Vous êtes ici :
  1. Santé conjuguée
  2. Tous les numéros
  3. Médiation dans les soins, parapluie ou porte-voix ?
  4. Médiation hospitalière, de la méfiance à l’adhésion

Médiation hospitalière, de la méfiance à l’adhésion


2 juin 2014, Caroline Doppagne

médiatrice au centre hospitalier universitaire de Liège – Clinique André Renard d’Herstal.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, les hôpitaux doivent offrir un service de médiation hospitalière, soit en interne, soit en commun avec d’autres hôpitaux. Comment a été reçue cette loi au sein des hôpitaux ? Le point avec Caroline Doppagne.

Depuis la loi « droits du patient », tout patient s’est vu reconnaître le droit d’introduire une plainte s’il estime qu’un ou plusieurs de ses droits garanti( s ) par la loi n’a pas été respecté au sein de l’hôpital. De son côté, le patient a acquis plus de connaissance sur luimême et sur sa maladie grâce à internet et à la possibilité de demander une copie de son dossier médical. Le modèle « paternaliste » a laissé place à un modèle « délibératif ». Le dialogue s’est instauré dans la relation soignant-soigné. Le patient a davantage le profil « d’acteur de sa maladie » ; il est aussi devenu plus « revendicateur ».

Au fil du temps

Pour le prestataire de soins, cette réalité nouvelle a engendré dans un premier temps une autre façon de communiquer avec le patient : plus de prudence, de la crainte vis-àvis des actions en justice et des plaintes, mais aussi une relation de confiance plus fragile. Le fait qu’un médiateur, tiers autonome, puisse demander aux prestataires de soins de « se justifier » à l’égard de la plainte n’a pas été une notion aisée à intégrer au quotidien. Auparavant, la résolution des plaintes se faisait soit par le médecin chef qui recevait les plaintes directement, soit par un contact entre celui-ci et le soignant concerné. L’article 11 de la loi relative aux droits du patient a introduit un nouveau mode de résolution des conflits qu’il a fallu assimiler progressivement dans la pratique.

Au fil du temps, les prestataires de soins se sont rendus compte qu’une des missions principales du médiateur était de faciliter et de restaurer le dialogue entre les soignants et les soignés, afin de prévenir les litiges ou de résoudre ceux qui ont commencé. Les avantages ont doucement pris le dessus sur les craintes et le médiateur a petit à petit été apprivoisé par le terrain.

C’est seulement aux alentours de 2010 que les prestataires de soins ont pleinement pris conscience des bénéfices du service de médiation hospitalière et de ses rôles multiples : des actions préventives permettant de limiter le nombre des plaintes, des situations difficiles résolues grâce à la médiation, une information sur les autres possibilités de résolution des conflits en cas de désaccord persistant et la formulation de recommandations dans les services et/ou à l’hôpital.

Dans la mesure où tout prestataire de soins concerné par un dossier est consulté afin de donner son avis, et que ce point de vue est pris en compte dans l’analyse du médiateur, les prestataires se sont sentis pleinement intégrés dans le processus. Enfin, si le patient et sa famille peuvent recourir au médiateur, le praticien confronté à un différent potentiel avec un de ses patients peut lui aussi y faire appel et éviter ainsi la désescalade d’un mécontentement.

Le chemin de la plainte

Depuis l’entrée en vigueur de la loi relative aux droits du patient, une augmentation des plaintes a été constatée, mais il ne s’agit pas d’un accroissement considérable. Le changement s’observe plutôt dans le choix du mode de résolution de la plainte : la possibilité de passer par le service de médiation de l’hôpital lui est offerte et cette voie remporte un vif succès, au détriment de la direction médicale, mais aussi des services juridiques des mutuelles ou des avocats.

Le médiateur peut être saisi d’une plainte par écrit ( lettre ordinaire ou e-mail ) ou oralement ( par téléphone ou lors d’une consultation sur rendez-vous ). Lors de l’introduction d’une plainte, le médiateur est à l’écoute du plaignant et constitue un dossier relatant sa version des faits et ses attentes. Le médiateur prend ensuite contact avec la partie mise en cause et l’invite à présenter son point de vue sur les faits relatés. Intervient alors le traitement du dossier, dans le respect des valeurs propres à la médiation : la neutralité, l’impartialité et le respect du secret professionnel. Le médiateur peut, en vue de relancer le dialogue, proposer aux parties une rencontre en sa présence. Si les parties refusent, il peut servir d’intermédiaire et tenir les parties informées du suivi du dossier. Il va de soi que l’évolution de celui-ci dépend en grande partie de la bonne volonté de chacun.

Le processus de médiation peut être arrêté à tout moment. Le patient peut alors se tourner vers un autre type de résolution de conflit ( en justice par exemple ). D’autre part, si des éléments le justifient, le dossier peut être transmis à l’assureur de l’hôpital. Le médiateur en est alors dessaisi et le signale au patient. Le médiateur est également incompétent pour toute plainte faisant l’objet d’une action en justice ou émanant du Fonds des accidents médicaux ( un fonds créé en 2010, qui prévoit un nouveau droit d’indemnisation dans le cas d’un accident médical sans responsabilité ).

Le dossier est clôturé lorsque toutes les possibilités de conciliation ont été explorées. Le médiateur transmet ses conclusions à chacune des parties. Le plaignant, s’il n’est pas satisfait de l’issue de la médiation est informé des alternatives possibles en matière de résolution de conflits. Un rapport annuel du service de médiation est transmis au service publique fédéral Santé publique et aux autorités de l’hôpital.

Notons qu’il arrive aussi que le médiateur soit sollicité pour des doléances de patients sur d’autres aspects de son passage à l’hôpital, comme une chute sur un parking, le vol de biens par exemple. Ces dossiers n’étant pas en lien direct avec les missions légales du médiateur, celui-ci les transfère au service compétent.

Pour conclure

Lorsqu’un problème survient entre deux individus, il faut le voir dans sa globalité, être attentif aux mots échangés, mais aussi aux non-dits, à l’histoire des personnes, leurs origines, leurs croyances, aux différences entre interlocuteurs et à leurs positions respectives ( le fait d’être soignant ou patient ) … De par sa neutralité, le service de médiation hospitalière a un rôle d’accompagnement de chacun vers une solution. Les attentes des patients sont grandissantes. Leurs réclamations aussi. Éviter la judiciarisation des conflits, tel était l’espoir du législateur quand il a souhaité mettre en place des services de médiation au sein des institutions hospitalières.

Cet article est paru dans la revue:

n° 68 - juillet 2014

Médiation dans les soins, parapluie ou porte-voix ?

Santé conjuguée

Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...