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avril 2008, Bouniton Marc

médecin généraliste à la maison médicale de Wilbeauroux et les membres du Groupe de recherche et d’action pour la santé - GRAS.

Les dérives du monde pharmaceutique ne sont pas une fatalité. Il est possible de développer un esprit critique et de réagir. Illustration par le Groupe de recherche et d’action pour la santé, GRAS, constitué de praticiens de terrain. Les « actions » proposées mettent en lumière nombre de questions récentes que posent les comportements et affirmations des promoteurs de médicaments.

Le Groupe de recherche et d’action pour la santé est constitué de médecins généralistes et de pharmaciens qui pratiquent de la « PUBLIVIGILANCE ». Cette activité de publivigilance tend à modérer les effets secondaires des campagnes publicitaires commerciales mensongères, ambiguës ou contraires à l’éthique médicale.

De telles campagnes se soldent en général par des prescriptions non fondées et une iatrogénèse non négligeable. Cela atteint la bonne foi du prescripteur, la santé du malade et le portefeuille de la sécurité sociale.

Notre réseau n’a pas la prétention de rivaliser en compétence avec les sommités de la Commission d’enregistrement des médicaments. Notre spécificité est de rapporter les dégâts et excès constatés sur le terrain dans l’utilisation et la promotion des médicaments. Ces abus sont souvent la conséquence d’imprécisions ou d’oublis dans la notice enregistrée, failles qui sont exploitées par certains départements de marketing pas trop scrupuleux.

Dans le choix de ses actions, le GRAS privilégie les messages qui concernent les produits représentant un enjeu important, soit économique (marché potentiel : ostéoporose, hypolipé miants...), soit pharmaceutique (nouvelle classe thérapeutique : quinolones, néomacrolides...) ou exemplaires d’une problématique.

Le GRAS publie trimestriellement La lettre du GRAS (LLG) qui résume le suivi des actions en cours, annonce nos recherches et publications, présente différents flashs d’information sur des articles ou publications intéressantes concernant les médicaments, propose une lecture critique d’un article publié sur une étude d’un médicament et fait un tour d’horizon de différents guidelines sur une pathologie courante.

Le site du GRAS vous en dira plus et offre de nombreux liens vers des sites indépendants qui constituent une source précieuse d’informations, de réflexion et de résistance à la pensée dominante (http://www.groupe rechercheactionsante.com/)

En bref, quelques unes des dernières actions du GRAS :

. Action n° 93 : RIMONABANT

Minimisation des effets secondaires et exemple (un de plus !) de publicité médiatique indirecte (Le Soir du 10.6.06) pour un médicament disponible sur prescription.

« La pilule qui fait (presque) tout » : suite à l’enregistrement par l’Agence européenne du médicament dans l’indication « obésité », propos dithyrambiques parus dans un quotidien national : « un outil pour l’obésité (et bien plus…), limite les maladies cardiovasculaires ».

Voir La Lettre du Gras n°49 (3.2006).

. Action n° 95 : margarines aux phytosterols – PARTENA (8.2006)

Promotion de leur usage par le biais d’un remboursement d’une mutuelle (PARTENA) alors que les preuves cliniques de l’intérêt de leur utilisation en prévention cardiovasculaire sont manquantes.

Voir La Lettre du Gras n° 51 et 52.

. Action n° 96 (8.2005)

De la timidité excessive à la phobie sociale, des sautes d’humeur au trouble explosif intermittent, de l’enfant difficile au trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité : attention à la marchandisation de la maladie (Disease Mongering). Sensibilisation des prestataires de soins, du public et des décideurs aux risques inhérents à la marchandisation de la maladie.

Voir La Lettre du Gras n° 53 p. 45 + 53.

. Action n° 97 : information des patients

Quand les firmes tentent de s’en emparer… (11.2006) : déclaration commune d’organisations européennes transmise par le GRAS au ministre fédéral de la Santé.

Voir Déclaration sur le site du GRAS (http:// www.grouperechercheactionsante.com/).

. Action n° 98 : prescription de psychotropes (neuroleptiques, amphétamines) chez les enfants (1.2007)

Normaliser des comportements au lieu de traiter les problèmes psychosociaux sous-jacents ? (mars 2006).

Voir La Lettre du Gras n° 53, p. 3-4.

. Action n° 99 : prévenons les erreurs dans l’utilisation des médicaments (7.01.07) Pour une formation continue fondée sur une pédagogie par l’erreur et un recueil épidémiologique permettant d’appréhender le nombre d’accidents et leurs caractéristiques, afin d’en réduire le risque de récurrence.

Voir La Lettre du Gras n° 52, p.68-69.

. Action n° 101 : MOLSIDOMINE

Trop prescrite eu égard au manque de preuves de son efficacité (11/2007). Sensibilisation des prescripteurs.

Plus d’infos La Lettre du Gras n° 56, p.51-2.

. Action n° 102 : ALZHEIMER : privilégier les approches non médicamenteuses ; sensibilisation des prescripteurs et du public

La campagne médiatique actuelle concernant la maladie d’Alzheimer vise surtout à promouvoir le traitement médicamenteux de cette affection. Les messages qui y sont développés sont à l’emporte pièce et trompeurs : « sept malades sur dix n’ont pas accès au traitement (Le Soir 17.08.07) », « plus tôt dépisté = plus tôt soigné = gagner du temps sur la maladie. » C’est oublier que l’efficacité des médicaments anti-Alzheimer étant modeste et transitoire et leurs effets indésirables nombreux, il faut se demander régulièrement si leur prescription est réellement utile au patient et s’il ne faut pas leur préférer les prises en charge de type non médicamenteux (baluchonnage, cantous, cafés de la mémoire, snoezelen,…).

Voir La Lettre du Gras n° 56, p. 50-51.

. Action n° 103 : transparence : il faut appliquer la loi ! (5.12.07) ; interpellation du ministre de la Santé

Pas de publication des conflits d’intérêt des experts à la Commission d’enregistrement du médicament du service public fédéral de la Santé. Pas de justification ministérielle publiée sur le site INAMI pour le remboursement accordé récemment à certains médicaments très chers : Lucentis®, Gardasil®. Or, le Gardasil® a obtenu un remboursement du Gouvernement fédéral pourtant en affaires courantes, alors que les Communautés auraient pu négocier des contrats prix/volume plus intéressants en économisant en plus la marge bénéficiaire du grossiste et du pharmacien comme elles le font déjà pour les autres vaccins. L’arrivée prochaine du Cervarix®, vaccin produit en Belgique, n’est sans doute pas étrangère à ce prix fort accordé à son homologue américain Gardasil®.

. Action n° 104 : CLARITHROMYCINE ABBOTT-UNO (17.12.07) : promotionnée abusivement dans la trachéobronchite sur base d’une notice scientifique inadéquate ; lettre à l’Inspection belge de lapharmacie

La notice enregistrée de la clarithromycine Abbott-Uno précise dans ses indications thérapeutiques « infections des voies respiratoires inférieures : bronchite aiguë d’origine bactérienne,… ». Dans le dépliant promotionnel adressé par voie postale en décembre 2007 aux médecins généralistes belges francophones, la firme Abbott élargit indûment ces indications thérapeutiques à la trachéobronchite, en prétextant que les germes atypiques seraient responsables de 23 % des bronchites aiguës. Ces affirmations vont à l’encontre des recommandations récentes sur le bon usage des antibiotiques publiées par la BABCOP (www.health.fgov.be > médicaments > bon usage > antibiotiques > pratique ambulatoire > recommandations). Espérons que la nouvelle Agence fédérale des médicaments et des produits de santé instaurera plus de cohérence dans la politique de prescription des antibiotiques en Belgique en harmonisant les indications thérapeutiques figurant dans les notices scientifiques avec les recommandations de bonne pratique en la matière.

. Action n° 105 : vaccins contre le HPV (papillomavirus humain)

Mieux informer pour permettre un choix éclairé par les patientes et les médecins, en raison des incertitudes liées à la vaccination contre le HPV. Les conclusions du rapport critique du Centre fédéral d’expertise (KCE) doivent être diffusées par le ministre de la Santé.

. Action n° 106 : promotion abusive des inhibiteurs de l’enzyme de conversion en prévention cardiovasculaire (12.2007) Interpellation de l’asbl PromoSanté – Médecine générale

Plusieurs délégués médicaux et même l’asbl PromoSanté Médecine générale dans son travail sur la prévention cardiovasculaire (www.promo sante-mg.be et page 7 du dépliant médecin OMEPCA) présentent les inhibiteur de l’enzyme de conversion comme traitement préventif avec le niveau de preuve le plus élevé sur base de la seule étude HOPE malgré les limites méthodologiques de cette étude (cfr lecture critique de cette étude HOPE dans LLG n° 26, p. 10-3 en juin 2000, disponible sur le site du GRAS). Encore un exemple de l’effet « boule de neige » dénoncé dans notre action n° 90 en novembre 2005 (répétition de la même référence en oubliant les critiques qui s’y rapportent dans des bibliographies).

. Action n° 107 : élargir la transparence au remboursement des médicaments : revendication politique

Les exigences de transparence adoptées pour les experts et la Commission d’enregistrement des médicaments doivent être étendues aux experts et à la Commission de remboursement des médicaments (INAMI). Les documents accessibles au public doivent être disponibles gratuitement sur le net : conflits d’intérêt des experts, les comptes-rendus de leurs réunions, assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris les opinions minoritaires.

. Action n° 108 : EVRA® timbres contraceptifs (Janssen Cilag). Le risque accru de thrombose doit être signalé dans la notice scientifique et aux prescripteurs.

La Food and Drug Administration (FDA) américaine a récemment émis un nouvel avertissement en ce qui concerne le risque de thromboembolie veineuse avec Evra®, un contraceptif à base d’éthinylestradiol (0,6 mg) et de norelgestromin (6 mg) à usage transdermique [communiqué du 18 janvier 2008]. Dans un premier avertissement, la FDA avait déjà attiré l’attention sur deux études cas-témoins qui suggéraient que le risque de thrombo-embolie veineuse avec Evra® était le même (dans l’une des études), ou même deux fois plus élevé (dans l’autre étude) qu’avec un contraceptif oral classique à base de 35 µg d’estrogènes [voir aussi Folia de janvier 2007]. Ce nouvel avertissement fait suite à une troisième étude d’observation dans laquelle le risque de thrombo-embolie veineuse était à nouveau doublé avec Evra® par rapport à un contraceptif oral classique. Cette étude incite la FDA à mentionner plus clairement dans la notice de Evra® la possibilité d’un risque plus élevé de thrombo-embolies veineuses par rapport aux contraceptifs oraux classiques.

Lors de l’emploi d’Evra®, il convient en tout cas de prendre en considération les contre- indications et les précautions qui s’appliquent aux contraceptifs oraux classiques, et la prudence est de rigueur chez les femmes qui présentent des facteurs de risque thromboembolique. Un changement de composition (diminution de 20 % de la dose d’éthinylestradiol contenue par patch) très confidentiel avait déjà eu lieu il y a deux ans, pour des raisons peu claires, couvert par une Agence européenne (EMEA) peu loquace [1].

Abonnement annuel à la Lettre du GRAS : 15 euro à virer au 068-2092265-02.

[1Prescrire 2007 ; 27 (279) : 16.

Cet article est paru dans la revue:

n° 44 - avril 2008

L’empire du médicament

Santé conjuguée

Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...