Une autre manière d’envisager la prison existe déjà dans douze des quatre-vingts prisons espagnoles. Officiellement reconnue et encouragée par les autorités supérieures, elle se développe rapidement. Elle vise à offrir à tout prisonnier, lors de son admission ou ultérieurement, l’alternative d’une Unidad Terapéutica y Educativa, une unité thérapeutique et éducative à l’intérieur même de la prison. Elle ne demande ni dépenses ni personnel supplémentaire, mais seulement une autre manière de voir les choses. Le personnel est volontaire pour travailler là, tout comme le sont les détenus qui souhaitent y entrer. Tout le travail est orienté vers une prise de conscience de leur situation et de la nécessité d’un travail sur euxmêmes. À l’accomplissement de leur peine, en sortent des hommes et des femmes, prêts à affronter leur réinsertion dans la société et à y tenir leur place. Les récidives sont beaucoup plus rares ; la société, à son tour, ne peut qu’y gagner.
Le dossier « Justice restauratrice, justice d’avenir ? » de La Revue nouvelle de mars 2011 s’interrogeait sur les recherches d’améliorations de la prison, aux niveaux humain et institutionnel. Mais la dernière révolte à la prison d’Andenne [1] n’exprime que trop bien un mal-être dans nos prisons belges qui ressemblent souvent davantage à des pourrissoirs qu’à des lieux de réhabilitation, de guérison et de réinsertion.
C’est ce qui m’a amené [2] à prendre conscience que j’étais témoin, dans l’unité thérapeutique et éducative (UTE) de l’institution pénitentiaire de Villabona en Asturies où je suis volontaire, d’un changement radical dans le fonctionnement de la prison. C’est dans cette même prison que cette expérience d’unités thérapeutiques et éducatives a débuté. En 1998, elle était déjà stabilisée. Elle intègre actuellement près de la moitié des détenus de la prison. Ce type d’unités est en voie de développement dans plus d’une prison sur huit (douze sur quatre-vingts) en Espagne. La prison alternative qui se développe ici n’en est donc plus du tout à un stade d’expérimentation plus ou moins utopiste et volontariste, soixantehuitarde diraient certains. Aussi est-il important de faire connaître cette voie possible d’avenir qui donne ses fruits : une réhabilitation réelle de celui qui a été condamné pour ses actes.
À Villabona, la création de la première unité thérapeutique et éducative remonte à 1992. Cette prison comporte dix modules autonomes destinés au séjour des prisonniers - dont un réservé Extraits de l’article aux femmes - pour un maximum de mille-deux-cents prisonniers. Cinq d’entre eux fonctionnent actuellement selon le modèle UTE.
C’est à l’admission qu’il est proposé à tout détenu d’entrer dans une UTE au lieu de la prison ordinaire ; qu’il soit jeune ou vieux, récidiviste ou non, en prévention ou purgeant sa peine, homme ou femme [3]. Quiconque a choisi la prison ordinaire peut, à tout moment, poser sa candidature pour entrer dans une UTE. Il est de même possible de quitter l’UTE pour retourner de l’autre côté.
S’il est intéressé, le détenu entrant r e n c o n t r e r a e n s u i t e l ’ u n d e s prisonniers d’une unité reconnu comme apoyo ou « appui » qui lui en expliquera les objectifs, mais aussi les conditions. Les normes de la législation pénitentiaire sont évidemment les mêmes qu’en prison ordinaire ; il ne s’agit nullement d’une prison édulcorée, « au rabais ». Les motivations profondes du prisonnier que cette alternative attire peuvent être très différentes : d’une réelle volonté de changement au secret espoir d’une vie de prisonnier plus facile. Ce premier contact avec un prisonnier qui a intégré une UTE, aidera chacun à se faire une idée moins inexacte.
Les exigences de départ sont précises et strictes : l’entrant s’engage à renoncer à toute consommation de drogue, à toute forme de violence physique… Il accepte surtout d’être intégré dans un groupe thérapeutique d’une bonne quinzaine d’ « internes ». Au début, ce seront les seules personnes avec qui il aura contact, en tout cas durant le premier mois. De son côté, l’équipe multidisciplinaire en charge des UTE s’engage à lui donner l’appui et tous ses moyens disponibles pour entrer dans ce processus. Chacun sera suivi et soutenu personnellement dans sa démarche. Il sera invité à se former, à étudier, à préparer concrètement sa sortie. Il pourra, au besoin, avoir accès à divers recours extérieurs qui l’aideront à poursuivre sa formation et sa pleine réinsertion. Tout cela se retrouve dans un contrat thérapeutique cosigné par le prisonnier et un membre de l’équipe multidisciplinaire.
Durant les années quatre-vingt, la drogue se répandit parmi la jeunesse espagnole. L’héroïne, qui pousse plus qu’une autre drogue à la désinsertion sociale et à la délinquance, allait remplir progressivement les prisons d’un autre type de population. La drogue allait se faire omniprésente à l’intérieur même des prisons, avec ses circuits et ses mafias. La prison, héritée de la dictature, commençait à peine sa transformation [4]. Il fallait cependant plus qu’une loi pour changer les routines d’un milieu carcéral particulièrement dur. À la vieille prison d’Oviedo (capitale des Asturies), du fait de la présence d’un nombre important de jeunes toxicomanes, la situation était devenue explosive.
En 1989, deux professionnels, originaires de la région, un educador [5] et une assistante sociale, qui avaient déjà chacun une solide expérience furent transférés à cette prison. Ils se sentirent concernés par cette situation et cherchèrent comment aborder cette question. Pour cela, il fallait avant tout mériter la confiance de ces jeunes avant de songer à un quelconque travail avec eux. Les traiter avec respect était la toute première condition et ce n’était guère l’habitude encore à cette époque. Ils y parvinrent progressivement et le climat global commença à changer.
Un projet fut alors mis sur pied qui débuta en 1992. Il concernait vingt-cinq prisonniers, tous toxicomanes, et ayant entre seize ans — l’âge de la majorité pénale à ce moment — et vingt-et-un ans. Chacun était volontaire et faisait confiance aux deux professionnels. Ils s’engageaient ensemble à trouver le chemin pour que ces jeunes arrivent à se libérer de la drogue et puissent se préparer à un autre avenir que la délinquance, voire la mort prématurée dans la violence ou par le SIDA, encore sans traitement à ce moment.
Deux ans plus tard, en 1994, alors que l’on quittait la vieille prison d’Oviedo pour la nouvelle à Villabona, les autorités rendirent possible la création d’un « espace libre de drogue » : il était donc possible que des toxicomanes se libèrent de la drogue dans le milieu carcéral et trouvent ensuite une place dans la société. Cet espace fut installé dans un des dix modules [6] de la nouvelle prison et destiné à un groupe de soixante internes tous volontaires.
L e m o u v e m e n t p r e n a i t p l u s d’importance. Il ne se limitait plus aux seuls toxicomanes. En 1998, il concernait plus de deux-cents internes. Une autre prison s’était constituée. Le nom d’« unité thérapeutique et éducative » s’imposa. À Villabona, les UTE concernent actuellement un peu plus de cinq-cents internes sur un maximum de mille-deuxcents. Les principes de base qui fondent l’UTE ont été mis en place progressivement. Ils ont abouti à une structure radicalement nouvelle.
Dès 1992, il était clair que l’équipe qui commençait ce travail ne pouvait se limiter à deux personnes. C’est toute une équipe de professionnels qui allait devoir être constituée. Ce fut un des premiers défis à relever pour rendre possible l’UTE.
L’équipe devait d’emblée intégrer des gardiens, qui constituent 80% du personnel d’une prison et la première ligne d’intervention en cas de problème. Cependant, comment passer d’une attitude défensive et d’hostilité toujours latente entre le corps des gardiens et les prisonniers à une relation de confiance ? Les gardiens ne pouvaient qu’y perdre un certain sentiment de pouvoir ou de sécurité à l’abri de leur bureau. Mais cela leur permettait aussi de sortir de la frustration liée à une activité routinière, répressive et bien peu personnalisante. Ils pourraient désormais donner un sens positif et humain à leur activité professionnelle en s’y engageant davantage et en entrant dans un travail relationnel, éducatif et thérapeutique.
M a l g r é l e s r é t i c e n c e s , d o n t les oppositions syndicales, il ne manqua pas de gardiens prêts à cette conversion. Certains formés, entre autres, en criminologie, y étaient déjà préparés. Des possibilités de formation ont aussi été mises sur pied.
Mais encore fallait-il que ce nouveau rôle qu’on attendait d’eux soit pleinement reconnu à l’intérieur même de la prison. L’équipe en place décida que chacun de ses membres, qu’il soit gardien, éducateur, psychologue, assistant social, enseignant… serait mis sur pied d’égalité avec les autres : tous participant à cette même activité thérapeutique. L’équipe multidisciplinaire était née. Elle fonctionnerait selon une structure horizontale : chacun ayant une voix identique, tant dans l’apport et le partage de l’information que la prise de décision. Les UTE font partie intégrante d’un établissement pénitentiaire ayant ses autorités, ses services généraux et son organisation. Une équipe de coordination fut donc créée. Ses membres sont désignés par la direction de la prison parmi les membres de l’équipe multidisciplinaire.
L’équipe comporte actuellement à Villabona pas moins de cinquanteneuf gardiens, sept educadores, trois psychologues, quatre travailleurs sociaux, une personne chargée de coordonner les activités de l’ensemble. Elle intègre aussi trois instituteurs qui dépendent directement du ministère de l’Éducation. Cela constituait un ensemble de septante-sept personnes pour cinq-cent-cinq internes fin juin 2011.
A l’origine, le but poursuivi était que chaque interne, une fois entré librement dans l’UTE, y soit aidé à entreprendre un travail sur soi qui lui permettra d’entrer dans un processus de changement. Il pourra ainsi abandonner ses conduites délinquantes, découvrir d’autres valeurs, apprendre à avoir des relations positives - y compris avec ses proches et son milieu d’origine -, adopter un style de vie plus sain, croître personnellement grâce au contrôle sur soi, l’estime de soi, la sincérité et la responsabilité. Le prisonnier est donc pleinement reconnu comme sujet actif dans son propre processus de changement personnel.
Le nouvel arrivant est donc directement rattaché à un groupe thérapeutique d’une quinzaine de membres. Durant les premières semaines, ceux-ci seront d’ailleurs les seuls avec qui il pourra avoir des relations à l’intérieur de l’UTE.
Le groupe se réunit au moins une matinée par semaine, et autant de fois qu’il est utile. Il est animé par un des tuteurs du groupe. Deux tuteurs, qui ne sont autres que des gardiens sont en effet attribués à chaque groupe et en assument la responsabilité. Chaque membre du groupe est suivi personnellement par l’un d’eux qui connaît ses difficultés, ses aspirations, ses problèmes ; il règle avec lui les questions pratiques, le soutient, l’encourage. Il lui revient, en particulier, de proposer tout changement utile pour l’interne : permissions, éventuelles sorties à but thérapeutique, changements de groupe, progressions ou révisions de son statut, tant comme prisonnier que comme membre de l’UTE. Le statut de tout prisonnier évolue, en effet, au cours du temps en fonction de son comportement. Il pourra, par exemple, être reconnus comme « représentant » des internes, puis comme « appui », et ainsi assumer certaines responsabilités au sein de l’UTE.
Mais venons-en à ce qui peut se passer au sein du groupe thérapeutique, et dont un moment fort sera la réunion hebdomadaire. Un texte publié en 2005 par la Direction générale des institutions pénitentiaires sur les UTE l’explicite : « Les fonctions du groupe thérapeutique sont les suivantes : servir de lieu de communication où l’interne va donner à voir toutes ses carences et déficits en socialisation, par le moyen de la révision, de la réflexion et de la confrontation avec le reste des membres du groupe ; servir de lieu d’analyse des évènements que vit l’interne au jour le jour depuis son entrée dans cette unité ; motiver en lui la sincérité et l’honnêteté ; créer le climat nécessaire indispensable pour que l’interne se sente accueilli, écouté et aimé. ».
Pour assumer ce travail, les « aînés »,
c’est-à-dire les « représentants » et
les « appuis » ont leur importance :
ils ont, en effet, connu les sentiments
mélangés du nouvel arrivant. Ils ont
vécu, non sans efforts, ni moments
de découragement - voire d’échecs
tout ce processus de changement
que celui qui entre dans le groupe est
invité à parcourir. Ils en connaissent
les pièges, les risques, les exigences.
Ils n’ignorent aucune des tentations,
des échappatoires que l’on peut
s’inventer en chemin… Bref, ils ont
une expérience exceptionnelle pour,
au sein du groupe, comprendre ce
qui se dit, ce qui peut s’y cacher…
et qui reste à dire.
La présence du tuteur est évidemment irremplaçable en tant que garant de ce qui se passe. Mais c’est une grande surprise que de constater que le groupe se révèle parfaitement capable d’assurer son propre fonctionnement. On pouvait craindre le pire vu l’absence d’un professionnel spécialiste en dynamique de groupe. On constate que le savoir et l’expérience des tuteurs et des « aînés » en assure la bonne évolution. Ici on se reconnaît tout simplement comme groupe d’entraide.
En quoi la vie dans l’UTE aide-t-elle l’interne à préparer sa réinsertion ? Une priorité est donnée à la formation. S’il ne possède pas le niveau primaire, il est adressé aux trois enseignants. Chaque interne sera aidé dans tout projet d’étude de plus haut niveau grâce à l’appui de visiteurs de prison et d’un réseau d’enseignement à distance. Un apprentissage professionnel est aussi offert sur place : le bois, le fer. En fin de peine, une formation à l’extérieur ou un stage en entreprise est aussi possible. Outre la formation directe, les ateliers occupationnels de tous genres sont multipliés : autour du cuivre, de la poterie, du bois, de la couture (y compris pour les hommes…).
L’atelier santé est primordial. Tous les nouveaux venus y passent un bon moment. Il est essentiel qu’ils apprennent à se connaître et s’assumer aussi dans leur propre corps ; qu’ils prennent conscience de séquelles éventuelles de leur passé aventureux. D’aucuns ont à accepter — enfin — qu’ils sont porteurs du virus de l’hépatite C ou du VIH (cause du SIDA) et qu’ils doivent prendre en main leur propre traitement. Dans l’UTE, c’est l’équipe santé, et non l’infirmerie, qui assure directement la distribution des médicaments ; elle encourage par là leur acceptation et leur prise régulière. Elle organise d’ailleurs un « atelier émotionnel » où celles et ceux qui sont atteints de ces pathologies particulières peuvent exprimer et partager leur vécu intérieur… D’un autre côté, la même équipe vient d’instaurer une pratique sportive adaptée aux possibilités de chacun.
Dans une UTE, bien des activités sont organisées : rencontre entre prisonniers et classes du secondaire, visites d’étudiants assistants sociaux, en droit…, visite festive de la prison avec deux de ses proches, ateliers de musique, de théâtre, de danse… On ne peut expliciter ici les nombreuses autres innovations apportées en UTE à la vie du prisonnier ordinaire. L’essentiel n’est pas là. Il ne suffit pas que l’ensemble des activités qui se déploient au sein de l’UTE fonctionne correctement, elles doivent encore aider chaque interne à progresser dans son propre processus de changement. Dans cette perspective, le fait d’être ou non présent à l’activité prévue, tout ce qui peut se vivre dans un atelier, les détails de la vie partagée au quotidien, l’attitude au réfectoire, le comportement aux moments libres, le souci de la propreté… prennent une toute autre importance.
Le groupe thérapeutique est destiné à « servir de lieu d’analyse des évènements que vit l’interne au jour le jour… ». Tout ce qui peut se passer d’anormal, du plus important aux petits détails, lui est donc référé si c’est utile. On s’y demandera si tel comportement précis est en harmonie avec le projet d’ensemble ou s’il s’inspire d’erreurs ancrées dans le passé. Dans ce cas, que faire pour changer [7] ? Et l’on y retrouve « la confrontation avec le reste des membres du groupe ».
Toute personne qui vit ou travaille en UTE est personnellement concernée par le désir de changement que chaque interne porte en lui. C’est le projet collectif porté par tous, par chaque membre de l’équipe multidisciplinaire, par chaque interne. Ne peut-on reconnaître ce travail comme un authentique travail de cogestion ?
Comment se pratique le retour à la vie normale ? L’interne ne se retrouve pas dehors du jour au lendemain. Au début des UTE, on veillait à ce qu’un interne en fin de peine, ayant été toxicomane, puisse la terminer directement dans une association se consacrant à la réhabilitation de ces derniers, comme l’association Proyecto Hombre (Projet Homme). Le règlement pénitentiaire le permet sans difficultés. Quand la drogue la plus utilisée était l’héroïne, un séjour en internat d’environ deux ans était indispensable. Le taux de réussite à deux ans, pour celles et ceux qui avaient suivi la totalité du séjour, était alors de l’ordre de 80%. A partir du moment où les UTE s’élargirent à tous types de délinquants, on chercha à développer un réseau associatif prêt à prendre en charge d’anciens détenus.
On pose souvent des questions sur le nombre de récidives. Est-il réellement inférieur pour les prisonniers qui sortent des unités thérapeutiques et éducatives ? Au niveau européen, on considère que le nombre de ceux qui rechutent et se retrouvent en prison serait de l’ordre de 65%. En Espagne, il se situe entre 55 et 60%. Mais pour ce qui est des toxicomanes, il atteindrait les alentours de 75%. Une étude sur les récidives après un séjour en UTE, faite par l’Institut de psychologie de l’université d’Oviedo a abouti à une rechute dans la drogue de 26%. Ce qui ne signifie pas automatiquement un retour à la délinquance… et donc à la prison. Cette importante diminution de la récidive dans la délinquance est évidemment tout bénéfice pour la sécurité de la société.
L’institution pénitentiaire soutient et encourage le développement des UTE à l’intérieur des prisons. Elle en a pleinement reconnu le mode de fonctionnement et l’a officialisé. La Dirección General de Instituciones Penitenciarias dépendant du ministère de l’Intérieur a publié une plaquette de trente-cinq pages qui décrit l’UTE comme « un modèle d’intervention pénitentiaire ». Villabona est le centre de stage officiel pour les futurs fonctionnaires pénitentiaires. Ce stage inclut obligatoirement un séjour de deux semaines en UTE.
C’est aussi l’occasion de rappeler que le règlement pénitentiaire est intégralement appliqué à l’intérieur des UTE. Il est important également de savoir que les UTE n’ont accès à aucun subside extraordinaire et qu’elles n’entraînent aucune dépense supplémentaire pour l’État. L’importante diminution de la récidive que celle-ci rend possible lui permet, au contraire, une réelle économie.
Pour nous Belges, confrontés depuis trop longtemps aux problèmes que soulèvent les prisons, ce système peut paraître idyllique, mais parfaitement impraticable. Il est vrai qu’on ne saurait rêver d’une « autre prison » qui serait une simple transposition du système des UTE, d’un « copiercoller », décidé d’en haut. C’est à partir des acteurs directs de la prison que le changement doit s’opérer. Encore faut-il que les autorités ne bloquent pas toute tentative d’évolution par un immobilisme bureaucratique ou le faux prétexte d’un coût supplémentaire. Puisse cette présentation encourager, voire donner quelque idée, à celles et ceux qui travaillent sur le terrain, en y consacrant souvent le meilleur d’eux-mêmes.
Extraits de l’article paru dans la Revue nouvelle d’avril 2012.
[1] Ainsi le livre de Philippe Landenne, Peines de prison. L’addition cachée, éd. Larcier 2008 ou celui de Gérard De Coninck et Guy Lemire, Être directeur de prison. Regards croisés entre le Belgique et le Canada, L’Harmattan 2011.
[2] L’auteur, médecin généraliste belge retraité dans sa famille en Espagne n’est pas un expert des prisons. Cependant, dans son travail en milieu populaire et pauvre de Bruxelles, il a connu bien des misères ; entre autres, les problèmes liés à la drogue. Il a aussi rencontré des hommes sortis de prison, qui étaient accueillis en maisons d’accueil spécialisées où il était fréquemment appelé comme médecin, mais aussi d’autres se débrouillant comme ils pouvaient, voire devenus sans domicile fixe. Comme bénévole, il aide l’équipe responsable des activités de santé dans une UTE, en particulier dans les rencontres sur un thème de santé organisées chaque semaine et qui s’adressent aux nouveaux venus.
[3] Une UTE est mixte à Villabona depuis 1998. Celle-ci compte actuellement environ vingt-cinq femmes sur un ensemble de deuxcents internes. Il est prévu de ne pas y introduire de personnes ayant commis des délits de type sexuel. Toute relation affective ou physique est évidemment interdite.
[4] Le 26 septembre 1979, la jeune démocratie espagnole votait la loi organique sur les prisons toujours en vigueur. Il s’agissait d’en changer radicalement les objectifs ainsi que le mode de fonctionnement. La Constitution espagnole, approuvée par référendum dès le 6 décembre 1978, avait auparavant précisé que : « Les peines privatives de liberté et les mesures de sécurité sont orientées vers la rééducation et la réinsertion sociale et elles ne peuvent consister en travaux forcés » (art 25, 2).
[5] Un gardien devient educador en réussissant un concours. Une formation universitaire est exigée. Son rôle est précisément de veiller à l’éducation des prisonniers dont il a la charge.
[6] Un module est un ensemble de locaux où résident une bonne centaine de prisonniers. Isolé du reste à l’intérieur du bâtiment d’ensemble, chaque module y a son autonomie ainsi que son équipe de surveillance propre. La prison de Villabona en compte dix.
[7] Assez souvent, il pourra y avoir un regret à formuler ou un pardon à demander, voire à s’accorder mutuellement. Des sanctions de principe sont possibles. En cas de faits graves, l’affaire remonte à l’équipe multidisciplinaire. Elle peut entrainer une expulsion vers un module ordinaire de la prison. Le prisonnier peut cependant toujours demander d’être réintégré dans l’UTE. On sait bien, qu’après tout, une rechute n’a rien d’anormal au cours d’un processus de guérison d’une dépendance.
n° 63 - janvier 2013
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...