L’équipe de l’Antenne Tournesol qui fonctionne au forfait et en autogestion se compose de deux kinésithérapeutes, deux accueillants, trois médecins et un assistant, une secrétaire, deux infirmières et une psychologue.
A la maison médicale, chacune des infirmières pratique des soins infirmiers au domicile des patients et en dispensaire et gère des projets collectifs (santé communautaire ou promotion de la santé).
Pour mieux illustrer la diversité des fonctions infirmières et des relations interdisciplinaires, elles nous invitent à les suivre à travers une journée « type ».
[Julie] 8h30. J’arrive à la maison médicale pour commencer les prises de sang au dispensaire. Pendant une heure, je pique sept patients et encode les soins. Grâce au Dossier de santé informatisé, je repère les patients qui doivent se faire vacciner contre la grippe. Je leur propose alors de venir aux séances de vaccination que la maison médicale organise.
A 9h30, je pars en visite chez M. X. Trois fois par semaine, nous allons chez ce monsieur âgé, souffrant d’une démence, pour lui donner une douche. Le reste de la semaine, il est pris en charge par la famille. Quand j’arrive chez lui, je vois tout de suite qu’il n’est pas en forme. Son épouse me signale des difficultés à la marche et il est très essoufflé. Vu ses antécédents pulmonaires, j’appelle la maison médicale pour demander la visite d’un médecin. Notre assistante vient tout de suite et diagnostique une pneumonie. Dans les prochains jours, je serai attentive aux signes d’aggravation et pourrai faire appel aux médecins si besoin. De leur côté, ceux-ci savent qu’ils peuvent se reposer sur les observations infirmières.
J’arrive chez Mme Y. à 10h pour sa prise de sang. Nous passons toutes les deux semaines chez elle pour contrôler son INR [1]. Si un passage supplémentaire s’avérait nécessaire, le médecin me le signalerait via notre messagerie interne.
[Julie] A 10h20, je me rends pour la première fois chez Mme Z. Cette dame a confié au kinésithérapeute qu’elle ne prenait plus de douche parce qu’elle ne savait plus entrer dans sa baignoire. Ce dernier lui a proposé que les infirmières passent une fois par semaine pour l’aider. Je prends d’abord le temps de discuter avec elle de ses habitudes et de l’aménagement de la salle de bain. Je lui propose de faire installer une main courante dans sa baignoire et d’acheter un tapis de bain. Si besoin, je pourrai aussi conseiller une planche. Mme Z. sera assez stressée lorsqu’elle entrera pour la première fois dans sa baignoire aménagée, mais elle en ressortira très contente de sa douche. Un jour de passage dans la semaine a été fixé avec elle.
[Aurore] 11h. J’arrive à la maison médicale. Ma journée commence par une visite chez une patiente qui souffre d’un cancer du sein et qui est actuellement en radiothérapie. Elle est immunodéprimée, la radiothérapie lui a brûlé la peau et elle présente une plaie ouverte sous l’aisselle. Le soin de plaie est réalisé tous les jours de la semaine. Une fois par semaine, elle consulte les infirmières en oncologie, spécialisées en soins de plaie. Afin d’assurer au mieux le traitement de cette plaie, nous avons un contact téléphonique hebdomadaire avec ces infirmières. Elles utilisent également le carnet de liaison de Mme A. pour nous signifier les changements de procédures. Pour notre part, nous y notons nos observations, l’évolution de la plaie au quotidien, nos remarques infirmières ; le médecin traitant y note aussi ses demandes et remarques médicales.
[Julie] A 11h15, retour à la maison médicale pour une petite réunion avec Jean, bénévole dans le réseau d’échange de savoirs. Le réseau, créé par la maison médicale, fonctionne aujourd’hui avec une équipe de bénévoles qui assurent différentes permanences. Aujourd’hui, nous préparons le souper de début d’année afin d’accueillir les nouveaux membres, relancer des activités et créer de nouveaux échanges.
[Aurore et Julie] A 11h45, nous nous retrouvons pour faire le point sur le secteur infirmier, la répartition des patients, les informations à se transmettre à leur propos. Nous faisons également le point sur les projets à venir. J’informe Aurore des activités du réseau d’échange de savoirs et elle me parle du projet tabac qui avance bien.
[Julie] 12h15. Rendez-vous cardio-vasculaire. Dans le cadre de notre projet cardiovasculaire, les infirmières ont des rendez-vous de 45 min pour aborder avec les patients des problèmes de poids, d’hypertension, de diabète... Avec Mme B., avec qui je travaille depuis plusieurs mois, je réalise aujourd’hui une carte des relations patient-milieu. Celle-ci, appelée aussi écocarte, analyse les liens de la famille ou de la personne avec les ressources externes. Cet outil donne un aperçu rapide des contacts et de l’intensité des contacts que les membres de la famille échangent avec leur environnement interne et externe. Grâce à celle-ci, nous mettons en évidence qu’elle mange plus de soupe depuis qu’elle a découvert le marché bio près de chez elle. Elle y a aussi créé des liens et retrouve le plaisir de cuisiner. Elle, qui vient dans une optique d’alimentation saine, est très contente d’avoir perdu un peu de poids. Je travaille avec elle sur sa motivation afin de conserver cet état d’esprit. Mme B. ayant souvent mal au dos, je l’aiguille aussi vers le projet « école du dos » qui démarre à la maison médicale la semaine suivante.
[Aurore] A la même heure, je travaille à la gestion quotidienne de la maison médicale ; nous disposons d’une voiture à l’usage des prestataires à domicile et je m’aperçois qu’il faut la passer à l’entretien. Je prends rendezvous chez le garagiste. Suite à une tentative de cambriolage quelques jours auparavant, nous avons fait installer une nouvelle serrure pour laquelle je dois me rendre chez le serrurier afin d’obtenir des doubles de clés.
En rentrant à la maison médicale, je consulte au dispensaire notre stock de matériel médical et le tableau d’affichage des demandes en matériel des autres prestataires. Je passe commande auprès des fournisseurs ad hoc de tests de grossesse, rouleaux de papier pour tables d’auscultation et vaccins tétanos qui viennent à manquer.
Il est 13h15 lorsque l’accueil m’appelle et me dit que Mme F. est au téléphone et souhaite me parler car elle ne va pas bien du tout. La veille, Mme F. est rentrée chez elle d’un voyage dans sa famille. Elle est sous administration de biens et me signale qu’elle n’a pas reçu d’argent de son administrateur, qu’elle n’a plus de médicaments chez elle, que sa carte médicale du CPAS n’est plus valable, qu’elle n’a rien à manger chez elle et que le gaz et l’électricité ont été coupés.
Je tente de la calmer et lui dis que je vais prendre contact avec le CPAS, son administrateur de biens et l’assistant social du centre d’entraide qui la suit, entre autres, pour un règlement collectif de dettes et la fourniture de colis alimentaires. Ces démarches sociales sont urgentes et je sens que je ne pourrai pas être à l’heure à notre réunion de 14h...
[Julie] 13h, l’heure du premier rendez-vous cardiovasculaire de M. D. : il vient pour un problème de poids et d’hypertension. Après un bilan physique (prise de tension, indice de masse corporelle, mesure du tour de taille et de hanche), nous commençons par une anamnèse alimentaire qui met en lumière de nombreux problèmes ou excès. Nous discutons pour savoir quels objectifs il désire se fixer et quels sont les changements qu’il imagine possibles. Nous abordons aussi les bénéfices d’une activité physique et je lui conseille le cours de gym organisé par les kinésithérapeutes.
A 13h55, je me rends à la réunion de la plateforme intersectorielle « Mieux-vivre ensemble » qui regroupe plusieurs associations jettoises. Je demande d’excuser Aurore qui nous rejoindra un peu plus tard.
[Aurore] A 14h15, j’ai eu les différents acteurs sociaux au téléphone concernant Mme F. J’ai éclairci l’affaire, obtenu des rendez-vous. Je la rappelle, lui explique tout, fait un petit rapport pour son médecin traitant qui ira en visite à domicile le lendemain. Après cela, je me rends à la réunion de la plateforme.
[Aurore et Julie] La réunion a pour but de préparer la prochaine édition de “Récipro’City”, après-midi festive centrée sur la valorisation de tous les échanges entre citoyens, en dehors de la sphère marchande. Associés aux objectifs de la plate-forme qui sont de récréer des réseaux de solidarité au sein de la population et de mélanger les générations et les cultures autour de projets communs, nous élaborons un programme très riche pour un public fort diversifié (un goûter du monde, une foire aux savoirs-faire, des animations pour les enfants, trois conférences, la projection d’une vidéo présentant l’édition précédente,...).
[Aurore] A 16h, quand se termine la journée de travail de Julie, j’entame une réunion avec un médecin généraliste de la maison médicale. Nous préparons un projet d’aide et d’information sur l’arrêt du tabac. Ce projet sera présenté sous forme de quatre ateliers axés sur des thèmes différents. Avant de déterminer le programme, nous avions réalisé une petite réunion avec les patients intéressés pour leur demander quelles étaient leurs attentes. La première séance du projet aura lieu la semaine prochaine et sera animée par un médecin généraliste de la maison médicale et moi-même. Aujourd’hui, nous nous rencontrons pour fixer la trame de cette séance. Nous y parlerons des bienfaits de l’arrêt tabagique, des aides extérieures à l’arrêt, des différentes étapes de l’arrêt... Le tout sur le mode de l’échange et de la discussion.
De 17h à 17h30, les patients peuvent venir me voir en dispensaire pour un vaccin, une prise de tension artérielle, un pansement, un débouchage d’oreille... Je vois en moyenne quatre patients sur une demi-heure. Après avoir vu les patients, j’encode les actes réalisés dans leur dossier et je remets de l’ordre dans le dispensaire.
A 18h, ma journée se termine.
Dans cet article, nous avons voulu témoigner de la transversalité de notre fonction infirmière. Tout d’abord, l’infirmière travaille en interdisciplinarité avec ses collègues de la maison médicale, médecin, kinésithérapeute, psychologue, accueillant,… afin de dispenser au mieux des soins de santé globaux de qualité aux patients.
Mais, elle fait aussi le pont entre la maison médicale et les autres acteurs sociaux et médicaux du quartier (hôpitaux, associations, centre culturel,…). Elle peut exercer une fonction de relais et de transmission d’informations mais également de coordination. Grâce à sa proximité avec le patient et à sa bonne connaissance du réseau, l’infirmière permet un réel travail intersectoriel et interdisciplinaire et non plus uniquement multisectoriel : un travail les uns avec les autres et non plus les uns à côté des autres.
La fonction d’infirmier en maison médicale est riche et diversifiée. Travaillant en réseau interne et externe, nous exerçons aussi l’art de soigner de manière très autonome. Notre profession est reconnue, valorisée pour ses compétences propres, au même titre que celle de médecin, de kinésithérapeute, d’accueillant-secrétaire ou de psychologue.
Le travail en maison médicale permet aux infirmiers de découvrir une multitude de facettes de leur métier : des actes infirmiers purs au travail social, de l’éducation à la santé à l’approche communautaire, des tâches de gestion à la coordination de projets,… Cette diversité, cette reconnaissance et cette autonomie nous permettent de vivre pleinement notre profession : infirmier !
[1] International Normalized Ratio, un test de laboratoire concernant la coagulation du sang.
Tous les trois mois, un dossier thématique et des pages « actualités » consacrés à des questions de politique de santé et d’éthique, à des analyses, débats, interviews, récits d’expériences...