En juin dernier, les médecins généralistes et les spécialistes ont voté pour leurs représentants dans une série d’instances importantes : Inami, Aviq, SPF Santé publique, Centre de coordination francophone pour la formation des médecins généralistes (CCFFMG), et demain à la concertation et à la négociation sur l’Iriscare, entre autres.
On vote depuis vingt ans et que voit-on ? Un syndicat spécialo-centré, l’ABSyM [1], et des opposants plus favorables à la médecine générale. Ceux-ci se présentent tantôt ensemble, tantôt séparément. Parfois, une certaine opposition est absente, s’exprime avec ses pieds ou par vote blanc. Cette année, le Cartel [2] est vainqueur avec 40% devant l’AADM [3] (34%) et l’ABSyM (25%) ; les bulletins blancs ou nuls représentant 1% des votes. Ce sont des pourcentages stables entre l’ABSyM et les autres.
Le peuple des généralistes sait qui est avec lui et qui est contre lui. Jamais, depuis 1998, l’ABSyM n’a été majoritaire dans le collège des généralistes. Elle fluctue entre 24 et 40% et la tendance est lourdement à la baisse : l’ABSyM perd en moyenne 0,64% chaque année, soit 6,4% en dix ans et le double en vingt ans. Toutefois, elle récupère un siège à Commission nationale médico-mutualiste. Pourquoi ? Petit caprice mathématique : entre les élections de 2014 et celles de 2018, la somme des résultats des opposants à l’ABSyM – Cartel + AADM – est identique (74%), l’ABSyM connaissant quant à elle un mieux négligeable en passant de 24 à 25%. Mais alors que l’AADM disposait de 42% des voix en 2014 et en perd 8 cette année, le Cartel n’en gagne que 40. Il manque donc entre 1 et 2% au Cartel pour récupérer le siège perdu de l’AADM… qui par défaut tombe dans l’escarcelle de l’ABSyM.
Tout simplement parce que ce syndicat ne défend pas les médecins généralistes mais le statu quo, c’est-à-dire la domination des spécialistes sur la médecine générale, la préférence pour les actes techniques plutôt qu’intellectuels, l’hôpital plutôt que la première ligne de soins. L’ABSyM est un élément clé du complexe médico-industriel [4].
Nous perdons 270 électeurs chaque année parmi les généralistes, soit 1 080 par élection. Soit 5 400 depuis 1998 : quasiment la moitié de l’effectif de départ, le nombre de médecins généralistes en Belgique. Pourtant, la situation n’est pas aussi inquiétante qu’il n’y parait : le nombre de vrais généralistes (soignant le tout-venant et ayant une pratique significative) se réduit chaque année. L’ancienne génération se retire tout doucement du métier, il est donc possible qu’elle s’abstienne aujourd’hui de voter. Les mécanismes de vote et les bugs informatiques ont aussi pu dissuader des électeurs.
On observe également une meilleure participation quand les généralistes sont unis (Cartel + pré-AADM), comme en 1998 et en 2002 où les scores atteints étaient de 59 et 71%. Rendez-vous dans quatre ans !
[1] L’association belge des syndicats médicaux (ABSyM), représentative surtout des médecins spécialistes, défend une vision corporatiste de la médecine et s’oppose depuis toujours au développement des maisons médicales.
[2] Cartel réunit le Groupement belge des omnipraticiens (GBO, syndicat majoritaire des médecins généralistes francophones, qui défend la médecine générale et les pratiques groupées), le Monde des Spécialistes (MoDeS) et l’Algemeen syndicaat van geneeskundigen van België (ASGB).
[3] Alliance Artsenbelang – Domus Medica (AADM), nouveau venu depuis 2014, représente exclusivement des généralistes fl amands.
[4] Big pharma, technologie, hôpitaux, facultés de médecine, spécialistes…
n°84 - septembre 2018
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...