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La commune peut créer du bonheur !


1er avril 2012, Dr Olivier Mariage

Médecin généraliste, directeur à la maison médicale le Gué, permanent politique à la Fédération des maisons médicales.

A l’avant-veille des élections communales, il est plus que légitime de se poser la question, en tant qu’acteur de santé, des enjeux « sanitaires » qui existent à ce niveau de pouvoir. Au premier abord, la santé, c’est l’affaire de la santé publique, de l’organisation et du financement des soins. Et donc, dans notre paysage institutionnel, c’est l’affaire de l’Etat fédéral, des entités fédérées et des acteurs de soins de santé qui sont, dans la grande majorité des cas pour ces derniers, des individus ou des groupes privés.

Et pourtant, les divers témoignages apportés dans ce cahier, qu’ils viennent des usagers eux-mêmes, des experts ou de certains politiques démontrent que l’échelon local est un niveau de décision essentiel pour la santé, en amont du « système de santé ». Depuis quelques décennies, les progrès de la médecine et les coûts exorbitant qu’ils engendrent tendent à démontrer de plus en plus que les véritables progrès en santé publique viendront d’une action réelle sur les déterminants, comme tendent à le démontrer les études d’impact sur la santé. La commune est par excellence le niveau politique de la proximité. En votant pour un politique local, le citoyen attend d’abord de lui qu’il améliore son cadre de vie, son quotidien, et donc, sa santé. Le logement, la sécurité routière, les cantines scolaires, les espaces collectifs, le développement de la vie culturelle, du sport, du lien social,… sont autant de leviers que la cité a en mains pour produire du mieux-être et de la santé. Encore faut-il faire le lien. Trop souvent en effet, il existe des échevinats de la Santé qui limitent leur travail à des actions spécifiques en santé. L’échevin de la Santé ne pourrait-il pas être, comme l’échevin des Finances, un passage obligé de tous les dossiers ? A priori, toute décision politique est susceptible d’avoir un impact sur la santé des citoyens.

A un autre niveau, la commune a aussi un rôle à jouer dans l’organisation et l’accessibilité aux soins, particulièrement en première ligne. Bien peu d’entre elles s’y sont intéressées jusqu’à présent. La maison médicale de Frameries, émanation d’un CPAS reste une exception, heureusement porteuse d’avenir. Ne pourrait-on pas attendre des communes qu’elles soutiennent le développement de projets ?

A la question : quelle est la pertinence de la grille de lecture santé à l’échelon local, on peut donc observer que l’ensemble des acteurs répondent oui. Mais il reste beaucoup à faire pour que les mandataires en prennent la juste mesure.

Quant à l’autre hypothèse, que je résumerais comme suit : la démocratie locale est-elle niveau pertinent de réhabilitation de la démocratie ? J’aurais envie de répondre oui, mais… Oui dans la mesure où la proximité et les enjeux locaux favorisent la rencontre entre les citoyens et facilite l’action collective. Mais, il ne faut pas négliger que trop souvent ce n’est pas le cas. La commune est aussi le niveau où se pratique un clientélisme à tout crin, servant des intérêts individuels en négligeant l’intérêt collectif. Or ce qu’on attend du monde politique dans une démocratie, c’est qu’il soit bien entendu à l’écoute des besoins des gens, mais surtout qu’il organise le débat et arbitre les conflits d’intérêt dans le sens de l’intérêt général.

Beaucoup reste à faire. C’est sans doute un des enjeux essentiels pour l’avenir : apprendre à exercer sa citoyenneté active, comme le disent certains usagers, « on ne l’a pas appris à l’école ». L’idée d’éducateurs (ou d’animateurs ?) de quartier mérite d’être retenue pour aider les gens à construire ensemble leur cadre de vie de demain.

Et les maisons médicales dans tout cela ? En tant que structure de quartier, elles peuvent être un véritable moteur dans cette évolution, à condition qu’elles ne se contentent pas d’être de simples dispensateurs de soins. C’est là tout le sens de la « santé communautaire ». Il reste que nos structures, si elles peuvent être fières d’être des laboratoires de démocratie participatives, restent trop souvent fermées, en tant que structures, à l’exercice de la démocratie externe. En Ontario, au Canada, les centres de santé sont gérés par des personnes désignées par des comités de citoyens de la cité. Un modèle qui nous interpelle, et dont on devrait peut-être aussi s’inspirer pour mieux intégrer l’intérêt général, qui n’est pas forcément le même que l’intérêt des travailleurs. La santé n’est-elle pas aussi à ce prix ?

Cet article est paru dans la revue:

n° 60 - avril 2012

Prendre pied sur le terrain communal

Santé conjuguée

Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...

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