L’état de santé de l’adulte est influencé par les comportements acquis et les habitudes de vie prises dans l’enfance et l’adolescence ; d’où l’intérêt d’observer la santé des jeunes, pour donner des pistes aux intervenants de terrain. Deux dispositifs sont évoqués dans cet article : collecte de données en routine à partir de centres de santé, enquête par questionnaire en milieu scolaire. Dans les deux cas, l’appropriation des données par les acteurs de terrain est un objectif central pour les chercheurs.
Un dispositif intégré
La province de Hainaut connaît une situation sanitaire défavorable en lien avec sa situation socio-économique peu enviable. Ceci se traduit par un niveau de mortalité élevé ainsi que par l’adoption de comportements peu favorables à la santé.
L’Observatoire de la santé du Hainaut (OSH) collabore depuis l997 avec les services de promotion de la santé à l’école et les centres psycho-médico-sociaux pour réaliser des enquêtes sur la santé des jeunes, à l’occasion de leur passage à la visite médicale scolaire. Actuellement, 25 implantations de services de promotion de la santé à l’école et les centres psycho-médico-sociaux participent au réseau appelé centres de santé scolaire Vigies. Ces centres collaborent également avec l’Observatoire de la santé du Hainaut pour la mise en place d’actions ou de programmes de promotion de la santé.
La majorité des enquêtes sont organisées sur deux années scolaires. Lors de la visite médicale scolaire dans les centres de santé scolaire (services de promotion de la santé à l’école et les centres psycho-médico-sociaux), une biométrie (poids, taille, tour de taille, pression artérielle) est relevée de manière standardisée et les élèves remplissent un auto-questionnaire. Ce dernier comporte une partie thématique qui change lors de chaque enquête, ainsi qu’une série d’indicateurs de base qui sont suivis d’année en année. Trois échantillons représentatifs sont constitués, comportant 400 élèves de 6e primaire, 2e et 4e secondaire, fréquentant l’enseignement en Hainaut.
Des observations contrastées
Le suivi de divers indicateurs montre des résultats contrastés, allant d’une dégradation évidente à une amélioration plus ou moins marquée.
Ainsi, les mesures biométriques qui constituent un des atouts de ces enquêtes montre que la prévalence de l’obésité a doublé en 15 ans : 5% en 1997, 10% en 2012. La surcharge pondérale reste, elle, relativement stable : elle oscille entre 16 et 20% selon les années. Au total, comme le montre le graphique ci-dessous, 29% des jeunes hainuyers ont un poids excessif en 2012.
Mais il y a aussi de bonnes nouvelles : ainsi, la prévalence du tabagisme a diminué, passant de 29% en 1997 à 24% en 2012 chez les jeunes de 15 à 17 ans. Au niveau alimentaire, la consommation de frites ou de croquettes diminue aussi : 14% des jeunes en consommaient quotidiennement en 2004, ils ne sont plus que 8% en 2012, tandis que la proportion de ceux qui en consomment maximum une fois par semaine passe de 43% à 62%. Par contre, la prise d’un petit déjeuner les jours d’école a malheureusement diminué, passant de 77% en 1997 à 70% 2012. Les sauteurs-de-petit-déjeuners sont plus nombreux chez les filles (65%) que chez les garçons (75%), et augmentent lors du passage de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire. D’autres comportements alimentaires présentent une relative stabilité : à titre d’exemple, moins de 25% des jeunes hainuyers consomment un fruit et un légume chaque jour et environ 40% ne consomment quotidiennement ni fruits ni légumes.
Si la pratique de l’activité physique reste plus fréquente chez les garçons que chez les filles, cette différence tend à diminuer légèrement : la sédentarité (pratique d’une activité sportive moins d’une fois par semaine en dehors de l’école) reste stable chez les garçons (environ 20%) tandis que chez les filles, elle passe de 35% en 2004 à 31% en 2012.
Comprendre pour agir
Cette série d’enquêtes permet aux intervenants de suivre l’évolution de l’état de santé et des comportements de santé des jeunes de 10 à 17 ans. Les résultats permettent d’interpeller les décideurs, de mobiliser les intervenants et d’orienter les actions de promotion de la santé. Récemment, dans le cadre du projet transfrontalier Interreg IV – Générations en santé, ces enquêtes ont été complétées par des études qualitatives portant sur l’activité physique, la consommation d’alcool et l’alimentation sur le temps de midi. Les éléments recueillis à cette occasion ont permis de préciser les comportements décrits dans les enquêtes quantitatives et de mieux comprendre leurs motivations.
L’étude HBSC (Health Behaviour in School-aged Children) : une perspective internationale
D’après La santé des élèves de 5ème et 6ème primaires - résultats de l’enquête HBSC 2010 en FWB, Decant P., De Smet P., Favresse D., Godin I., http://sipes.ulb-ac.be.
Une observation à l’échelle européenne
Depuis l986, la Belgique participe à cette étude menée avec une quarantaine d’autres pays et régions sous le patronage du Bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé. Les opérateurs belges sont l’école de santé publique de l’université libre de Bruxelles pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’université de Gand pour la Flandre.
L’enquête est menée tous les quatre ans, ce qui permet de suivre les évolutions dans le temps. Elle se fait auprès des élèves d’un échantillon représentatif d’écoles, de la 5ème primaire à la 6ème secondaire, à l’aide d’un questionnaire auto-administré selon une procédure qui garantit la confidentialité. Les résultats sont analysés au niveau international, ce qui ouvre à des réflexions utiles à partir des convergences et différences observées entre pays. Son approche est très globale, les jeunes étant interrogés sur de nombreux thèmes.
Composition du ménage et perceptions des circonstances socioéconomiques, relations avec les camarades et les parents, image de soi et milieu scolaire ; activité physique, hygiène dentaire, habitudes alimentaires, usage du tabac, de l’alcool ou du cannabis, comportement sexuel, adaptation psychosociale, état général de santé, santé mentale, malaises physiques, expériences de violence et intimidation, blessures, satisfaction de vivre, usage de médicaments.
Cette étude est devenue une référence pour de nombreux intervenants – qui peuvent demander des analyses spécifiques. Du côté francophone, les résultats sont présentés sous forme de cahiers thématiques [1] s’adressant aux intervenants qui travaillent avec les adolescents (enseignants, professionnels de santé, notamment dans les services de promotions de la santé à l’école et les centres psycho-médico-sociaux, éducateurs…).
Des constats interpellants
Parmi les constats récurrents, pointons la différence observée à tous les niveaux en fonction du gradient social – ce qui n’étonnera pas grand-monde… En 2010, l’équipe du Service communautaire de promotion de la sante - SIPES observe par ailleurs une grande disparité entre garçons et filles (au détriment de celles-ci) quant au bien-être et à la santé perçue.
La perception de l’école est clairement associée à la santé : « les jeunes qui perçoivent leur école comme un environnement protecteur sont plus susceptibles d’adopter des comportements favorisant une bonne santé et présentent de meilleures caractéristiques sanitaires ; notamment un bon état de santé auto-évalué, de forts indices de satisfaction de vie, des plaintes liées à la santé moins nombreuses et une faible prévalence de consommation de tabac » [2] ; « le stress lié au travail scolaire, l’autoévaluation des performances scolaires, l’intégration dans la classe et les provocations sont évidemment étroitement associés à l’appréciation que les jeunes ont de l’école3 ».
Ces constats soutiennent la nécessité de travailler avec les écoles sur la qualité de vie, puisqu’elles sont un milieu de vie central pour les adolescents.
Un plaidoyer
Les auteurs plaident pour la mise en place, au niveau national et international, de politiques et d’actions s’attaquant aux déterminants des inégalités observées en matière de santé dès l’enfance et l’adolescence, « pour que tous les enfants aient l’opportunité d’optimiser leur capital santé et leur bien-être présents et à venir et afin que les inégalités identifiées ne persistent pas à l’âge adulte, avec toutes les conséquences négatives potentielles pour le développement de la vie humaine et de la société » ; ils insistent aussi sur le fait que ces politiques doivent s’attaquer « non seulement aux résultats sanitaires et aux caractéristiques des comportements en matière de santé, mais aussi au contexte social dans lequel les jeunes vivent… Les professionnels œuvrant en faveur de la santé des jeunes ne doivent pas seulement s’attaquer frontalement aux problèmes de santé, mais doivent aussi étudier comment les environnements sociaux contribuent au développement des comportements favorisant une bonne santé » [3].
[1] Disponibles sur le site http://ulb.ac.be
[2] Déterminants sociaux de la santé et du bien-être chez les jeunes - Principaux résultats de l’enquête sur les comportements liés à la santé des enfants en âge scolaire (HBSC) : rapport international de l’enquête réalisée en 2009/2010 - Vivian Barnekow, Candace Currie, Dorothy Currie, Margaretha de Looze, Antony Morgan, Chris Roberts, Oddrun Samdal, Otto R.F. Smith et Cara Zanotti.
[3] Moreau N., De Smet P., Godin I., La santé des élèves de l’enseignement secondaire : résultats de l’enquête HBSC 2010 en Fédération Wallonie Bruxelles, SIPES.
n° 65 - septembre 2013
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...