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Données-santé informatisées : la Ligue des usagers des services de santé appelle à la vigilance !


1er octobre 2011, Fierens Micky

directrice de la Ligue des usagers des services de santé (LUSS), interrogée par Valérie Vander Veken.

Du côté de la Ligue des usagers des services de santé, on voit d’un oeil favorable l’informatisation des données et leur échange électronique entre prestataires mais on exige que leur confidentialité soit soigneusement protégée et que l’on respecte l’accès des patients aux données qui les concernent.

Quel est votre avis sur la protection des données médicales informatisées ?

Micky Fierens - L’informatisation des données est un état de fait, difficile de faire marche arrière… Par conséquent, veillons à ce que l’informatisation des échanges de données de santé se déroule dans un contexte le plus sécurisé possible. Un dossier papier qui se trouve dans un hôpital n’est pas mieux protégé qu’un dossier informatisé. En effet, si une infirmière ou tout autre prestataire veut le consulter, il n’y a pas beaucoup de barrières. Si un médecin envoie les informations sous enveloppe à un confrère, il n’y a aucun contrôle non plus. Mais les dossiers papiers ont l’avantage de n’être que très localement accessibles et ne peuvent donc être consultés que par un nombre limité de personnes.

Avec les échanges informatiques, par contre, les données circuleront d’une manière qui échappera complètement au patient et les destinataires potentiels se multiplieront. En bref, l’échange informatisé des données médicales soulève des questions déjà existantes avec les dossiers papiers, mais qui méritent d’être réglées maintenant !

La commission de la Protection de la vie privée a vérifié comment les données santé des citoyens seraient protégées dans le système eHealth. Elle a interrogé le secteur, et nous avons transmis notre avis sur la question.

Comment les échanges informatiques de données médicales peuvent-ils porter atteinte à la vie privée ?

M. F. - Les données santé sont considérées comme des données sensibles donc privées. Certains patients ne souhaitent pas afficher leur maladie, préfèrent rester discrets sur leur état de santé et je pense qu’il est important d’accepter ce choix, par respect pour la personne concernée. Les compagnies d’assurances aimeraient accéder aux données de santé de leurs assurés afin d’adapter leurs primes en fonction, ce qui serait discriminatoire.

De même, les enseignes commerciales font pression pour accéder aux données médicales afin de cibler leurs publicités sur certains profils. Les données vont précéder les patients.

Du côté de la Ligue des usagers des services de santé, on voit d’un oeil favorable l’informatisation des données et leur échange électronique entre prestataires mais on exige que leur confidentialité soit soigneusement protégée et que l’on respecte l’accès des patients aux données qui les concernent.

Des prestataires consultés n’auront plus un regard neuf sur un patient, risquent de poser un diagnostic sur base du dossier, et d’accorder moins de place aux dires du patient. Voilà une situation qui pourrait s’avérer très dérangeante pour le patient.

Quelles sont vos craintes par rapport à la plateforme eHealth ?

M. F. - L’échange électronique de données médicales représente une première, c’est pourquoi il nous semble difficile de prévenir tous les dangers. Il y en a certainement que nous ne découvrirons qu’avec le temps et la pratique. Néanmoins, nous pouvons d’ores et déjà nous montrer vigilants pour les dangers prévisibles. Même si nous ignorons la manière dont un individu essaierait de pirater le système pour accéder à des données médicales ou les raisons qui l’y pousseraient, toujours est-il que ce risque existe. Personne ne peut prétendre que le système est garanti inviolable.

En outre, nous nous interrogeons beaucoup sur le prétendu cloisonnement du système : est-on sûr qu’il n’y aura aucun mélange entre les données de santé, administratives, sociales ? Pour l’instant, nous restons méfiants, car si les données sont rendues anonymes, elles peuvent malgré tout permettre d’identifier des patients, par exemple dans le cas d’une maladie rare qui compterait quatre patients en Belgique, dont un en Flandre, un en Wallonie et deux à Bruxelles.

Qu’attendez-vous du développement de la plate-forme eHealth ?

M. F. - Nous souhaitons que l’échange informatisé des données médicales soit suffisamment sécurisé et qu’il soit utilisé pour améliorer le système des soins de santé et non dans un autre but : assurances, messages commerciaux,… En effet, l’échange des données médicales va sauver des vies et améliorer les diagnostics, mais il reste toujours la question de l’éthique… La relation humaine « soignant-soigné » doit rester privilégiée.

Reste également la question de l’accès par le patient lui-même à ses propres données. Bien que clairement stipulé dans la loi relative aux droits du patient, l’accès au dossier par le patient continue à soulever des vagues chez beaucoup de médecins.

Nous demandons clairement que le patient ait un droit de regard sur les données contenues dans son dossier, et sur les échanges qui se font entre les prestataires de soins. Les mutualités, quant à elles, ont un rôle d’assureur et ne font pas partie du monde soignant. Par conséquent, elles ne doivent pas avoir un regard sur les données médicales, mais uniquement sur les données financières. Cette barrière doit rester visible. Toutefois, les mutualités peuvent communiquer sur l’informatisation de l’échange des données médicales et répondre aux questions de leurs affiliés.

Article publié dans Health Forum, magazine de l’Union nationale des mutualités libres (juin 2011).

Cet article est paru dans la revue:

n° 58 - octobre 2011

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