Vous êtes ici :
  1. Santé conjuguée
  2. Tous les numéros
  3. Genre et santé
  4. Une plate-forme Santé et Solidarité…

Actualité politique

Une plate-forme Santé et Solidarité…


octobre 2007, Morel Jacques

médecin généraliste, secrétaire général de la Fédération des maisons médicales.

Depuis plusieurs années, la question du maintien voire du développement du système de sécurité sociale est posée tantôt à travers des revendications communautaristes, tantôt à travers son érosion par des pratiques néolibérales renforcées.

La solidarité et l’équité sont au cœur des valeurs qui fondent l’action de la Fédération des maisons médicales ; heureusement cet attachement caractérise les projets d’un ensemble d’acteurs sociaux progressistes. La sécurité sociale représente bien au-delà d’un système assurantiel de couverture sociale, le résultat de décennies de revendications sociales visant à corriger les inégalités au sein de la société équitable, solidaire et démocratique que nous cherchons à construire dans une perspective de « mieux vivre ensemble ». L’accroissement objectivé des inégalités sociales face à la santé lors des récentes observations (Observatoire bruxellois, Fondation Roi Baudouin, Enquête sur la santé des belges de Institut scientifique de santé publique …) renforce encore les raisons de se mobiliser dans ce sens.

Depuis le congrès de février 2006, sous le thème général de « Refonder les pratiques sociales, refonder les pratiques en santé », la sécurité sociale est un objet de nos priorités, confirmant notre volonté non seulement de promouvoir/défendre les centres de santé mais aussi de contribuer à un projet de politique de santé et de société.

Les rencontres avec divers partenaires sociaux et l’occasion fournie par le futur 30ème anniversaire de la déclaration de l’Organisation mondiale de la santé à Alma Ata (en septembre 2008) ont permis la mise en place d’une plate-forme transcommunautaire qui souhaite exercer une fonction de vigilance vis-à-vis du développement d’une société solidaire et d’aiguillon pour la promotion du système de sécurité sociale.

Les deux fédérations, francophone et néerlandophone, rallient les syndicats interprofessionnels, les mutuelles, et plusieurs acteurs progressistes qui adhèrent dès à présent à une plate-forme commune que nous publions ci-dessous et qui a fait l’objet d’une carte blanche dans le journal Le Soir du 8 octobre dernier. Les accents de ce futur gouvernement fédéral. La plate-forme reste ouverte à ceux qui souhaitent concrétiser leur adhésion à ce front de vigilance. Des manifestations diverses seront organisées en perspective du 30ème anniversaire de la déclaration d’Alma Ata, et de son actualité.

Tant qu’on conquiert la santé !

Thierry Poucet, journaliste de santé publique

Pourquoi une plate-forme d’action « Santé et Solidarité ».

Profondément ancrée dans l’esprit et le langage populaires, l’exclamation « Tant qu’on a la santé… ! » (sous-entendu : même si on n’a pas le reste…) nous révèle en réalité plusieurs choses.

D’abord, elle exprime une sorte de philosophie profonde des priorités existentielles. On peut bien, au quotidien, ne rêver que de voyages exotiques, de belles voitures, de maisons quatre façades, de conquêtes amoureuses, d’un métier pépère, d’euro-millions, de gloire, de pouvoir, etc. Mais, à tout prendre, si c’était vraiment à mettre en parallèle avec une maladie ou un handicap sévère, on s’estimerait sans doute davantage comblé en étant « simplement » pourvu d’une forme physique et mentale de bon niveau. Derrière ce jugement de gros bon sens, il n’y a d’ailleurs pas qu’une sagesse de pacotille. Pouvoir conserver la santé le plus longtemps possible, disposer des moyens de faire face aux troubles et aux accrocs les plus courants sont effectivement des atouts fondamentaux pour chaque être humain. A l’inverse, les atteintes répétées ou prolongées à la santé peuvent être ruineuses – financièrement, mentalement, socialement – pour les personnes touchées comme pour leur entourage. Les pathologies et les lésions graves peuvent se solder, en effet, par de nombreux dérèglements : souffrances, envahissement du quotidien par le médical, sentiment de déchéance, perte effective de ses capacités de travail, de mobilité, d’intégration, endettement… Et quand, au lieu de frapper ici et là certains individus, de véritables fléaux sanitaires s’abattent sur des populations massivement démunies, ce sont cette fois des sociétés entières qui vacillent et voient leurs perspectives de développement minimal et d’accession à une vie digne encore plus compromises.

De manière plus discrète, l’expression populaire évoquée ci-avant se rattache aussi à un autre réflexe mental très répandu, mais cette fois-ci à tort : croire que « avoir la santé ou pas » est essentiellement une question de chance individuelle ! En somme, pour beaucoup de nos contemporains, tant que ça va bien on se contente de toucher du bois pour que ça dure, mais on n’imagine guère qu’il soit possible d’avoir prise, en particulier collectivement, sur nos destins sanitaires. Et pourtant, quand on déchiffre les indicateurs de santé publique, tout indique que les avatars sanitaires, leurs degrés de sévérité ou leurs répercussions négatives sont très inégalement répartis parmi les individus, à travers le monde comme à l’intérieur de chaque nation. Tout indique aussi que cette distribution n’est nullement hasardeuse mais dépend de facteurs profondément liés à des décisions et à des choix d’origine humaine, notamment politiques. Cela vaut aussi bien en matière d’organisation des services de santé qu’en matière d’organisation des autres volets du développement social et économique : politique d’emploi, de recherche, d’enseignement, d’environnement, de logement, de mobilité, d’égalité, de participation à la vitalité démocratique, de protection des travailleurs et consommateurs, de cohésion sociale, etc. Bref, le niveau moyen de santé d’une population et l’importance des écarts qu’on y observe entre les supposés « chanceux » et les supposés « malchanceux » sont des réalités foncièrement malléables. En se mobilisant, on peut leur donner une tournure différente. Autrement dit : la santé, cela se conquiert !

Un front de vigilance, d’analyse, d’action…

Depuis quelques mois, des représentants de syndicats, de mutuelles, du secteur associatif, d’organisations non-gouvernementales de développement et d’universités(1), issus de toutes les régions du pays, ont décidé de coordonner leurs efforts pour (re)donner consistance à ce refus de la fatalité et des politiques bancales ou peu cohérentes eu égard aux défis socio-sanitaires majeurs d’aujourd’hui et de demain. Leur horizon est volontairement ouvert dans un monde où les problèmes de santé et les réseaux d’influences qui les renforcent ou les atténuent se moquent pas mal des frontières étatiques. Il s’agit donc de viser à promouvoir des politiques de santé progressistes et égalitaires en Belgique, certes, mais aussi en Europe et dans le monde.

Concrètement, l’objectif principal de ces acteurs complémentaires est d’unir leurs travaux et leurs forces sur deux plans principaux. D’une part, informer et sensibiliser les professionnels et la population sur les conséquences des attaques des politiques néolibérales sur la protection sociale et le service public des soins de santé. D’autre part, proposer, encourager et défendre des politiques de santé et de promotion du bien-être progressistes et solidaires.

Ce front, baptisé Plate-forme d’action « Santé et Solidarité », a produit un document volontairement synthétique, qui énonce en deux pages les grands constats et les principes généraux sur lesquels les signataires entendent travailler ensemble(2), dans la durée et avec pour souci premier de formuler, de documenter et de concrétiser des pistes d’action au fil du temps. Dans le document de base, cinq chapitres principaux sont ébauchés : pourquoi la santé est un droit pour tous et ce qu’implique cette exigence ; pourquoi et comment réduire les inégalités face à la santé ; de l’importance de résister au processus de privatisation et de marchandisation du secteur de la santé ; de l’intérêt d’encourager la recherche publique et le prix bas des médicaments ; de l’impérieuse nécessité de défendre des soins de qualité et de bonnes conditions de travail pour le personnel de santé.

Ce front est évidemment ouvert à toutes les bonnes volontés qui partageraient ses préoccupations et ses objectifs généraux.

1. La Plate-forme d’action Santé et Solidarité est constituée à ce jour par les organisations suivantes : ACV/CSC ; LBC-NVK ; ABVV/FGTB ; BBTK-SETCa ; CNE ; MOC ; ACW ; Union nationale des mutualités socialistes ; Alliance nationale des mutualités chrétiennes ; Fédération des maisons médicales ; Vereniging van wijkgezondheidscentra ; intal ; Médecine pour le peuple ; le Forum social de Belgique ; Wereldsolidariteit/Solidarité Mondiale ; CNCD-11.11.11 ; Oxfam Solidarité ; 11.11.11-Koepel van de Vlaamse Noord-Zuidbeweging ; FOS-Socialistische Solidariteit ; ...

2. Ce document se trouve sur www.sante-solidarite.be et peut être obtenu sur simple demande à l’adresse suivante : Plate-forme d’action Santé et Solidarité, chaussée de Haecht 53, 1210 Bruxelles, barendclaessens@gmail.be, 0495/28.55.71.

Cet article est paru dans la revue:

n° 42 - octobre 2007

Genre et santé

Santé conjuguée

Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...