Tel un bateau ivre balancé par la houle à proximité des récifs, les concepts de santé globale et de couverture sanitaire universelle partent-ils à la dérive, vers la noyade des systèmes de santé ? Qui tient le gouvernail ?
« On ne peut pas penser les soins de santé primaires sans une remise en cause radicale du système économique dans lequel ils ont été élaborés et de celui dans lequel ils sont mis en œuvre. » vient de nous dire Christian Legrève (voir article précédent).
La commission des Déterminants de la santé de l’Organisation mondiale de la santé [B] affirmait quant à elle : « L’inégalité des conditions de vie quotidiennes est le fait de structures et de processus sociaux profonds. L’inégalité est systématique ; elle est le résultat de normes politiques et pratiques sociales qui tolèrent voire favorisent les disparités d’accès au pouvoir, aux richesses et à d’autres ressources sociales indispensables. »
Et dans sa résolution sur la santé mondiale[J], l’Assemblée générale des Nations-Unies « estime qu’améliorer la protection sociale dans l’optique d’une couverture sanitaire universelle revient à investir en faveur des populations, en leur donnant les moyens de s’adapter aux changements de l’économie et du marché du travail et en favorisant la transition vers une économie plus durable, participative et équitable ».
Serions-nous donc tous d’accord ? !
Pas si sûr… car (prudente ?) l’Assemblée générale des Nations-Unies « convient que, lors de la transition du système de santé vers la couverture universelle, chaque possibilité doit être étudiée en tenant compte du contexte épidémiologique, économique, socioculturel, politique et structurel de chaque pays, conformément au principe de la prise en main par les pays ».
Et c’est ainsi qu’en matière de couverture sanitaire universelle, il semblerait que chaque « oui », soit suivi d’un « mais », présent en filigranes déjà dans la formulation. Ainsi par exemple, les divers écrits sur la couverture sanitaire universelle insistent sur la réduction des risques à l’échelle des individus qui ne devraient pas « craindre la ruine financière » [1]. Alors que la Déclaration d’Alma Ata, vise des « soins de santé primaires [...] accessibles à tous les individus et à toutes les familles », et précise « à un coût que la communauté et le pays puissent assumer à tous les stades de leur développement ». Si on peut y voir le risque de validation des inégalités éclairé par Christian Legrève (voir article précédent), il semble intéressant de noter que l’enjeu financier est situé ici à un niveau collectif. Les microfissures du concept deviennent vite des failles dans lesquelles n’ont plus qu’à s’engouffrer ceux qui prônent la libéralisation du « marché » des soins de santé. Chloé Maurel[C], historienne spécialiste des Nations-Unies, pointe un parallèle entre les concepts de couverture sanitaire universelle et de « santé globale » : « objectif transformateur, inclusif et englobant ce qui semble faire l’objet d’une tentative de détournement de son caractère progressiste pour être pris dans une acceptation plus néolibérale ». Cette logique de détournement est en effet familière des acteurs dominants du système néolibéral [2] et est d’autant plus aisée que les cadres fixent des objectifs et non des moyens [3]. Ainsi le risque serait grand de voir la « santé globale » se réduire à une approche sécuritaire [4] et de voir se tisser des couvertures sanitaires universelles nationales à plusieurs vitesses et aux marchés juteux (pour les prestataires de soins privés, les firmes pharmaceutiques, les compagnies privées d’assurance...).
Selon le Municipal Services Project[H], le fait que la couverture sanitaire universelle ne porte pas sur les mécanismes de prestations ou la nature des systèmes a permis qu’elle soit « très vite amalgamée avec les systèmes encourageant la participation du privé dans un contexte d’effondrement généralisé des systèmes publics ». Les Plans d’ajustements structurels imposés aux pays du Sud par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international n’étaient pas pour rien dans le développement de ce contexte, poussant au démantèlement des services publics et à leur privatisation. Et c’est bien ce que l’on cultive aussi de plus en plus aujourd’hui en Europe dans un cocktail de privatisation marchande et d’austérité [5]. Il suffit de regarder l’état de santé des services publics et des services de santé, plus spécifiquement en Grèce ou au Portugal pour visualiser le processus et ses effets (voir l’introduction du dossier page 14).
En Grèce, les dépenses publiques de santé ont été plafonnées à 6% du produit intérieur brut, du fait des conditions dont étaient assortis les plans de sauvetage internationaux ; cette proportion est nettement inférieure à la moyenne de l’Union européenne, qui était de 9% en 2010. Des recherches récentes sur la Grèce mettent en évidence des réductions drastiques des budgets des hôpitaux publics, des dépenses de médicaments et des fonds consacrés à la prise en charge de la santé mentale, accompagnées, d’une montée en flèche de la quote-part des usagers. Le nombre de cas de dépression grave a été multiplié par 2,5 entre 2008 et 2011, tandis que le nombre de suicidé a augmenté de 45% entre 2007 et 2011. La mortalité infantile, longtemps en baisse, a connu une hausse de 43% entre 2008 et 2010, qui pourrait être due à des difficultés d’accès des femmes enceintes aux soins prénatals. En Lettonie, les coupes pratiquées dans le budget de la santé publique ont également réduit l’offre de soins. Un expert indépendant de l’Organisation des Nations-Unies a fait remarquer que le nombre d’hôpitaux publics était passé de 88 à 39 entre 2008 et 2010 et qu’une part plus importante du coût des services médicaux et des médicaments restait désormais à la charge des patients. En 2011, 26,8% des chômeurs et 18,3% des retraités ont dû renoncer au moins une fois à un traitement ou à un examen médical, faute de pouvoir payer.
Source : Maintenir l’accès universel aux soins de santé, le carnet des droits de l’homme, Strasbourg le 7 août 2014, Nils Muiznieks.
« C’est la manière dont les services seraient financés plutôt que fournis qui a été mis de l’avant sous l’appellation de couverture sanitaire universelle » selon Amit Sengupta [H]. Si les finances sont assurées, que la prestation soit le fait du privé ou du public importe peu dans cette conception. Mais cette opposition ne tient « pas compte du fait qu’un système de santé n’est pas qu’un agrégat de prestataires [… ] mais un réseau intégré de services et de soins stratégiquement assignés aux niveaux primaire, secondaire et tertiaire » [H]. Chloé Maurel conclut ainsi : « il appartient donc à l’Organisation mondiale de la santé et aux forces progressistes de continuer à promouvoir des conceptions égalitaires de la santé, l’idéal d’un service public de santé, et de modeler les concepts de « santé globale » et de « couverture sanitaire universelle » dans le sens de la justice sociale » [C]. L’Organisation mondiale de la santé semble en être pleinement consciente étant donné qu’elle a elle-même produit un plaidoyer pour la couverture sanitaire universelle [F] qui « rassemble les principes sur lesquels repose le financement de la santé, des exemples de pays et des arguments basés sur des données factuelles qui permettront aux organisations de la société civile de défendre les politiques de financement de la santé qui font la promotion de l’équité, l’efficacité et propose une utilisation rationnelle des ressources, en veillant à ce que les droits des plus vulnérables ne soient pas oubliés ».
La santé contre la pauvreté ou la lutte contre les inégalités ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la couverture santé universelle serait donc un outil de lutte contre la pauvreté (voir l’article en page 16). On retrouve cette idée dans un récent article du Monde Diplomatique (Blanchet, 2016) : « Outil de développement, la santé contribue à réduire la pauvreté à travers la lutte contre la mortalité et la morbidité. » Or, il est largement documenté que la pauvreté nuit à la santé. Suggère-t-on ainsi de s’attaquer aux effets pour réduire les causes ? Ou plutôt de panser quelques plaies sans devoir remettre en cause le système qui les produit ? Dans « L’égalité est meilleure pour tous », Richard Wilkinson et Kate Pickett, deux épidémiologistes ont en effet démontré sur base de nombreuses études complétées par les leurs que, dans les sociétés plus égalitaires, toute la population est en meilleure santé, même les plus riches ; à part peut-être une extrême minorité qui malheureusement détient également le plus de pouvoir sur les orientations de nos sociétés (lire aussi l’article « En réseau contre Goliath » de Gaëlle Chapoix dans le Santé conjuguée n°69, 2014). Il paraît donc pertinent de s’interroger sur le sens et les effets d’une telle formulation.
Nous voilà donc, avec ce plaidoyer, soutenus et incités à développer une action politique et citoyenne, et notamment à « encourager les gouvernements, les partenaires du développement et les autres prestataires des organisations de la société civile à remplacer les mécanismes de financement volontaires par des mécanismes plus efficaces et équitables reposant sur des contributions obligatoires qui sont ensuite mises en commun pour que les risques soient répartis sur l’ensemble de la population » et à « participer au débat concernant le financement de la couverture sanitaire universelle » et « concernant l’achat de services en utilisant les fonds mis en commun pour la santé (y compris l’allocation du budget public pour la santé) et veiller à ce que les allocations soient efficaces et équitables. Les organisations de la société civile doivent en particulier se montrer vigilantes à l’égard des allocations de fonds qui bénéficient de manière disproportionnée aux soins hospitaliers tertiaires, aux dépens d’un investissement dans les services de soins de santé primaires locaux, ou qui bénéficient de manière disproportionnée aux traitements, aux dépens de la prévention et de la promotion. » Il nous est conseillé également de nous « opposer aux stratégies qui visent à créer des regroupements des risques distincts pour les groupes les plus privilégiés de la société [...] en particulier si ces groupes reçoivent des subventions à partir de fonds publics, et préconiser des stratégies qui incluent dès le départ les populations pauvres et vulnérables [femmes, enfants, personnes âgées…]. » [F]
Et c’est bien à nos gouvernements qu’il y a lieu d’adresser ce plaidoyer car il n’aurait pas d’effet sur les représentants du secteur marchand qui se sont déjà déployés dans les systèmes de santé.
Comment peut se concrétiser cet engagement des Etats ? Pour Benoît Mathivet (Organisation mondiale de la santé) [6], le mode de propriété du fournisseur de soin importe peu, pour autant que le contrat entre la caisse d’assurance et le fournisseur soit bien structuré, son application bien régulée et qu’il soit conçu de façon à ce qu’il serve les intérêts du patient. Mais en raison de systèmes de régulation faible, il constate une tendance dans beaucoup de pays à voir se développer des contrats trop en faveur des prestataires, souvent de manière plus sensible dans le privé. Rappelons ici la nuance de taille entre privé et marchand [7]. Les maisons médicales par exemple font partie des acteurs privés ; elles sont cependant sans but lucratif et exercent une mission de service public [8]. Elles partagent donc les finalités des pouvoirs publics. La commercialisation ou marchandisation des soins de santé est une « conséquence possible de la privatisation et elle augmente l’entrée sur le marché d’acteurs qui considèrent les soins de santé comme un business devant produire des bénéfices. Comment faire des bénéfices ? En réduisant les charges au minimum. Où vont ces bénéfices ? Une partie peut être ristournée sous forme de bonus aux collaborateurs, une autre sous forme de dividendes aux actionnaires. »[E] Des objectifs divergents apparaissent donc avec la marchandisation. Et c’est du côté des acteurs « marchands » que se trouve la plus grande puissance de lobbying, bien supérieure à celle des organisations non gouvernementales ou des mutualités par exemple [9]. Pouvons-nous vraiment espérer dans ce cas une régulation qui protège les intérêts des patients ?
Les premières minutes du documentaire d’Arte intitulé Partenariats public-privé, un marché de dupes (2014) annonçaient clairement la couleur : si le secteur marchand décide d’investir, c’est qu’il y a du profit à faire. Et donc qu’au final le partenariat public-privé coûtera plus cher aux pouvoirs publics ! Ceux-ci auraient donc tout intérêt à garder la main. D’ailleurs, le coût de la gestion des assurances privées est nettement supérieur à celui de l’assurance obligatoire, comme l’illustre Jean Hermesse pour la Belgique (voir l’article page 68). C’est aussi ce dont témoigne Damien Contandriopoulos (chercheur à l’Institut de recherche en santé publique de l’université de Montréal) pour le Canada. Il démonte également le discours axé sur la peur qui vise à convaincre le citoyen de la nécessité des partenariats public-privé, notamment par quelques changements d’échelle sur des graphiques qui donnent l’illusion d’une explosion des coûts de la santé, illusion qui se dissipe lorsqu’on place ceux-ci sur le même graphique que l’augmentation du produit intérieur brut pour se rendre compte que la proportion reste approximativement stable (à voir en images [10]).
Ainsi, les acteurs marchands vont se centrer sur ce qui rapporte et laisser aux services publics ce qui coûte créant une couverture sanitaire universelle à deux vitesses[H]. La contribution y serait liée non plus à la capacité contributive de chacun mais au « risque » que l’on présente, plus grand par exemple pour les personnes qui fument, souffrent d’obésité ou d’hypertension. Les plus pauvres n’auraient plus accès qu’à un minimum de soins assuré par un système public surchargé contraint à prendre en charge ce dont le privé ne voudrait pas. De plus, ce qui rapporte est dans le curatif. La promotion de la santé, ce n’est pas rentable ; ça pourrait même réduire le marché en diminuant les besoins en soins, en médicaments, en analyses et en utilisation d’appareillage. On peut déjà observer une course à l’acte et aux examens divers aujourd’hui dans les hôpitaux en quête de rentabilité. La marchandisation est à l’œuvre au grand jour par exemple dans les secteurs des maisons de repos et de soins ou celui des assurances ces derniers années et depuis bien longtemps dans le secteur des médicaments [11] et des équipements (fabrication, distribution) par exemple. Mais elles le sont aussi de manière plus discrète entre autres via la sous-traitance au sein des hôpitaux (pour des services techniques comme les laboratoires et la radiologie et aussi par la séparation entre la prestation de services et la gestion confiée au privé), via la fusion de laboratoires d’analyses qui passent aux mains de multinationales et transforment leurs pratiques en conséquence [12]... évolution qui s’observent également de plus en plus au niveau des pharmacies. Et les traités internationaux en cours de négociation visent à accentuer ce mouvement dans tous les secteurs (voir l’article page 40).
Plusieurs études prouvent l’efficacité des systèmes de santé publics[H] (voir aussi l’article page 30). Comme le suggère Sengupta, le défi qui s’offre à nous aujourd’hui est de « réinventer les soins de santé publics ». De la même manière qu’il est devenu urgent de réinventer notre système socio-économique. Dans l’un et dans l’autre, il s’agit de raviver le concept de biens communs [13] (dont on peut considérer la santé comme en faisant partie) et la solidarité, globale et de proximité (voir l’article page 59).
L’Organisation mondiale de la santé recommande une approche pragmatique plutôt qu’idéologique[D]. Pourtant, quelle que soit la stratégie choisie, n’est-elle pas forcément le fruit d’une idéologie ? ! L’illusion de pragmatisme ne tient-elle pas au fait que l’idéologie dominante est si prégnante qu’elle paraît « naturelle » et inévitable, donnant l’impression qu’il n’y en a pas !
La question serait donc de savoir à quelle vision de la couverture sanitaire universelle et de la société nous souhaitons contribuer, en tant que citoyens, en tant qu’acteurs du secteur, en tant que mouvement.
Quand le privé prend le dessus (ou pas)
Les systèmes de santé reposent la plupart du temps sur un assortiment plus ou moins harmonieux entre des services publics et privés. En Inde par exemple, le secteur public est délaissé au profit du privé, coûteux et peu encadré. Au Brésil, le système a subi une profonde segmentation public / privé, créant en son sein des tensions. L’exception ? Cuba, où le système de santé est à 100% public.
En Inde, des soins publics déficients, une assurance santé inefficace
L’intervention du gouvernement indien dans les soins de santé s’effectue à deux niveaux : par la prestation directe de services (réseau d’hôpitaux publics, de centres de santé primaire et de dispensaires), ainsi que par deux modèles restreints d’assurance maladie (celui du gouvernement central, celui pour les employés).
Mais le secteur public est délaissé, sous-financé (les dépenses publiques pour les soins de santé s’élèvent en 2012 à 1,04% du produit intérieur brut). Conséquence : un sous-équipement des infrastructures publiques, une gestion aléatoire du personnel soignant et la dépendance de larges segments de la population à un secteur privé mal réglementé. Les malades sont amenés à choisir entre un secteur privé coûteux et peu encadré et des hôpitaux publics mal approvisionnés et surchargés.
Pour pallier à ces carences, le gouvernement lance en 2005 la « Mission nationale pour la santé rurale » (National Rural Health Mission). Des progrès sont accomplis, mais ils demeurent insuffisants.
Parallèlement, pour atténuer les frais direct des patients pour leur santé (qui représentent 70% des dépenses des ménages !), les plans d’assurance maladie se multiplient. En 2010, environ un quart de la population est couvert par au moins l’un des systèmes en place. Mais ces plans d’assurance, financés par les capitaux publics et délivrés par le privé, contribuent en fait à un renforcement du système privé. Aujourd’hui, les bénéficiaires sont assurés pour un certain nombre de maladies qui requièrent une hospitalisation. Mais la plupart des maladies infectieuses, les maladies chroniques ou certains cancers traités en ambulatoire sont exclus de cette couverture.
Sources : Couverture universelle : par-delà la rhétorique, Municipal services project, Occasional paper no 20, novembre 2013, par Amit Sengupta ; « En Inde, le gouvernement sous pression », Supplément du Monde diplomatique : « La couverture santé, un combat universel », janvier 2014, par Xavier Deepak et Reddy K. Srinath.
Au Brésil, une segmentation public / privé
1986. Navigant à contre-courant de la vague néolibérale qui déferle sur l’Amérique latine, le Brésil crée le Sistema Unico de Salud (système de santé unifié, financé par les taxes) et proclame dans sa Constitution (1988) l’obligation du gouvernement de fournir des soins de santé gratuits pour tous. S’ensuit le déploiement d’un dispositif de soins primaires qui couvre aujourd’hui l’entièreté du pays.
Le hic, c’est que si les soins primaires sont fournis par un large réseau d’établissements publics, les soins hospitaliers, eux, sont largement dispensés par le privé. Le secteur des soins de santé a en effet subi une importante segmentation public / privé, provoquant toutes sortes de tensions dans le système : le secteur privé augmentant sans cesse les frais pour les soins qu’il fournit, le système de santé brésilien est devenu l’un des plus chers du monde (les dépenses santé s’élevant à 9% du produit intérieur brut). L’accès à la santé est devenu inéquitable, une réalité renforcée par l’acquisition par les classes supérieure et moyenne d’assurances privées qui complètent les services publics auxquels ils ont accès.
Source : Amit Sengupta, Couverture universelle : par-delà la rhétorique, Municipal services project, Occasional paper no 20, novembre 2013.
À Cuba, des soins de santé gratuits pour tous
Si Cuba fait fréquemment l’objet de critiques sur son respect des droits civiques et politiques, son système de santé, lui, est souvent présenté comme l’un des meilleurs. À Cuba, la gratuité de la santé est inscrite dans la Constitution et après une cinquantaine d’années de couverture universelle des soins de santé, la plupart des Cubains ont accès à des soins de santé de qualité. L’espérance de vie sur cette île est de 78 ans, juste en dessous celle des Etats-Unis, et la mortalité infantile y est inférieure.
Après la révolution de 1959, les cliniques et l’industrie pharmaceutiques ont été nationalisées et intégrées dans un système unique sous la houlette du ministère de la Santé. Le pays a été divisé « zones » de santé, avec une polyclinique par zone, et une décentralisation des soins jusqu’au niveau communal. Un médecin, un infirmier et un travailleur social sont collectivement responsables pour un certain nombre d’habitants dans un territoire donné. Et malgré les réformes et privatisations qui ont déferlé au cours des années nonante sur tout le continent latino-américain, Cuba a préservé un système de santé entièrement public.
L’accès à une couverture médicale et aux soins serait d’ailleurs une des clefs du succès de l’élimination de la transmission du virus du SIDA et de la syphillis de la mère à l’enfant. Une première dans le monde, selon l’Organisation panaméricaine de la santé.
Fuite des professionnels de santé à l’étranger, insuffisance de matériel… Certaines voix s’élèvent néanmoins pour dénoncer la détérioration du système de santé cubain au cours des dernières années.
Sources : http://m3m.be/news/cuba-exemple-de-couverture-universelle- des-soins-de-sant%C3%A9-m%C3%AAme-en-tempsde- crise http://www.sudinfo.be/1322812/article/2015-06-30/cubaest- le-1er-pays-a-eliminer-la-transmission-du-vih-de-lamere- a-l-enfant « Por qué se ha deteriorado el sistema de salud de Cuba », BBC Mundo, 20 août 2015.
Références
A. Blanchet Karl, « La santé communautaire, un enjeu essentiel », Le Monde diplomatique, avril 2016, pages II et III. En ligne : http ://www.monde-diplomatique.fr/2016/04/BLANCHET/55240
B. Commission des déterminants de la santé de l’OMS. Combler le fossé en une génération, OMS, 2008. En ligne : http ://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/
C. Maurel Chloé. « Quelle « santé globale » pour demain ? L’enjeu de la couverture sanitaire universelle. », L’Humanité, 5 Septembre 2014. En ligne : http ://www.humanite.fr/quelle-sante-globale-pour-demain-550951
D. Nauleau Margot et al., « En chemin vers la couverture sanitaire universelle. Les enjeux de l’intégration des pauvres aux systèmes de santé », Revue Tiers Monde 2013/3 (n°215), pp. 129-148. En ligne : https ://www.cairn.info/article.php ?ID_ARTICLE=RTM_215_0129
E. Neelen Mathias, « Privatisation, commercialisation, marchandisation… Késako ? » Santé conjuguée n°69, septembre 2016. En ligne : http ://www.maisonmedicale.org/Privatisation-commercialisation.html
F. Organisation mondiale de la santé. Plaidoyer pour la couverture sanitaire universelle. 2013. En ligne : http ://www.who.int/health_financing/UHC_FRvs1.pdf
G. Organisation des Nations-Unies, assemblée générale. Santé mondiale et politique étrangère. Soixante-septième session. Point 123 de l’ordre du jour. 6 décembre 2012. En ligne : http ://www.un.org/
H. Sengupta, Amit. Couverture sanitaire universelle : Par-delà la rhétorique. Occasional paper n°20 novembre 2013. Municipal Services Projets. En ligne : http ://municipalservicesproject.org
[1] qu’à s’engouffrer ceux qui prônent la libéralisation du « marché » des soins de santé. Chloé Maurel[C], historienne spécialiste des Nations-Unies, pointe un parallèle entre les concepts de couverture sanitaire universelle et de « santé globale » : « objectif transformateur, inclusif et englobant ce qui semble faire l’objet d’une tentative de détournement de son caractère progressiste pour être pris dans une acceptation plus néolibérale ». Cette logique de détournement est en effet familière des acteurs dominants du système néolibéral2 et est d’autant plus aisée que les cadres fixent des objectifs et non des 1. http://www.who.int/mediacentre/events/meetings/2013/universal_ health_coverage/fr/
[2] 2. Voir « Perversion et néolibéralisme » dans le Santé conjuguée 66 d’octobre 2013.
[3] 3. Ce qui n’est pas sans rappeler la Loi belge sur le bien-être au travail centrée sur les objectifs, contrairement au Règlement général de protection du travail qu’elle remplace, centré sur les moyens à mettre en oeuvre (Lire à ce suje Bien-être et risques psycho-sociaux. Le pouvoir des mots paru en décembre 2014.)
[4] 4. « Ces États [du Nord] se préoccupent de la santé dans les pays du Sud avant tout parce qu’une forte prévalence de maladies contagieuses dans ces pays est dangereuse pour eux du fait du risque de contamination. » (Maurel, 2014)
[5] 5. Voir aussi le dossier du Santé conjuguée 69 de décembre 2014 « Europe et marchandisation des soins ».
[6] 6. Spécialiste en politique de financement de la santé au siège de l’Organisation mondiale de la santé, interviewé par Santé conjuguée en 2016.
[7] 7. Lire aussi « Privatisation, marchandisation... kesako » dans le Santé conjuguée n°69 de décembre 2014 http://www.maisonmedicale. org/Privatisation-commercialisation.html
[8] 8. Lire aussi l’article Explorer de nouveaux territoires publié sur le site de Fédération des maisons médicales http://www.maisonmedicale. org/Explorer-de-nouveaux-territoires.html
[9] 9. Lire aussi « En réseau contre Goliath », Santé conjuguée n°69, 2014)
[10] 10. La privatisation de notre système de santé (Québec) https://www.youtube.com/watch ?v=Y7EBWxQeqPA
[11] 11. Voir la récente campagne de Médecins du Monde sur le prix des médicaments : http://www.maisonmedicale.org/Le-Prix-dela- Vie.html
[12] 12. Lire aussi « Mind the robots » dans le Santé conjuguée 70 de septembre 2015 et « Soins de santé en Belgique : un marché en or ? » dans le Santé conjuguée 69 de décembre 2015.
[13] 13. voir l’article « Alternative, une photo de famille » dans le Santé conjuguée 57 de juillet 2011 http://www.maisonmedicale.org/ Alternative-une-photo-de-famille.html
n° 76 - septembre 2016
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...