Nous remercions les nombreux auteurs qui ont contribué à ce dossier. Ils viennent de différents horizons, et tous sonnent l’alarme : la commercialisation de la santé met à mal le droit à la santé pour toutes et tous. Gageons que cette publication soutiendra le travail de sensibilisation, d’interpellation et de mobilisation que nous souhaitons poursuivre et convaincra les lecteurs de la nécessité de résister.
Nous espérons que cette édition servira aussi d’outil pour toutes celles et ceux qui veulent défendre la santé comme bien commun, à contre-courant de la volonté des multinationales qui, par tous les moyens tentent d’imposer leur volonté de faire de notre société un grand marché.
A l’heure de rédiger ces quelques lignes, le nouveau Gouvernement belge, baptisé la suédoise par certains, la kamikaze par d’autres fait des choix inquiétants. Suivant le dogme libéral, ce Gouvernement entreprend des coupes budgétaires dans les secteurs tels que les pensions, le chômage, les services publics... pour retrouver le fameux équilibre. Une fois encore, nous ne trouvons dans le programme aucune réelle perspective de nouvelles pistes de financement pour plus de justice fiscale, pour assurer les besoins toujours plus nombreux d’une grande partie de la population précarisée par les pertes d’emploi, le vieillissement, ou la maladie.
Pourtant, plusieurs études scientifiques et auteurs nous montrent, chiffres à l’appui, que le creusement des inégalités est nuisible pour l’ensemble de la population [1].
Et l’histoire nous a enseigné le désastre de telles politiques d’ajustements structurels qui ont été appliquées de main de fer dans la grande majorité des pays en développement à partir des années 80. Le témoignage d’Alicia Stolkiner sur le cas de l’Argentine nous donne cependant l’espoir : les mobilisations sociales suite à la banqueroute du pays au début des années 2000 ont abouti à la mise en place de gouvernements qui ont changé de cap et décidé d’investir dans des programmes sociaux, avec des résultats palpables en termes de santé et de bien-être.
Pour que se développe dans les pays du Sud une véritable couverture de santé universelle, il faudra une bonne dose de courage et de volonté politique. Il s’agit notamment de mettre en place des régimes fiscaux permettant une redistribution équitable de la richesse, et d’organiser un système de santé public digne de ce nom.
Au niveau européen, ce sont les fondements de l’Union européenne même qu’il faudrait changer pour que la solidarité remplace la concurrence et le libre marché, actuelles pierres angulaires de l’institution. Les nombreux accords de libre-échanges, TISA - Trade in Services Agreement ( Accord sur le commerce des services ), CETA - Comprehensive Economic and Trade Agreement ( Accord économique et commercial global, TTIP - Transatlantic Trade and Investment Partnership ( Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement )… négociés secrètement par la Commission européenne sont une illustration flagrante des mécanismes promus par l’Union européenne et visant à réduire à peau de chagrin les services publics et les ouvrir au secteur privé commercial en manque de débouchés rentables.
Cela vaut la peine de se mobiliser, parce que certaines luttes sont victorieuses : rappelons-nous que grâce à l’action citoyenne, un accord baptisé AMI - Accord multilatéral d’investissement à la fin des années nonante n’a pas vu le jour en raison de la forte opposition organisée au niveau européen. En 2006, la directive ‘Bolkestein’ avait dû être fortement remaniée également suite aux mobilisations. D’autres exemples existent. Qu’il en soit de même avec tous les accords commerciaux actuellement en cours de négociation ! C’est dans cette perspective que la Plate-forme d’action Santé et Solidarité, et à travers elle la Fédération des maisons médicales a adhéré au Réseau européen contre la privatisation et la commercialisation de la santé et de la protection sociale et participent activement à la mobilisation européenne qu’il organise.
Pour renverser le rapport de force actuel, comme toujours dans l’histoire, il faudra initier des résistances à tous les niveaux, du local au global, développer des stratégies diversifiées, s’unir sur des fronts communs entre organisations diverses, avec des acteurs issus de tous les secteurs. C’est ce que nous enseignent plusieurs des auteurs.
[1] Par exemple : Thomas Piketty, le Capital au XXIème siècle, Editions du Seuil - Septembre 2013 ; Richard Wilkinson et Kate Pickett, Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, éd. Les Petits matins - Institut Veblen, 2013.
n° 69 - décembre 2014
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...