Les groupes d’achat solidaires de l’agriculture paysanne existent depuis maintenant cinq ans à Bruxelles. Le Réseau bruxellois des GASAP rassemble maintenant plus de 40 groupes. Une nouvelle forme de « panier bio » ? Pas vraiment, même si le principe « je-reçois-chaque-quinzejours- un-panier-de-légume-dont-j’- ignore-le-contenu » reste d’application. La différence ? C’est d’abord le soutien au développement à une agriculture locale à taille humaine qui motive les membres des GASAP. L’objectif est aussi s’éveiller aux problèmes que pose l’agriculture extensive et la récupération du bio par la grande distribution.
Les problèmes que pose le modèle agricole productiviste, en plein essor depuis une quarantaine d’années sont légions. Surproductions, crises sanitaires, appauvrissement des sols, utilisation d’intrants chimiques... C’est le modèle entier qui est à remettre en cause.
Face à cela, une alternative se dessine, l’agriculture paysanne. Il s’agit d’un modèle d’agriculture qui répond à des critères à la fois de durabilité, de respect de l’environnement et du tissu social. C’est une vision qui affirme que l’agriculture n’a pas qu’un rôle de production de denrées alimentaires. Elle doit faire face à des besoins beaucoup plus vastes : animation culturelle et sociale du milieu rural, services concernant le cadre de vie, le paysage, la gestion du territoire, la qualité et la diversité du milieu naturel... L’agriculture a une fonction écologique au sein premier du terme.
Que la grande distribution soit devenue un des problèmes majeurs de nos sociétés, ce n’est pas une surprise. L’hégémonie de la grande distribution induit une grosse pression économique sur les exploitations agricoles en rognant sur leur marge et sur la qualité des produits. Et le bio n’échappe pas à cette logique. 60 % des ventes en bio en Belgique se font via les grandes surfaces. Cela suppose un recours massif aux importations et fait craindre aux producteurs de se voir imposer des tarifs ne leur permettant pas de vivre.
Face à cela, le circuit court (ou filière courte) s’impose comme un nouveau mode de commercialisation directe, basé sur l’économie locale, qui permet de s’extraire de l’hégémonie des intermédiaires. L’objectif est que le producteur soit le principal bénéficiaire de la vente de ses produits et non plus les intermédiaires. Pour cela, le producteur assume lui-même la commercialisation ou, comme dans le cas qui nous occupe, en partenariat avec les consommateurs
Ce sont ces deux défis – agriculture paysanne et circuit court – qui vont justifier la mise en place des GASAP à Bruxelles. Quels outils vont-ils pouvoir mobiliser face à l’industrie agroalimentaire et aux grandes surfaces ? Ce sont avant tout les liens sociaux, les rapports humains qui se tissent entre producteurs et consommateurs qui sont l’instrument premier du mouvement des GASAP.
Pratiquement, les GASAP sont des groupes relativement restreints (une vingtaine de ménages, en général) qui décident de s’approvisionner directement en produit de saison auprès d’un agriculteur paysan. La particularité de la relation qui se noue entre ces consommateurs et leur « maraicher de famille » ou leur « fromager de famille » tient en un mot : solidarité. Plutôt que de commander un panier de quinze jours en quinze jours, chaque ménage s’engage directement visà- vis du producteur à lui acheter une partie de sa production, sur un an. Une telle démarche apporte une sécurité financière indéniable au producteur. Mais bien plus que cette solidarité matérielle, c’est l’inter-connaissance, la curiosité réciproque qui est au coeur de la démarche GASAP. Il s’agit d’appréhender petit à petit le travail d’un agriculteur paysan, de comprendre ce qui nous lie à lui et tirer le meilleur parti de cette relation d’interdépendance.
Les relations entre membres d’un GASAP sont également un point important, peut-être même la clef de voute de l’ensemble. Suffisamment important, en tout cas pour constituer un des quatre points de la charte du Réseau bruxellois des GASAP sous le titre « convivialité et autogestion » [1]. Même si chaque membre a un engagement personnel vis-à-vis d’un ou plusieurs producteurs, le groupe a un rôle décisif d’émulation. L’envie de comprendre la réalité paysanne, ça se partage. Adapter ses habitudes alimentaires aux saisons, ça se discute. Et les producteurs ne s’y trompent pas : un groupe qui leur assure un véritable soutien est un groupe où la solidarité se développe aussi en son sein...
Info et contact
Réseau bruxellois des GASAP coordinateur@gasap.be www.gasap.be
[1] Les trois autres points sont, vous l’aurez compris : agriculture paysanne, circuit court et solidarité avec le producteur.
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...