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L’aventure citoy-éolienne de CLEF


1er juillet 2011, Marchal Fabienne

présidente du conseil d’administration du CLEF.

Un trait marquant des alternatives est leur dimension collective, démocratique et, volens nolens, politique. Le « projet fondateur » de la coopérative citoyenne CLEF, c’est la mise en oeuvre d’une démarche de coopérative et l’aboutissement d’un partenariat innovant citoyen-publicprivé dans le développement du parc éolien de Leuze-Europe.

C’est une belle réalisation technologique et humaine – dix éoliennes dans le parc, une éolienne citoyenne - qui permet la production d’électricité renouvelable. C’est aussi l’histoire d’un rêve devenu réalité durable par la démarche collective et démocratique, le travail acharné et la persévérance à toutes épreuves de citoyens qui ont mis leurs compétences et leurs ressources en commun afin de donner vie à un projet.

Nous y voilà enfin, les 10 éoliennes sont montées. Les pales tracent leurs premières révolutions dans le ciel leuzois et bientôt elles injecteront toute leur puissance électrique sur le réseau. Le 19 juin 2011, plus de 3.000 personnes ont participé à l’inauguration du parc éolien dans une ambiance festive et familiale « zéro discours ». Malgré tous les obstacles, l’éolienne citoyenne de la coopérative CLEF est devenue une réalité.

C’est l’aboutissement d’une démarche collective, une aventure citoy-éolienne qui a commencé fin 2006 avec des citoyens actifs et entreprenants dont le seul point commun à cette époque était d’être visionnaires et dans le vent.

Il a fallu beaucoup de travail et de ténacité pour mener à bien cette aventure technologique, environnementale et humaine, et les coups de théâtre n’ont pas manqué. Sans la confiance des coopérateurs – les coopérateurs de la première heure et ceux qui nous ont rejoint plus tard - nous n’aurions pas pu y arriver. C’est aussi l’histoire d’une alchimie, le premier partenariat citoyen-public-privé de ce type en Wallonie.

Rétrospective du projet

Quatre ans déjà que tout ceci a commencé, quatre ans d’enthousiasme, de découragements, de coups de gueule, de séismes, de prises de risque, de travail et de temps investi… petite rétrospective !

La coopérative CLEF scrl

D’une manière générale, une société coopérative correspond à la concrétisation de la volonté d’un groupe de personnes de s’unir afin de tenter de répondre d’une manière la plus démocratique possible à leurs besoins collectifs.

L’éolienne citoyenne du parc de Leuze-Europe est le « projet fondateur » de CLEF scrl. Ouverte à tous, CLEF est une société coopérative et citoyenne pour les énergies du futur qui a pour objectif de développer des projets en énergies renouvelables (Mégawatts verts) et de proposer d’autres services aux coopérateurs avec le cas échéant l’application d’une ristourne, visant à améliorer l’efficacité énergétique de ses coopérateurs (Négawatts [1]) ou à réduire leur facture énergétique.

Le développement collectif ne s’arrête pas à la coopérative elle-même. CLEF est membre fondateur de RESCOOP.BE, la fédération des coopératives citoyennes actives dans les énergies renouvelables. C’est par l’action concertée au sein de RESCOOP.be, qu’un mécanisme complexe tel que la fourniture d’électricité aux coopérateurs peut se mettre en place.

La fourniture d’électricité aux coopérateurs est en effet le service qu’il a été décidé de développer en priorité. Actuellement, ce sont encore les porteurs initiaux du projet coopératif qui développent les services, mais il est évident que ces porteurs sont déjà au-delà de leurs capacités de temps (bénévole) à y accorder. Selon les moyens qui seront dégagés dans le futur, et selon les possibilités d’engager du personnel, d’autres services pourraient être proposés comme par exemple : audits énergétiques, centrale d’achat pour tout investissement énergétiquement durable, aide à l’isolation,...

C’est l’assemblée générale de CLEF qui orientera au fil des ans le développement de la coopérative.

Nous avons tenu le 20 mai 2011 notre deuxième assemblée générale, à laquelle 60 % des parts étaient représentées. C’est un exercice conjoint d’augmentation des capacités et de « learning by doing » pour le conseil d’administration et pour les coopérateurs qui n’ont, pour beaucoup d’entre eux, jamais participé auparavant au développement et aux décisions d’une entreprise en tant que véritables acteurs.

Fin 2006, le groupe de Leuze se constitue et entame l’étude de préfaisabilité visant le montage d’un projet de parc éolien d’initiative et avec participation citoyenne, à l’est de l’agglomération de Leuze-en- Hainaut. L’objectif est de réserver aux citoyens une éolienne du parc projeté. Les procédures s’annoncent longues – très longues et fort coûteuses et les obstacles à surmonter nombreux.

Le collectif de citoyens se heurte d’emblée à un refus de la commune de porter ce projet avec lui.

Le projet étant trop gros à assumer financièrement pour une collectivité débutante, il faut trouver d’autres partenaires. Un premier petit partenaire privé hainuyer est rapidement trouvé. Ensuite, Electrabel puis Ideta (l’intercommunale de développement économique) révèlent leur intérêt pour le potentiel éolien du site. C’est le point de départ d’une alchimie, le premier partenariat citoyen-public-privé de ce type en Wallonie. Le partenariat n’est pas un long fleuve tranquille, c’est souvent un choc des cultures entre les grosses machines de guerre et la petite structure citoyenne. Mais cela fonctionne et les mentalités évoluent.

Les inévitables nimbystes montent au créneau avec leur kyrielle de rumeurs collectionnées sur internet visant à semer la peur et la confusion. Il n’empêche, à côté des pétitions d’opposition signées à la sortie des gares et des écoles, l’enquête publique récoltera 2.000 manifestations de soutien au projet de parc éolien… du jamais vu en Région wallonne et la preuve qu’il est possible de mobiliser les citoyens pour un projet grâce à une dynamique collective ! Après un premier refus puis un recours de riverains, il est décidé d’aller de l’avant et de mettre le permis en oeuvre.

Chez Ideta et Electrabel, l’investissement dans des gros projets est une procédure courante. Mais PELZ sa, la société d’exploitation créée par CLEF et son partenaire privé hainuyer du départ a besoin de compléter ses fonds propres par un financement bancaire. Or, depuis le début de l’aventure, le monde financier a basculé et les banques, fort affectées par la crise semblent ne plus rien pouvoir décider en matière de financement ! L’entreprise privée hainuyère décide en juin 2010 de quitter PELZ. Cette décision engendre l’impossibilité virtuelle pour CLEF d’obtenir un financement dans les délais nécessaires pour construire son éolienne en même temps que les autres. Ideta résoudra la situation en proposant de préfinancer la construction de l’éolienne citoyenne. Il est convenu que PELZ (qui est désormais une filiale à plus de 99 % de CLEF) remboursera l’ensemble des coûts engagés par Ideta pour l’éolienne citoyenne, au plus tard dans les deux mois de la finalisation de la phase de test (donc à l’automne 2011).

La renaissance d’une conscience collective

Lorsque fin 2006, nous nous lançons dans cette aventure, citoyens actifs partageant la volonté d’agir concrètement pour les générations futures, nous possédons ensemble des compétences nombreuses et diversifiées sur les plans administratifs, urbanistiques, techniques et financiers. Nous savons que ces compétences, mises en commun, nous donnent toutes les chances d’aboutir. Mais à ce moment, aucun d’entre nous n’est conscient du processus collectif que nous avons initié par la même occasion. Il se développe quasiment à notre insu au départ car le projet lui-même demande toute notre énergie.

Nous redécouvrons lentement, et avec les nouveaux coopérateurs qui nous rejoignent progressivement, la notion même de collectivité.

L’hostilité que la commune nous manifestera pendant très longtemps n’a pas fini de nous poser question. Le suivi des autres projets de ce type existant en Belgique ainsi que des négociations politiques wallonnes sur la participation citoyenne dans les projets éoliens, montre une crispation assez généralisée - sauf quelques rares exceptions - des pouvoirs locaux par rapport à la renaissance d’une conscience collective, même si cette crispation se manifeste souvent plus discrètement que dans le cas de Leuze. Si les pouvoirs politiques locaux ont une telle crainte de l’éveil de leurs citoyens à leurs capacités d’agir ensemble et démocratiquement pour développer des projets positifs répondant à des besoins collectifs, qu’est-ce que cela révèle sur l’organisation et l’exercice du pouvoir ? Pourquoi y voir une menace plutôt qu’une force complémentaire de développement et de réflexion sur laquelle s’appuyer ?

Info et contact

info@clef-europe.be www.clef-europe.be

[1Scénario de sortie de crise qui inverse la notion de mégawatts (milliard de watts), l’approche « négawatt » se fonde sur la sobriété et l’efficacité énergétique, c’est-à-dire réduire à la source la quantité d’énergie nécessaire pour un même service, mieux utiliser l’énergie à qualité de vie constante - www.negawatt.org.

Cet article est paru dans la revue:

n° 57 - juillet 2011

La face cachée du changement

Santé conjuguée

Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...