Comment les séances de kinésithérapie sont-elles vécues par les patients ? Petite enquête à Bruxelles, auprès d’une trentaine d’entre eux.
Les séances de kinésithérapie réalisées correspondent-elles à l’idée que les patients s’en font ? Pour le savoir, nous avons interrogé trente et un patients. Quinze d’entre eux sont suivis dans une structure au forfait, douze dans une structure à l’acte, les quatre autres n’ont pas fourni de précision à ce sujet. Douze personnes étaient suivies dans le cadre d’une maladie chronique et quatorze en aigu. Cette information n’est pas connue pour les cinq autres. Quelle est l’éventuelle influence du discours médical et du coût/gratuité des soins prodigués ? [1] Est-ce que la prescription du médecin, ou son discours, influence leurs attentes du traitement ? Les réponses sont riches d’enseignements.
Les réponses sont partagées. Une petite moitié a affirmé s’attendre au traitement reçu. Certains répondants disent voir été surpris par le travail de recherche et de personnalisation du traitement, à l’inverse des « recettes de cuisine » parfois utilisées pour tous les patients présentant le même diagnostic. À l’hôpital, certains se sont sentis comme des numéros dans des box de physiothérapie (application de chaleur, électrothérapie…) ou dans des salles de gymnastique surveillées par des étudiants, alors qu’ils ont trouvé dans le secteur privé et en maison médicale une démarche adaptée à leur cas personnel et unique. Ils ont apprécié l’accueil, l’empathie et s’y sont sentis rassurés.
Comment les séances de kinésithérapie sont-elles vécues par les patients ? Petite enquête à Bruxelles, auprès d’une trentaine d’entre eux.
Pour l’autre moitié, les répondants ne savaient pas à quoi s’attendre ou n’ont pas été pris en charge comme ils l’imaginaient. La grande croyance selon laquelle la kinésithérapie s’apparente et se limite à la massothérapie semble toujours d’actualité. Ces patients se sont dits surpris par l’implication personnelle qui leur était demandée, par le dynamisme nécessaire à la guérison (exercices et hometraining). Certains ne s’attendaient pas à avoir mal lors de la séance, voire les jours suivants. Un constat que nous retrouvons souvent en raison de l’image du métier, ou lorsque les prescripteurs ne savent pas en quoi le traitement consistera ou ne révèlent pas cette information au patient (au stade préopératoire, par exemple). D’où l’importance pour le kinésithérapeute d’expliquer ce qu’il proposera à la personne et les effets potentiels du traitement. Il peut en effet agir en suivant ses connaissances et son instinct, mais ne peut anticiper avec une totale certitude la réaction du corps du patient. C’est ainsi que le traitement s’échafaude de séance en séance, en suivant un individu unique qui s’exprime de façon unique.
Ces répondants ne s’attendaient pas à rencontrer un thérapeute qui connaisse leur dossier médical (antécédents pertinents…) et se sont ainsi sentis écoutés et compris, d’autant plus quand les limites de la douleur étaient respectées. Globalement, c’est un sentiment de satisfaction qu’ils ont tous évoqué.
« Oui, le traitement correspondait à mes attentes malgré que ma pathologie n’est pas très connue du monde médical. Les kinésithérapeutes se sont informés pour faire ce qu’il est conseillé selon les recommandations du site du spécialiste que je leur ai transmises. »
Nous avons retrouvé une satisfaction dans la majorité des témoignages, même lorsque les patients n’avaient pas d’attentes particulières. Ils ont consulté suite aux recommandations de leur médecin (traitant ou spécialiste). Ils ont parfois été surpris par des méthodes douloureuses telles que la fibrolyse par crochetage ou des massages profonds, mais toujours avec une issue favorable. Certains ont parlé de la diversité des pratiques d’un kinésithérapeute à l’autre. Une personne a mentionné une franche insatisfaction en raison du manque de compétences du thérapeute et un traitement inadapté.
60% des patients ont répondu favorablement à cette question, mais pour des raisons diverses. Certains sont venus chercher l’expertise de médecin au sujet de leur santé, le considérant apte à déterminer la posologie et les actes précis composant le traitement. Nous avons également recueilli des discours plus nuancés de patients ayant reçu des informations détaillées sur les séances de kinésithérapie qu’ils allaient suivre, de bonnes explications sur leur pathologie et sur l’intérêt de ce type de thérapie comme de leur implication personnelle.
La prescription médicale peut contenir les actes à poser par le kinésithérapeute, toutefois celui-ci est légalement libre de réaliser en plus tout autre traitement adéquat ainsi que d’évaluer la fréquence nécessaire des séances, et de les interrompre lorsque la personne est guérie.
Les personnes qui ne se sont pas senties influencées par la prescription ou le discours de leur médecin se sont vraisemblablement retrouvées face à des médecins qui ne s’attardaient pas sur les explications, voire qui donnaient peu d’importance à la kinésithérapie.
« Le médecin n’a rien expliqué. Il n’avait aucune idée de comment ça allait se passer. »
Il est apparu qu’en privé ou en maison médicale certains appareils (tels que le Kinetec servant en postopératoire d’une prothèse de genou, l’appareil de percussions pulmonaires ou d’ondes de choc, par exemple) ne sont pas disponibles bien que nécessaires.
Aucun mécontentement n’a été relevé, mais il est interpellant d’entendre que certains médecins prescrivent des traitements sans les expliquer à leur patient (les causes seraient intéressantes à étudier : temps de consultation, faible connaissance de la kinésithérapie ?) et que certaines personnes se remettent en toute confiance à leur expertise avant celle de leur kinésithérapeute. Cette situation semble être évitée dans les maisons médicales (et sans doute également dans d’autres types de centres interdisciplinaires) où le patient est placé au centre de la prise en charge et où les médecins et les kinésithérapeutes prennent le temps d’échanger et de se coordonner, comme l’a évoqué une patiente dans notre enquête ; ce qui induit une satisfaction sur les notions de continuité et de globalité des soins de santé.
« Je distingue les médecins des maisons médicales qui font confi ance à leur kinésitherapeute et leur laissent une liberté, et les spécialistes et médecinsconseil qui donnent peu d’indications et parfois peu d’importance à la kinésithérapie. »
Fifty-fifty ! Les personnes qui ont reconnu que le coût avait un impact sur leur traitement en parlent en termes de frein. Celui-ci pouvait être compensé par une assurance complémentaire couvrant ce que la mutuelle ne prend pas en charge. Deux personnes ont évoqué la convention qui assure le non-dépassement d’honoraires permettant aux soins de rester accessibles. Tous ont insisté sur le fait que le coût pourrait stimuler l’implication personnelle, mais que la gratuité ne lui nuisait pas.
« La gratuité n’infl uence pas mon implication dans mon traitement mais sans cela j’aurais dû faire des choix économiques pour pouvoir me payer des séances de kinésithérapie. »
Les personnes ne ressentant pas d’impact lié au coût (celles suivies au forfait) disent qu’elles auraient recouru aux séances de kinésithérapie même si celles-ci avaient été payantes. Le coût semble limiter la fréquence des séances ou la durée du traitement, mais pas l’implication personnelle. Une personne a évoqué l’intervention de la mutuelle sur les honoraires, qui implique une quote-part personnelle faible. Une patiente relève que, a priori, le coût n’aurait pas d’impact direct sur son suivi kinésithérapeutique, mais que, si elle était suivie à l’acte, elle devrait faire des choix financiers sur des aides techniques (pince de préhension, rollator, etc.), ce qui nuirait à son confort global.
Un tiers des personnes reconnaissant l’impact du coût sont suivies à l’acte. Les autres sont suivies au forfait. Il n’était pas tenu compte de la situation socioéconomique des personnes interrogées, mais il serait intéressant d’analyser plus avant les items liés l’accessibilité financière aux soins.
« C’est clair que fi nancièrement, sans le système forfaitaire, ce serait dur de venir à la même fréquence en kinésithérapie. Je ne saurais peutêtre pas me soigner correctement. Par contre, cela n’infl uence pas mon implication personnelle dans le traitement. »
La diversité des pratiques a été mentionnée, de sorte que l’on ne sait pas forcément à quoi s’attendre en entrant dans le cabinet d’un kinésithérapeute.
Des participants ont noté que le suivi chez le kinésithérapeute est relativement long, et les consultations fréquentes. Le patient et le thérapeute sont dès lors amenés à beaucoup échanger, à développer une relation de confiance, à poser un autre regard, surtout dans les suivis de longue durée sur des problématiques chroniques ou lourdes (telles des maladies orphelines ou dégénératives). Il est aussi un rapport au corps et un toucher assez direct qui nécessite également un climat de confiance et de bienveillance indispensables au bon déroulement du traitement.
Les répondants pointent l’importance d’être mis en confiance sur les compétences particulières du thérapeute, ce qui nécessite également un dialogue transparent dans les deux sens. Enfin, la majorité des personnes interrogées se sont dites rassurées par une prise en charge interdisciplinaire assurant davantage de qualité au suivi.
« C’est important d’avoir confi ance dans son thérapeute et de connaitre ses compétences et ses domaines de prédilection afi n d’être bien orienté. »
Au vu des différents avis collectés, qu’il s’agisse de l’acte ou du forfait, de la prise en charge d’une pathologie chronique ou d’une pathologie aiguë, quelle que soit l’approche du kinésithérapeute, le patient en est ressorti satisfait tant au niveau somatique que relationnel.
Les patients ont noté la différence dans les centres interdisciplinaires où les échanges entre les médecins et les kinésithérapeutes permettent à chacun de se nourrir des connaissances de l’autre, de ses compétences. La prescription, le discours et le suivi prennent alors beaucoup plus de sens. Il apparaît aussi que si le médecin est habilité à prescrire des séances de kinésithérapie, il n’est pas toujours correctement formé à le faire, et qu’il est lui-même guidé par son expérience et ses représentations. Les patients ont également noté l’importance du relationnel avec leur kinésithérapeute et c’est en effet une part fondamentale de la réussite et de la qualité du traitement.
Il serait intéressant de croiser les données socioéconomiques et celles liées à l’accessibilité financière aux soins de santé de première ligne, tout particulièrement en kinésithérapie afin d’évaluer la façon dont l’impact du coût des séances se répercute sur la possibilité des gens de se soigner et sur leur investissement personnel lié à leur santé.
« On prend plus le temps de discuter avec le kinésithérapeute pour mieux comprendre notre problème, on peut poser plus de questions, aussi parce qu’on le voit plus souvent que le médecin. »
[1] Notons que le terme « gratuité » utilisé dans cet article signifi e une prise en charge forfaitaire qui n’est pas réellement gratuite puisque le patient cotise auprès de sa mutuelle normalement.
n°82 - mars 2018
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...