Reculer l’âge de la pension, est-ce la réelle solution ? Ou le problème est-il plus insidieux que ce qu’on entend des débats ces dernières semaines ? La vraie réflexion ne devrait-elle pas partir du sens profond que les gens mettent dans la réalisation de leur travail – de leur job, que dis-je ? De leur gagne-pain ? La plupart des gens à qui je pose la question du sens de leur travail me répondent pareillement (du moins en première intention) : « Pour gagner ma vie… » Mais qu’y gagne-t-on au juste ? Comme si le fait de travailler dur toute notre vie allait nous garantir une sorte de paradis dans le monde de l’après-travail ! Si on y regarde de plus près, l’image plutôt entretenue que nous avons de la personne pensionnée n’est pourtant pas celle d’un ajout. Il n’y a aucune plus-value à sa situation : c’est une sorte de voie de garage où l’on ne sert plus à rien dans un modèle où l’économie monétaire l’emporte sur tout le reste.
Le combat mené à l’heure actuelle par tous les manifestants du 16 mai, et tant d’autres, à l’encontre des mesures du ministre des Pensions est un combat certes compréhensible, mais il ne s’attaque pas au fond du problème. On veut travailler moins longtemps, car les conditions générales sur le marché du travail sont catastrophiques. On vit dans une société de l’épuisement dont on rêve de sortir, mais pour quel après si ce n’est celui d’une retraite qui équivaut à une sorte de gommage de sa place dans la société, puisqu’on ne produit plus. Quel sens à tout ça ? Soupir.
Et si on essayait de changer de société pour enfin se (re)plonger dans un investissement personnel, intime, au cœur d’un travail qui fait réellement sens dans la construction de notre monde ? La notion même de « gagner sa vie » pourrait prendre une tout autre tournure. Le bénéfice positif de fournir une utilité sociale dans un travail harmonieux, choisi, investi, pourrait durer des années encore... Cessons de considérer nos vies de façon aussi compartimentée et segmentée. Cette vision dichotomique classe les gens dans des catégories qui ne sont pas épanouissantes et purement liées à des déterminants dictés par un seul vecteur : l’argent. Nous devons construire ensemble une société dans laquelle on souhaite travailler pour tout autre chose… Soupir final.
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