteurs : les conflits de valeur, les exigences du travail, la reconnaissance au travail, qu’elle souhaite explorer.
C’est un des volets qui me semblent les plus profitables pour nous. Ces chercheurs mettent notre expérience en perspective avec les théories. Ça permet de prendre des distances, et de se rendre compte que les évènements que nous vivons à un niveau anecdotique, peuvent prendre sens dans une vision construite de la réalité. Certes, ils ont leurs propres questions de recherche, et leurs conclusions leur appartiennent. Mais ils mettent en lumière des concepts et des systèmes de référence qui peuvent nous aider à penser nos propres questions.
Adrien Lorenzi fonde son approche sur une analyse de ce qui crée la motivation au travail. Se basant sur une série de travaux, il en distingue les composantes, entre motivation intrinsèque et extrinsèque. La motivation intrinsèque serait liée à l’intérêt de la tâche elle -même. La motivation extrinsèque serait « séparable de la tâche, le travailleur étant motivé par un élément qu’il obtiendra en réalisant la tâche ». Il décrit ensuite, en s’appuyant sur la littérature, les éléments qu’il fait entrer dans l’une et l’autre de ces catégories. Adrien Lorenzi tente ensuite, en s’appuyant sur la sociologie du travail, de définir la compétence et la qualification. Enfin, il s’intéresse à une théorie de l’équité et de la justice organisationnelle fondée sur la « comparaison des rétributions et contributions par rapport à des personnes tierces considérées comme référents ».
Aurore Leloup, quant à elle, convoque une théorie de la croissance des organisations qui semble d’autant plus intéressante qu’elle s’applique à des objets réels que nous connaissons bien, et qu’elle est orientée vers des choix inscrits dans la pratique. Elle passe en revue les causes, raisons, conditions et stratégies de croissance, et éclaire ainsi des débats à l’œuvre dans nos maisons médicales. Emilie Goffart, enfin, s’est appuyée sur un guide méthodologique d’aide à l’identification, l’évaluation et la prévention des risques psycho-sociaux dans la fonction publique pour identifier les potentielles sources de frustrations des médecins et les regrouper en cinq dimensions d’analyse : les conflits de valeur, les exigences émotionnelles, les exigences du travail, l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et la reconnaissance au travail.
Trois des cinq dimensions d’analyse ont été retenues pour formuler des hypothèses, « en raison de leur plus grande pertinence dans le contexte étudié » : les conflits de valeur, les exigences du travail, et la reconnaissance au travail.
Le cadre conceptuel du modèle de l’intention de rester a guidé son étude. Elle a choisi un modèle Conceptual Model of Intend to Stay adapté pour mieux comprendre le phénomène des départs des médecins et les stratégies de rétention à mettre en place. Ce modèle met en relation, entre autres, les concepts de satisfaction au travail, d’engagement organisationnel multidimensionnel et d’intention de rester.
Les questions transversales qui m’ont intéressé dans ces travaux sont celles qui concernent l’adéquation de nos modes d’organisation pour la qualité du service de santé. Bien sûr, ce n’est pas, à proprement parler, leur objet d’étude. Mais les trois travaux se centrent chacun sur un aspect particulier de cette organisation : la politique salariale, la taille de l’équipe, la place des médecins. Et ces aspects sont, à l’évidence, au cœur de la problématique de notre organisation. Et au cœur de nos préoccupations.
C’est bien ce qui m’a intéressé. Ces gens ne font en aucune manière partie des maisons médicales. On n’aborde pas, ici, les choses de notre point de vue. Ils ne partent pas des principes de l’autogestion ou de la transdisciplinarité. Ni d’une position pour ces principes, ni contre. Ils s’intéressent à la mise en œuvre. Avec un regard neuf. Là où nous avons beaucoup de peine à regarder ces questions en faisant abstraction de ce que nous pensons sur le plan des principes. C’est pourtant bien dans la mise en œuvre que nos équipes sont quelquefois en panne, en difficulté, voire tétanisées. Je pense qu’on peut regarder ces travaux en cherchant ce qu’ils révèlent de pistes pour l’évolution de la pratique, qu’on soit d’accord ou pas avec leurs auteurs, et sans renoncer à son esprit critique, évidemment.
Adrien Lorenzi s’intéresse uniquement à l’égalité salariale. Au terme de son travail, il constate que la position des différents travailleurs ne peut pas être décrite de manière simple, en relation avec la seule qualification (telle qu’il la définit), la motivation ou la reconnaissance. Il faut prendre en compte de nombreux autres facteurs, tels que le sentiment d’équité, la situation personnelle, la perception du rôle dans l’établissement, la compréhension du modèle autogestionnaire, etc. Au-delà de ce constat, les analyses d’Adrien Lorenzi mettent en évidence quatre éléments essentiels qui répondent à sa question de départ, et éclairent nos questions transversales :
La pression de l’extérieur : « l’égalité salariale représente une politique salariale rarissime, [qui] n’existe pas dans le privé capitaliste ni dans le public et reste peu fréquent, même dans le non profit ». « les maisons médicales forment une ‘bulle’ et constituent un microcosme. Par exemple, à l’extérieur, les médecins jouissent d’une reconnaissance sociale élevée. A l’intérieur des maisons médicales, ils sont considérés comme les autres travailleurs, la reconnaissance ne s’effectuant pas selon les mêmes critères. De plus, ils doivent donc faire face à un différentiel négatif avec l’extérieur. Ce constat explique que ce sont surtout des médecins qui demandent à sortir de l’égalité salariale » ;
Le flou de l’égalité salariale : « Chaque individu et chaque maison médicale développe des définitions différentes et parfois contradictoires de l’égalité salariale ». Adrien Lorenzi constate « le poids moral et idéologique que l’égalité salariale véhicule » et que « ce flou a des conséquences positives autant que négatives » ;
La méconnaissance des autres : « Il apparait ainsi que les travailleurs n’ont pas conscience du quotidien des autres. Cette méconnaissance les pousse à des débats stériles, où chaque partie demande des preuves à l’autre » ;
L’individualisme : « La société met de plus en plus de pression sur les individus qui doivent démontrer leur valeur, seuls, en dehors du groupe. Et cette individualisation est perceptible de deux côtés : peut-être les médecins ressentent-ils un besoin individuel de valorisation ? Peut-être les autres travailleurs se réalisent-ils à travers le fait d’être considérés à l’égal du médecin ? »
Enfin, Adrien Lorenzi constate que « Au-delà des perceptions et des opinions, un fait semble certain : un seul et même corps de métier (les médecins) est à l’origine de la sortie des maisons médicales de l’égalité salariale. Ces travailleurs étaient très majoritairement en souffrance dans l’égalité salariale et ont cherché à en sortir ».
Aurore Leloup étudie le contexte particulier d’une seule maison médicale. Dans sa partie théorique, elle relève une série d’éléments qui constituent autant de points d’attention et peuvent inspirer des transformations ou des évolutions propres à assurer plus de confort et de facteurs d’épanouissement professionnel pour les soignants dans le cadre d’autres équipes. Les travaux de Adam & Rijpens identifient un modèle de « cycle de vie d’un conseil d’administration » divisé en cinq étapes, qui modélise l’évolution dans le temps des relations entre le conseil d’administration et l’équipe. Frémeaux, lui, établit que la croissance tendrait vers des modèles de gouvernance ouverts associant différentes parties prenantes dans la prise de décision.
À partir de ses propres observations, Aurore Leloup parvient également à une série de recommandations qui semblent transposables :
Il est bénéfique de consacrer du temps à transmettre l’information à tous les membres de la structure, « ce qui peut ralentir l’efficience des prises de décisions » ;
La croissance de la maison médicale implique la structuration des réunions. Une tentative intéressante est expérimentée dans l’équipe observée, à la suite de la recherche ;
Les fonctions transversales doivent se spécialiser et se professionnaliser au fil du temps et de la croissance, mais on peut penser une « hiérarchie de fonctionnement » où « les responsabilités des différents organes de prise de décisions se clarifient et se formalisent, mais les prises de décision restent démocratiques » ;
L’agrandissement de la maison médicale pourrait la faire paraître comme une « usine à soigner » où les patients défilent plutôt que comme un lieu proche de la population recherchant la qualité dans la relation soignant/patient. La maison médicale d’Aywaille a déjà réfléchi à cet enjeu envisageant de « créer des petits groupes composés de deux médecins et d’infirmières qui s’occuperaient d’un certain nombre de patients propres », ou « deux groupes de professionnels fixes et un groupe de professionnels plus polyvalents qui assureraient les remplacements en bougeant d’un groupe à l’autre en fonction des absences dans chacun des groupes » ;
L’utilisation d’outils informatisés performants est primordiale pour assurer la continuité des soins fournis aux patients, et pour la gestion informatisée des horaires du personnel.
Emilie Goffart s’adresse uniquement aux médecins. Concernant les résultats de recherche, il ressort que les frustrations liées à la gestion sont parmi les plus problématiques. Mais il semble également intéressant, en parallèle, de « réfléchir au recrutement », puisque « les médecins les moins en adéquation avec les valeurs défendues par la maison médicale sont ceux qui se désinvestissent le plus ». Elle observe aussi qu’« un grand engagement organisationnel antérieur, suivi du sentiment de recevoir peu en retour, est lui aussi un facteur de risque ». Pourtant, certains répondants ont souligné que « le travail médical doit rester la priorité et qu’il n’est peut-être pas nécessaire de s’éterniser sur des discussions philosophiques ». Emilie Goffart constate que « les médecins apprécient l’autogestion en général, mais aimeraient qu’il y en ait clairement moins. Le régime d’assemblée se montre effectivement problématique : les participants souhaitent déléguer beaucoup plus en ce qui concerne la gestion administrative au quotidien, et voir les changements se produire plus vite ».
Enfin, elle estime que « les questions d’ordre financier soient parfois difficiles à aborder dans les maisons médicales ».
Selon Emilie Goffart, les médecins souhaitent privilégier « des petites structures de maisons médicales, disposant d’une organisation bien définie et des outils de gestion nécessaires ». Il est question de « pondérer l’autogestion et de se résoudre à aller de l’avant ». « La possibilité d’ouvrir les organes de décisions à des personnes extérieures semble avoir les faveurs des répondants ».
Lors de la défense de mémoire d’Emilie Goffart, plusieurs questions du jury et des médecins présents ont porté sur la spécificité de ses observations, par rapport aux maisons médicales. On aurait pu, dit un juré, élargir la problématique « à la mobilité professionnelle des médecins généralistes en général ». Un autre demande « ce qui converge et diverge si on transpose les questions dans un autre cadre de soin pluridisciplinaire, un service hospitalier, par exemple ». Emilie Goffart estime que c’est la surcharge qui est commune, et la référence aux valeurs qui fait différence. Un autre médecin aurait souhaité voire examinée « la configuration en plateforme rassemblant des antennes ». Emilie Goffart estime que le statut commercial en SPRL permet plus facilement la création d’antennes. Enfin, au président du jury, elle apporte des précisions sur « le manque d’ouverture décrit dans les maisons médicales observées ». Emilie Goffart l’attribue aux contraintes de l’inscription au forfait, aux difficultés de collaboration en réseau, au « sentiment d’être les meilleurs, ou que la maison médicale est la solution ». Autant d’éléments qui ouvrent des perspectives par rapport à nos questions à nous.
En conclusion, je dirais que nous avons tout bénéfice à encourager les travaux comme ceux-là. Expertise, extériorité, regard neuf ; autant d’atouts pour analyser nos modes d’organisation au bénéfice des métiers du soin. Or, nous-mêmes avons besoin d’une telle analyse pour penser l’évolution de nos pratiques et de notre modèle. Comme le dit Emilie Goffart en conclusion, « les maisons médicales ne doivent pas avoir peur du changement ».
Du coup, nos raisons de nous intéresser à ces questions sont, à l’évidence, communes. Et donc, nos démarches pour les inspirer, les documenter, les éclairer, les orienter gagneraient aussi à être communes. Les travaux présentés ici sont parfois enfermés dans leurs hypothèses de départ. Assez régulièrement, des étudiants s’adressent à la Fédération pour trouver un accompagnement à leurs travaux, une aide au démarrage, à la formulation d’une problématique, à l’identification d’un terrain. Ces demandes rencontrent des fortunes diverses, dépendant un peu du hasard, des disponibilités des uns et des autres, du canal de sollicitation. Le mouvement pourrait organiser, de manière proactive, la sollicitation de travaux comme ceux-là, à partir de lieux légitimes et transparents.
Une telle démarche permettrait de s’assurer qu’une contextualisation des problématiques est faite, ce qui ajouterait de la pertinence au propos, aux critiques, aux propositions.
Méthode
Adrien Lorenzi a choisi « une méthodologie qualitative hypothético-déductive par entretiens semi-directifs », puisqu’il s’agit d’expliciter et répondre aux hypothèses émises, de comprendre « le vécu et de la perception des acteurs des maisons médicales », et d’obtenir « la confirmation ou l’infirmation des hypothèses qui soutiennent notre raisonnement ». Finalement, les entretiens seront menés de manière semi-directive. L’étude se base sur 27 entretiens qualitatifs menés avec 23 personnes dans 3 maisons médicales liégeoises.
Aurore Leloup menait sa recherche sur une seule maison médicale, qui accueillait son stage et constituait son objet d’étude. Elle a aussi opté pour une étude qualitative.
Dans un premier temps, une série de travaux étudiant les stratégies de croissance ont été menés. Aurore Leloup a ensuite rencontré les deux médecins administrateurs de la maison médicale, afin de baliser la suite du travail en s’appuyant sur les pistes de réflexion qui présentaient un intérêt plus important aux yeux de la maison médicale.
Dans un deuxième temps, elle a défini deux guides d’entretien reprenant des questions concernant la gouvernance et la gestion des ressources humaines de la maison médicale et les a soumis aux deux administrateurs de la maison médicale.
Dans un troisième temps, elle a interrogé les membres du personnel de la maison médicale en partant de l’hypothèse d’une augmentation de leur patientèle. Avec ce postulat, l’équipe a été interrogée sur ses attentes et ses craintes par rapport aux deux pistes d’évolution retenues par les deux administrateurs. Elle a également recueillis des informations lors d’entretiens en tête-à-tête avec des membres du personnel au sein de chaque secteur de la maison médicale.
Finalement, elle a analysé le contenu des entretiens de façon à identifier les pratiques à mettre en œuvre pour assurer une croissance pertinente de la maison médicale.
Dans un premier temps, Emilie Goffart a dressé « un inventaire des frustrations » à partir des lectures et des entretiens exploratoires. C’est, ensuite, une étude « qualitative à finalité compréhensive » qu’elle a réalisé. Les données qualitatives ont été recueillies par le biais d’interviews individuelles semi-directives.
L’étude est à finalité compréhensive, car elle vise à déterminer les événements, structures, et processus qui constituent le phénomène. Une approche déductive est utilisée, en partant d’un modèle d’interprétation du phénomène étudié et du cadre théorique pour formuler des hypothèses plausibles auxquelles il faudra chercher des correspondants dans les faits.
La population étudiée est constituée de médecins généralistes travaillant au sein de différentes maisons médicales qui fonctionnent à la capitation [groupe A], ainsi que de médecins qui en sont partis ou qui ont changé d’équipe dans les 5 dernières années [groupe B].
23 médecins au total, répartis dans les deux groupes, ont finalement pris part à l’étude. Ce sont les médecins du groupe B qui ont été contactés prioritairement, pour essayer ensuite de sélectionner des profils du groupe A avec lesquels une comparaison était possible.
Les médecins du groupe A proviennent de 10 maisons médicales différentes. Au sein du groupe B, les participants ont également quitté 10 maisons médicales différentes.
[1] Comparaison du coût et de la qualité de deux systèmes de financement des soins de première ligne en Belgique ; KCE Reports 85B ; 2008.
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