Entre le monde « idéal » des critères et leur incarnation dans le réel s’étendent les vastes champs de la bataille politique. Voyons à quel prix les centres de santé ont réussi à prendre leur place dans le paysage belge et à faire reconnaître le système forfaitaire et ses critères de qualité. Un combat qui est loin d’être fini…
Les maisons médicales sont des initiatives privées post-soixante-huitardes. Elles avaient pour programme d’accompagner un processus de changement social global entamé en fin des années soixante dans le monde entier (cf. carte ci-dessous).
Les craquements au sein des deux empires (soviétique et états-uniens) étaient provoqués par une double critique : une critique de l’aliénation dans le monde capitaliste et une crise des libertés publiques dans le monde soviétique. Dans les deux cas, il s’agissait de se libérer, ici du pouvoir de l’argent, là du pouvoir du parti. Cette double critique a permis d’unir les étudiants, les intellectuels et, en France, les ouvriers, qu’ils soient antisoviétiques ou anticapitalistes. Les maisons médicales n’avaient pas inscrit leur action dans la durée car le renversement du vieux monde devait ouvrir tous les possibles. Le credo des maisons médicales était égalitaristeA : les soignants et les patients sont égaux, les soignants entre eux sont égaux. Il s’agissait là d’une posture morale quasi théologiqueB. Il faut bien comprendre que critiquer le communisme soviétique tout en prônant un égalitarisme radical plaçait les maisons médicales à gauche du Parti communiste sur l’échiquier politique. En même temps, la défense globale des libertés individuelles prenait aussi les libéraux à contre-pied. La contradiction entre les libertés économiques (des riches) et les libertés individuelles (des citoyens) était mise en lumière. Sur le plan théorique, les maisons médicales préféraient disserter des mérites respectifs de l’anarchisme, du trotskisme ou de la social-démocratie plutôt que s’attaquer aux questions de santé publique. Ce sera l’apport du Groupe d’étude pour une réforme de la médecine - GERM (fondé en 1964 après la grande grève WynenC,D) qui permettra de mettre un peu de plomb dans ces jeunes cervelles fulminantes. En 1978, un médecin généraliste de Bautista van Schowen et un autre de Grâce-Hollogne prennent langue avec la FGTB pour défendre les concepts du centre de santé intégré dans le programme du syndicat socialiste. Nous pouvons lire ceci : une solution serait de réaliser un des objectifs de la loi Leburton de 1963, coexistence à côté d’un secteur libéral d’un secteur forfaitaire. Ou encore : pour rendre au généraliste sa place, il faut l’insérer dans un réseau de relations structuré, organiser la médecine de premier recours autour de l’équipe sanitaire de base, lui fournir une infrastructure et une logistique. Coresponsabilité des patients. L’accès généralisé aux soins… la qualité des soins… la participation à la recherche (épidémiologique, thérapeutique)…
Pour conclure brièvement ce chapitre historique nous dirons que dès les années 60 au GERM et pour les maisons médicales dans la deuxième moitié des années 70, le modèleE est clair, c’est l’équipe intégrée pluridisciplinaire forfaitaire de première ligne (globale) qui doit être défendue avec une série de caractéristiques de qualité : accessibilité, recueil de données épidémiologiques, globalité, etc. Après quelques tâtonnements, l’équipe type comprendra les trois professions INAMI, médecin généraliste, kinésithérapeute, infirmière et trois professions complémentaires, psychologue, travailleur social et accueil/secrétariat. L’intérêt d’un gestionnaire n’apparaissait pas encore clairement.
Si en 1978, il n’y avait qu’une quinzaine de maisons médicales, il en y avait aussi au nord du pays et très vite les maisons médicales flamandes avaient tenté de faire appliquer la loi Leburton sur le forfait. Le comité de gestion de l’INAMI a, à l’époque, répondu à Ri De RidderF, leader des maisons médicales flamandes : lors de sa réunion à partir du 28 Janvier 1966, le comité de gestion a déterminé les règles de prorogation du forfait comme suit : 1. description du contenu de la somme forfaitaire ; a. Les frais couvrent toutes les prestations, à l’exclusion des consultations.
La réponse n’avait évidemment aucun sens pour la première ligne de soins puisque l’essentiel des revenus en médecine générale est constitué de consultations et visites. Donc la voie légale pour appliquer la loi était obstruée. Il fallait changer de stratégie ? En fait, ce fut l’ennemi de toujours, les chambres syndicales de médecins qui, par leur aventureuse deuxième grèveG, nous permirent de dégager le chemin. En 1979, lors du gouvernement Martens1H,I, (avril 1979 à janvier 1980), le ministre Alfred Califice propose une réforme qui porte sur le carnet de santé (embryon de Dossier médicale global - DMG) et la limitation de l’appareillage lourd (scanner, etc.). Les chambres syndicales repartent en guerre, mais la grève marche moins bien qu’en 1964 grâce au sabotage des maisons médicales, des mutualités et des syndicats et - dixit Jacques de Toeuf, un des leaders des chambres syndicales - des hôpitaux universitaires. Conclusion, le gouvernement Martens1, ravi du demi-échec de la grève, dégage la voie et des négociations sur un système de rémunération au forfait commencent. Mais la stratégie n’est pas unique. Simultanément, un parlementaire socialiste flamand, Lode Hanke, dépose une proposition de loi (18 décembre 1980) radicale qui donnerait au forfait un cadre très avantageux pour se développer. Il est clair que les espoirs de nos camarades flamands reposaient plutôt sur cette loi que sur les négociations en cours à l’INAMI. Malheureusement, pour tout le monde, cette proposition de loi ne sera jamais adoptée…
Le 26 octobre 1981, le directeur général de l’INAMI, Jérôme Dejardin ouvre la porte à la négociation d’un règlement forfaitaire, manifestement sur l’ordre du politique : U moet contact nemen met de heer Dr.Nokerman, Secretaris Generaal van het Ministerie van Sociale Voorzorg. Les premières propositions de la Fédération des maisons médicales et de la Vereniging van de Wijkgezondheidscentra se présentent comme un calque des conventions de revalidation qui dépendent du collège des médecins directeurs de l’INAMI, mais cela ne correspond pas au texte de la loi. Celui-ci prévoit une commission ad hoc pour chaque nouvelle convention forfaitaire. Le 4 mai 1982, un projet de règlement est soumis aux maisons médicales/Wijkgezondheidscentra pour avis. Ce projet comprend une estimation des forfaits sur base provinciale particulièrement défavorable aux brabançons (donc aux Bruxellois). Les négociateurs optent d’un commun accord pour une moyenne nationaleJ. Une rencontre a lieu entre l’INAMI, Marco Dujardin, Ri De Ridder et Jan de Maeseneer, les discussions portent entre autre sur la double exclusivité (un patient au forfait ne peut aller voir un autre thérapeute et son thérapeute, au forfait, ne peut prester à l’acte). Le règlement est voté au comité de gestion de l’INAMI le 26 juillet 1982, modifié le 10 janvier 1983 (il sera encore modifié peu après, le 15 octobre 1983). La maison médicale Bautista van Schowen passe au forfait le 1er juillet 1984. Fin du premier épisode.
On peut en résumer les grandes lignes avec les aspects suivant.
Le règlement forfaitaire (1982)
Si on compare le règlement forfaitaire de 1982 à la proposition de Loi Hanke, il ne contient presque rien des concepts de première ligne. Il s’agit en fait d’une pure modification de paiement, le financement spécifique de l’équipe pluridisciplinaire, du travail social ou psychologique n’existe pas, l’accueil n’est pas financé, les tickets modérateurs sont perdus car le Conseil d’État interdit le ticket modérateur dans les pratiques forfaitaires. De toute façon, les maisons médicales ne veulent pas limiter l’accès aux soins par des voies financières. Le forfait « national » favorise Bruxelles mais inhibe les groupes flamands. C’est pourtant en Wallonie que le démarrage sera le plus rapide.
Le premier décret francophone (1983)
Dans le même temps, la Communauté française vote un décret de soutien aux maisons médicales favorable aux pratiques forfaitaires. Marco Dujardin, attaché au cabinet du ministre de la Santé (communautaire) soutient au sein de celui-ci la rédaction de ce décret. Il comprend la liste des points essentiels qu’il faut développer pour réaliser des soins de santé de première ligne de qualité. On retiendra le souci des aspects sociaux, psychologiques et culturels, la participation des patients dans les organes décisionnels, la coordination multidisciplinaire, la continuité et la permanence des soins. La qualité est promue via un audit supervisé par une commission mixte ainsi que par la recherche-action.
Le décret est abrogé par une majorité de centre droit le 18 juin 1986 (Moniteur belge 11-9-1986), il n’aura vécu que trois ans dont deux d’application effective. De juin 1986 à juillet 1993, il n’y eut plus pour les maisons médicales qu’un seul cadre légal, le règlement du forfait dont nous avons souligné la pauvreté conceptuelle. Mais il faut souligner la résistance de ce règlement même dans la période de régression sociale Martens-Gol. C’est le charme du paritarisme.
La revalorisation du forfait (1992)
La première revalorisation augmente les revenus des maisons médicales de 20 % à condition qu’elles continuent à prendre en charge une population plus pauvre que la moyenne fédérale, ce qui est évidemment un critère d’accessibilité financière, et de réaliser des économies en deuxième ligne, ce qui était un critère de qualité.
Le deuxième décret francophone (1993)
Il fallut attendre 1993 et le ministère de Magda de Galan à la Communauté française pour remettre un nouveau décret sur le métier. Le nouveau décret se voulait consensuel pour ne plus être menacé par un changement de majorité comme le précédent. Il abandonne la possibilité d’être réservé aux pratiques forfaitaires ainsi que la participation obligatoire des patients dans les organes de gestion. Par contre, l’autogestion (partielle) est coulée dans le bronze. La première version du deuxième décret oubliait la possibilité pour les pouvoirs publics d’organiser des associations de santé intégrée. Mais cet oubli était corrigé peu après par un amendement de quelques députés socialistes.
Nous pouvons évaluer que si l’abandon de la préférence pour le forfait paraît de bonne guerre, par contre la perte du pouvoir des usagers dans les centres de santé est regrettable surtout en tenant compte de la difficulté de mise en place des associations de patients.
Le décret flamand de soutien à l’investissement immobilier (1999)
Signe avant coureur du démantèlement de l’Etat belge, la Flandre a accepté ce que la Wallonie et Bruxelles ont toujours refusé aux équipes de première ligne, une aide à l’achat d’un bâtiment où exercer les soins. Les conditions sont légères mais significatives : il faut pratiquer le forfait (ainsi les parcours législatifs au nord et au sud se croisent), il faut s’installer dans un quartier en difficulté (comme pour les primes impulséo 2) et enfin, il faut que les locaux répondent à des normes de surface au sol, d’insonorisation, etc. Par contre les Wijkgezondheidscentra flamands n’obtiennent pas de soutien pour leurs activités non-curatives ! Comprenne qui pourra.
Les maisons médicales et Wijkgezondheids-centra ont assez rapidement défini un modèle avec l’aide du GERM. Elles ont négocié avec les pouvoirs publics pour que ce modèle soit reconnu et développé. Les pouvoirs publics ont suivi partiellement et parfois au rythme désespérant d’une procession. Les maisons médicales elles-mêmes échaudées par l’expérience avancent prudemment en essayant de ne pas prendre le risque. Le choix de la voie réformiste pour un changement radical explique ce parcours tortueux.
Nous savons que certains travailleurs de maisons médicales sont insatisfaits avec le modèle actuel de payement forfaitaire. D’autre part, nous avons déjà entendu des critiques sur le projet actuellement en construction à l’INAMI.
Avant d’aller plus loin dans la réflexion sur la négociation, il me parait nécessaire de parler de l’État. Pour les anarchistes, l’État représentait le mal absolu. Dans les manifestations, ils chantaient sur l’air des lampions : pas de méprise, c’est l’État qu’on vise... Mes camarades sociaux-démocrates voyaient un immense danger dans cette position de principe.
Qu’est ce que l’État ?
Les points de vue divergent. Pour les marxistes l’appareil d’État est au service de la bourgeoisie pour maintenir la société inégalitaire : mais cet État n’est pas autre chose que la forme d’organisation que les bourgeois se donnent par nécessité, pour garantir réciproquement leur propriété et leurs intérêts, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur2. Pour les anarchistesC, F, il était le centre du pouvoir et tout pouvoir doit être détruit… Je vais, modestement, émettre une autre hypothèse à propos de l’État. L’État est hétérogène, il est le résultat du rapport de forces entre les différentes dynamiques sociales. Quand les travailleurs sont puissants et bien organisés, quand règne le plein emploi, quand les intellectuels de gauche détiennent l’hégémonie culturelle, alors l’état est social-démocrate, fiscal et re-distributeur. Quand le chômage de masse règne (depuis 1973-81 !) ; quand c’est la débandade à gauche, quand les idéologues libéraux redressent la tête, alors l’État exécute avec plus ou moins de scrupules les instructions d’en-Haut (c’est-à-dire la haute finance, les ultra-riches).
Les hauts fonctionnaires et les contradictions entre idéologie et exécution
Les rapports réguliers avec de hauts dirigeants mutualistes, syndicaux, politiques, avec de hauts fonctionnaires de l’État et des régions ou des grandes villes font découvrir un monde bien plus ouvert au changement social qu’il ne pourrait paraître au premier abord. Mais comme on peut souvent l’observer, plus on monte dans la hiérarchie de l’appareil d’État ou du para-État, moins on est libre de ses mouvements. Un subtil jeu d’équilibre entre des forces contraires génère une paralysie dommageable. Dès lors, il faut savoir que l’on ne négocie pas seulement avec des méchants et des malhonnêtes. On négocie aussi avec des complices. Simplement le jeu interne du pouvoir oblige de passer par des chemins souvent complexes et sinueux car il ne faut pas toucher au subtil équilibre que risqueraient de mettre en branle des forces jusque là endormies.
Et nous, qui sommes-nous pour prendre langue avec le monstre froid ?
En 1968, nous avons cru que l’ancien monde allait tomber tout cuit dans notre bouche avide de changement. Mais les choses ne se sont pas passées comme cela. En France, les gouvernements sont devenus particulièrement répressifs avec les ministres de l’Intérieur Raymond Marcellin (sous Pompidou) et Michel Poniatowski (sous Giscard). La Belgique au contraire, hormis une surveillance des groupes gauchistes par la Brigade spéciale de recherche (gendarmerie), se contentait d’engluer les forces montantes dans un en-commissionnement généralisé. La tactique sévit toujours à l’INAMI où les commissions poussent comme champignons en automne.
Et c’est précisément ce mécanisme qui sera mis à profit pour changer les choses. Bien sûr c’est plus facile quand on est porté par un mouvement social, comme le disait Daniel Cohn-Bendit : « de toute manière, je ne crois pas que la révolution soit possible, comme ça, du jour au lendemain. Je crois qu’on peut obtenir des aménagements successifs, plus ou moins importants mais ces aménagements ne pourront être imposés que par des actions révolutionnairesG ». D’une certaine façon, on doit lui donner raison : c’est après l’action des maisons médicales contre la grève corporatiste des chambres syndicales8-10 que les maisons médicales deviennent un interlocuteur et qu’elles obtiennent leur propre commission à l’INAMI. Mais ce pauvre Cohn-Bendit ne pouvait pas deviner qu’être le Jaune de la médecine libérale créerait une connivence avec l’appareil d’État et une possibilité d’initier un profond changement social dans les soins de santé en Belgique.
Dès lors que la Fédération des maisons médicales a mis le pied dans la porte, elle ne le retirera plus.
Elle cherchera une reconnaissance législative pour les maisons médicales. Mais que signifie une reconnaissance ? Être reconnu par les pouvoirs publics comprend deux aspects : un volet obligatoire et un volet facultatif.
1. Le volet obligatoire c’est l’agrément. L’agrément, c’est comme un permis de chasse (ou un permis de conduire), on vérifie que l’organisation (maison médicale) présente bien les caractéristiques nécessaires à l’exercice de la fonction. On pourrait comparer cela à une assurance de qualité de la structure maison médicale.
2. Le deuxième volet, facultatif, c’est le financement. Le financement dépend des réalisations concrètes des maisons médicales, par exemple le nombre de patients suivis, les réunions hebdomadaires de coordination des soins, etc. Il s’agit ici plutôt d’une assurance de qualité des procédures.
Le paradoxe c’est que l’essentiel des revenus des maisons médicales est constitué des forfaits pour lesquels aucune contrepartie n’est demandée, même si des augmentations importantes ont été obtenues au titre de la précarité des populations soignées et des économies de deuxième ligne. Une maison médicale ne se ressent pas forcément l’utilité de l’agrément.
Mais on ne négocie pas seul en face de son miroirK
Le partenaire a aussi des souhaits, la meilleure façon de procéder c’est de bien comprendre les objectifs du partenaire public pour y accéder dans la mesure où cela rejoint totalement ou partiellement certains de nos objectifs. Par exemple, lors des négociations en Région wallonne sur les arrêtés d’applications du décret de 1993, nous avons perçu une demande de prise en charge illimitée des populations précarisées. A priori, cela rentre dans nos objectifs. Cependant, les maisons médicales avec leur petit nombre ne peuvent accueillir toute la misère du monde, nous avons donc demandé la possibilité de tirer la sonnette d’alarme en cas de péril financier. L’autre problème que pose cette priorité pour les précaires c’est la ghettoïsation des maisons médicales, le cantonnement dans l’infra-social, alors que le modèle est valide pour toutes les catégories de population.
Il y a aussi les demandes spécifiques des pouvoirs publics qui nous interrogent parfois…
Par exemple, lors de cette même négociation, des représentants du Parti socialiste ont souhaité que les communes et d’autres instances publiques puissent organiser des maisons médicales. Sur le fond, il n’y a pas d’objection. Cependant, dans notre culture autogestionnaire, nous avions quelques craintes de voire fleurir un parterre de centres de santé fonctionnarisés ce qui risquait d’être contre productif. Nous pensions (et pensons toujours) que de petits services privés d’intérêt public (!) seraient plus souples pour répondre aux besoins différents des citoyens suivant le lieu et l’environnement médical. Nous avons alors obtenu que la création de tels centres dépende d’une lacune de l’initiative privée (c’est-à-dire notre incapacité à créer des maisons médicales à travers toute la Wallonie). À ce jour, une seule maison médicale auprès d’un CPAS a vu le jour à Frameries.
Les affres d’une inspection bureaucratique [1]
Il ne peut y avoir de subvention sans inspection. L’État doit savoir où va son argent, quoi de plus naturel : qui paye, contrôle ! Malheureusement, l’inspection peut ne pas être au fait de ce que sont les maisons médicales. Pis encore les opinions du fonctionnaire peuvent influencer sa méthode d’investigation. Les inspecteurs de la région ne disposaient pas d’une grille d’analyse spécifique pour les maisons médicales, il en a résulté que des critères de structure (qualité des bâtiments, stérilisation, gestion des déchets, etc.) ont pris le pas sur l’utilité sociale évidente de notre action. Certaines maisons médicales s’en souviennent encore et ont développé une certaine réticence au contrôle. Cela aussi fait partie de la négociation dès que l’on est reconnu et soutenu, on est regardé, pesé, inspecté… Heureusement l’inspection, maintenant, s’oriente vers un plan d’action à visée sanitaire et sociale, c’est-à-dire notre objet social. Ce n’est peut être pas plus facile (quelques maladresses récentes l’ont montré), mais c’est plus malin : réfléchir à ce qu’on va faire, pourquoi on le fait, comment on le fait, c’est une bonne façon de ne pas mourir idiot. En Wallonie, c’est sous forme d’un plan d’action. À Bruxelles, cette réflexion s’incarne dans une démarche d’(auto-)évaluation qualitative. Plusieurs maisons médicales bruxelloises ont choisi de se pencher sur la question de l’accessibilité. Dans une situation de pénurie relative de l’offre, comment optimaliser la prise en charge dans l’intérêt de tous ?
Conclure ? C’est difficile, comme le dit Jean-François Kahn, quand on veut regarder une flèche en vol, elle est déjà ailleurs. Les maisons médicales ont régulièrement modifié leur parcours comme une rivière qui négocie les accidents du relief. On ne peut leur donner tort tant qu’elles savent où elles vont. Et ça c’est une autre histoire.
Références
1. Ladavid C., « Pour un réformisme révolutionnaire », Santé conjuguée 2011, 54.
2. Marx K., Engels F., L’idéologie allemande, Québec : Tremblay ; 1952.
3. Tarizzo D., L’anarchie. Paris, Seghers ; 1978.
4. Arvon H., L’anarchisme, 7e edn. Paris : P.U.F. ; 1977.
5. Guérin D., L’anarchisme, 3 edn. Paris : Gallimard ; 1981.
6. Préposiet J., Histoire de l’anarchisme. Paris : Tallandier ; 1930.
7. Sauvageot J., Geismar A., Cohn-Bendit D., Duteuil J-P : La révolte étudiante, les animateurs parlent. Paris : Seuil ; 1968.
8. Conseil national de l’Ordre, "Grève" des médecins, Bulletin du conseil national de l’ordre 1979, 28 : 49.
9. Robert Ph., « un demi-siècle de corporatisme médical », Le Généraliste, 2005.
10. Drielsma P., « linéaments subjectifs pour une histoire du forfait », Courrier de la Fédération des maisons médicales, 1990.
11. Walder F., Saint-Germain ou la négociation. Paris : Gallimard ; 1958.
[1] 1. J’attribue deux sens à ce terme, d’abord le terme polémique (c’est le sens ici), de bureaucrate : fonctionnaire… abusant de son pouvoir sur le public (Le Robert). Mais aussi un sens neutre : pouvoir politique des bureaux (Le Robert). Ce terme n’est pas polémique il vise juste à différencier plusieurs modes de gouvernance.
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