médecin généraliste à la maison médicale Norman Bethune.
Après avoir coordonné la rédaction de 60 numéros de Santé conjuguée, je passe la barre à de nouveaux pilotes. C’est un bon moment pour faire le point. Une longue gestation Le premier numéro de Santé conjuguée sort en juillet l997 mais son apparition n’est pas de la catégorie des générations spontanées. Santé conjuguée vient de loin, des premières maisons médicales créées au début des années 70. De plus loin même parce que, dans ses gènes, il y a toutes les critiques du « non-système » de santé en place à (...)
La demande ’a minima’ adressée au généraliste met en évidence les défauts de communication et de collaboration entre eux et le secteur spécialisé. La demande ’a minima’ de prise en charge concerne toutes les assuétudes. Afin de ne pas alourdir la réflexion présentée ici avec la complexité des situations dans leurs dimensions médicales, juridiques, sociales, psychologiques et institutionnelles, nous avons « en tête » (sauf exception précisée) l’image d’un usager d’héroïne en traitement de substitution (...)
En Belgique, la place du généraliste dans les dispositifs de prise en charge des assuétudes est reconnue mais mal identifiée. L’expérience vaudoise ouvre des pistes pour clarifier cette place et invite à repenser globalement notre système. Le trajet de l’usager de drogues sur le chemin d’un changement est un parcours qui ferait renoncer plus d’un aventurier. Crapahuter des gouffres psy aux montagnes du social, éviter les charges du juridique et se tirer des enroules de la rue, trouver l’argent, et (...)
« Le modèle néo libéral tend vers une marchandisation des services y compris dans la santé et le social : un des effets est l’accroissement des inégalités devant la santé. L’individualisme résulte pour une part de cette fragmentation sociale et du détricotage de la solidarité ; il expose aussi à une grande fragilité. Le terrain des soins de santé est un bon terrain pour identifier ces tensions, les acteurs de cette dynamique, et les alliances possibles. Ceci implique un travail de dénonciation, (...)
Les maisons médicales constituentelles une alternative, entendons par là une initiative citoyenne qui propose une alternative au fonctionnement actuel de la société ? L’ont-elles été, le sont-elles toujours ? En quoi, à quel prix ? Qu’en disent leurs « fondamentaux », qu’en montre leur action ? Les temps héroïques Créées au début des années 70, les maisons médicales s’inscrivaient dans la mouvance des travaux du GERM (Groupe d’étude pour une réforme de la médecine) qui dénonçait les dérives du système (...)
Depuis la déclaration d’Alma Ata (1978), l’objectif « santé pour tous » se heurte à la montée en puissance du néolibéralisme et à l’aggravation des inégalités. Les forces de gauche semblent pour l’instant marquer le coup. Mais d’autres formes de résistance naissent et se multiplient. On les dit « alternatives ». En 1978, Alma-Ata était la capitale du Kazakhstan, une des 15 républiques fédérées dans l’URSS. Le nom de cette ville qui signifie ’riche en pommes’ ne nous évoquerait pas grand chose si l’Organisation (...)
Une bonne idée n’est pas forcément une idée facile à mettre en pratique. Des obstacles de tous ordres se lèvent sur son chemin, parfois prévisibles, parfois inattendus. L’évaluation des impacts en santé n’échappe pas à la règle. Une balade à travers l’Europe et le Québec nous montre ces difficultés mais aussi la manière dont bien souvent elles sont résolues. Actuellement, plusieurs pays occidentaux ont élaboré une démarche d’Etudes d’Impact de la Santé (EIS), conformément à l’article 152 du traité (...)
Depuis plus d’un demi siècle, il est communément admis que la santé déborde de beaucoup le champ de la médecine et convoque le social, l’économique, l’environnemental, le politique et nombre d’autres domaines. Jusqu’il y a peu, ces considérations manquaient d’opérationnalité, mais petit à petit, les études d’impact sur la santé s’imposent comme un moyen efficace pour agir sur ces facteurs comme déterminants de santé. De quoi s’agit-il, que peut-on en attendre ? Il paraît banal de considérer que la (...)
Dans l’article précédent, nous avons examiné les réactions face à un suicide au travail. Avec C. Dejours et F. Bègue, dont nous tirons l’essentiel de la présente réflexion, voyons maintenant comment le management néolibéral déstructure le monde du travail et s’attaque à ce qui constitue l’identité du travailleur, pouvant le mener ainsi à commettre l’irréparable. Source principale Suicide et travail : que faire ?, Christophe Dejours et Florence Bègue, PUF 2009. Les suicides et tentatives de suicide sur les (...)
Les grandes entreprises sont confrontées à des vagues de suicide sans précédents, qui ne sont que la partie médiatisée d’un profond malaise au travail. Mais les employeurs ne se sentent pas responsables des atteintes à la santé liées au travail. Comment alors avancer vers un changement réel des conditions de travail ? Comprendre l’incompréhensible L’épidémie de suicide dans certains milieux professionnels interpelle. En lui-même, l’acte de se donner la mort heurte la raison. Comment l’expliquer ? Au (...)
On pourrait croire que la souffrance au travail a été atténuée par la mécanisation. Faux ! La souffrance physique n’a pas disparu, comme le montrent plusieurs articles de ce cahier, et la souffrance psychique ne fait que croître et se lit dans les épidémies de suicide qui défrayent l’actualité. Contre la souffrance au travail, des défenses individuelles et collectives permettent de ne pas tomber dans la décompensation psychique. Mais elles contribuent à rendre acceptable ce qui ne devrait pas l’être. (...)
Une réflexion qui atteint son objectif de nous éclairer sur ce qui se joue dans la relation soignant-soigné mais qui donne à son propos une vigoureuse dimension critique sur l’enseignement et l’exercice de la médecine aujourd’hui. Jean-Pierre Jacques, médecin généraliste et psychanalyste, fondateur et longtemps cheville ouvrière du projet Lama est retourné en faculté de médecine. Pas en chaire, non, dans les travées de l’amphithéâtre. Pour y suivre, à sa demande, les cours de psychologie (...)
Les besoins des médecins généralistes dans l’accompagnement des usagers de drogues ont beaucoup évolué depuis les premières prises en charge « autorisées » au début des années 90 : pourquoi, quels sont-ils, que mettre en place pour y répondre ? Les traitements de substitution à la méthadone sont aisément accessibles auprès des médecins généralistes depuis la proposition de loi Lallemand déposée en 1992, suivie en 1993 de l’annulation par le Conseil d’état des circulaires de l’Ordre des médecins (...)
Le champ de liberté des firmes se rétrécit : entre des investisseurs qui peuvent disparaître sur un coup de bourse, des scientifiques qui réévaluent de manière souvent critique l’apport des médicaments, et des autorités publiques qui tempèrent le marketing, la tentation est grande de chercher des alliés auprès des consommateurs eux-mêmes. Pas d’actionnaire, pas de médicament ! L’industrie pharmaceutique représente un marché gigantesque. Rien que pour notre lopin de Belgique, l’INAMI a déboursé en (...)
La visite des délégués médicaux pose beaucoup de questions. Quelles sont les limites de l’information dispensée par les firmes sur les médicaments ? Quel- les sont les autres possibilités d’accès à l’information tant scientifique qu’administrative ? Quelles pistes proposer aux maisons médicales et aux médecins pour organiser cette recherche d’informations ? Comment organi ser une pharmacie de base avec ou sans les échantillons ? Au terme d’une rencontre où ils se sont expri més sur ces sujets, les (...)
De nombreuses théories ont été avancées pour expliquer la violence masculine. Mais quelle que soit leur pertinence, sur le terrain les hommes « font de la résistance » et les femmes continuent à éprouver bien des difficultés à se faire entendre et à faire valoir leurs droits. Les choses commencent à bouger, lentement... La violence contre les femmes a longtemps été considérée comme tout à fait naturelle, « dans l’ordre normal » des choses, au point que, connue de tous, elle n’en n’était pas (...)
L’alcoolisme n’a eu un sexe qu’à partir du moment où l’alcoolisme féminin a été « découvert ». C’est une constante de la description sexuée des faits sociaux : le général est masculin, le particulier ou le différent est féminin. Que recouvre cette notion d’alcoolisme féminin et quelle en est la légitimité ? Au XIXème siècle, alors que l’industrialisation se développe et que se répand la conscience de classe, règne un sentiment de différence profonde entre dominants et dominés : les dominés appartiennent à (...)
Pendant longtemps, les conceptions sur la santé des femmes ont été basées sur des préjugés construits par une société qui les infériorisait et relayés par un corps médical masculin. Ces préjugés ont non seulement véhiculé des erreurs et des injustices mais ils ont aussi très matériellement joué un rôle funeste sur la santé des femmes (et ce n’est pas fini). Comment se déconstruisent ces préjugés, quelle réalité ce nettoyage découvre-t-il, y a-t-il ou pas des différences entre la santé de l’homme et (...)
C’est en 1791, en pleine Révolution française, que Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, proclame la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Deux ans plus tard, elle perdra la tête sur l’échafaud, non pas pour ses convictions de genre mais à cause de ses idées jacobines. Depuis, bon nombre de ses exigences ont été rencontrées, mais le combat pour l’égalité entre femmes et hommes est loin d’être achevé. La légitimité de ce combat est pourtant reconnue au plan international. En (...)
C’est dans la sphère domestique que l’inégalité sexuelle face aux tâches demeure la plus tenace. Les soins de santé « profanes », gratuits et méconnus, sont toujours l’apanage des femmes, fut-ce au prix d’un chantage affectif et moral... Contrairement à ce qu’une vision rapide donne à croire, les plus gros « producteurs de soins » ne sont pas les professionnels, qui n’interviennent que tardivement, lorsque les autres ressources santé ont montré leurs limites, et ponctuellement, lors de contacts (...)
Jusqu’au début du XXème siècle, la femme était considérée comme le sur « soignant naturel » de la famille mais, à moins de se faire religieuse, n’avait pas accès aux professions de soins, bastion réservé aux hommes. L’arrivée massive des femmes dans les professions médicales illustre la recomposition des rapports sociaux entre les sexes. Comment les intéressé(e)s vivent- ils/elles cette mutation ? Faut-il y voir la sortie progressive d’un régime « féodal » des sexes évoluant vers un système de (...)
Que se passe-t-il quand une personne en souffrance s’entend dire par le professionnel consulté « Tout est normal », ou pire « Vous n’avez rien » ? Santé et maladie sont des notions qui paraissent « évidentes ». Mais il en va de cette « évidence » comme de beaucoup d’autres : c’est en voulant définir ces notions que se révèlent leur complexité et la diversité des significations qu’elles recèlent. L’exercice n’est en rien académique car c’est en fonction de ce qui sera perçu comme normal et comme (...)
En plus des trente ans de pratique de la médecine générale, Michel Roland a exploré tous les aspects de son art. Le scientifique a ainsi développé une réflexion pointue sur la médecine, il en a débusqué de nombreux travers et élaboré ou développé les méthodes et les outils pour y échapper. Mais, sans porter atteinte à la nécessaire rigueur, son travail n’a en rien la sécheresse de la pensée en chambre ni l’étroitesse de vue du spécialiste, car il s’appuie sur la rencontre permanente avec les malades et leurs (...)
Dans sa Généalogie de la morale, Nietzsche dit que les dieux ont été inventés pour donner un sens au non-sens scandaleux de la souffrance. Le rapport entre maladie et salut apparaît en effet lorsque se pose la question du « pourquoi ? ». Paul Ricoeur distingue entre le corps-objet, celui que soigne le médecin et le corps-sujet celui qui souffre, celui sur lequel le religieux peut agir au niveau des représentations de son mal, voire « délivrer du mal ». La guérison espérée devient alors un salut. Il (...)
Dans ma jeunesse (...) un jeune catholique entreprenant des études supérieures scientifiques était considéré par certains professeurs comme en grand risque de perdre la foi. (...) Les scientifiques ont depuis lors pris plus clairement conscience des limites de leur démarche ; les théologiens ont pour leur part reconnu la nécessité de soumettre les textes sur lesquels ils se fondent à certaines formes de critique tenant compte par exemple du contexte culturel dans lequel ces textes furent écrits. (...)
Sur dix miracles acceptés par l’Eglise catholique dans les procès en béatification ou en canonisation, neuf sont des guérisons. Dans la plupart des grandes religions, on retrouve des phénomènes « thérapeutiques », mais ces phénomènes ne constituent pas le pilier central des religions. Par contre, certaines religions ou mouvements religieux situent la dimension thérapeutique au premier plan de leurs pratiques et de leur doctrine. Qu’en est-il alors des conceptions de la santé et de la maladie, des (...)
Les religions ne s’arrêtent pas à l’âme ou à l’au-delà. Elles offrent une réponse aux questions de la souffrance d’ici-bas, modèlent des conceptions du corps qui lui donnent sens et déterminent ce qu’il doit en advenir de lui. Quelles images du corps et de la souffrance peignent les trois grandes religions du Livre et comment se passe la rencontre avec la médecine qui n’a que des techniques à offrir ? Nous ouvrirons les trois religions du Livre dans l’ordre de leur émergence. Lectures juives La lecture (...)
Réalité physique, l’obésité est aussi une construction sociale qui pose question. Pourquoi l’obésité se distribue-t-elle de façon différenciée dans l’échelle sociale ? Quelles transformations des pratiques de consommation pourraient expliquer le développement de l’obésité ? Comment changer les habitudes alimentaires (dans un projet préventif et thérapeutique) ? L’image du « gros » à travers l’histoire L’image du gros n’a pas toujours été négative. Le modèle de la transition démographique et épidémiologique (...)
Jusque dans les années 90, la notion de sécurité alimentaire concernait la faim dans le monde. Depuis la flambée de crises célèbres, elle renvoie aussi à la sécurité « sanitaire » des aliments. Les menaces alimentaires surgissent tout au long de la chaîne alimentaire. Certaines suintent de la terre pour se faufiler jusqu’à notre assiette, d’autres sont l’oeuvre de l’homme. Comment les repérer et les déjouer ? Comment gérer l’anxiété qu’elles génèrent ? Qui décide de ce que nous mangeons et à quel (...)
Le rôle de l’alimentation sur la santé et la maladie est de mieux en mieux connu et constitue un enjeu de santé publique. D’autre part, les gouvernements ont une responsabilité à prendre dans la sécurité de la chaîne alimentaire. Enfin, l’action préventive par le biais d’un régime alimentaire équilibré peut avoir un impact considérable sur les budgets de l’assurance-maladie. Ces trois bonnes raisons ont incité la Belgique, à l’instar de différents Etats de l’Europe, à mettre sur pied un Plan Santé (...)
Faut-il avoir peur des OGM ? La ré- ponse est claire : c’est comme vous voulez. Acronyme de « organisme génétiquement modifié », l’OGM est un organisme transformé par l’introduction volontaire dans son génome de gènes n’appartenant pas à son patrimoine d’espèce. Deux domaines sont actuellement l’objet de ce genre de manipulations : l’agroali mentaire, où la technologie OGM sert par exemple à augmenter la teneur en protéines ou la durée de conservation de certaines plantes, ou à les rendre plus résistantes (...)
L’alimentation de l’occidental a connu des grands changements ces cinquante dernières années. Nouveaux modes de production, nouvelles manières de manger, nouvelles angoisses aussi. Y a- t-il une « bonne façon » de se nourrir ? Que penser de l’alimentation de nos contemporains ? Sommes-nous entrés dans une « post-modernité » alimen taire ? La dispute du local et du global L’alimentation n’échappe pas au phénomène de globalisation. Pour un occidental, il est aujourd’hui possible de sillonner la (...)
Nous avons conjugué le verbe manger à de nombreux temps. Au fil de l’exercice, nous avons rencontré le « mangeur » éternel, soumis au paradoxe de l’homnivore, contraint biologi quement de varier son alimentation en s’expo sant à la nouveauté, donc au risque et à la peur. Dans un monde où les repères vacillent, les dispositifs et les habitudes qui conjuraient cette peur s’étiolent, tandis que l’industrialisation que l’approvisionne d’une nourriture dont il ne sait même plus comment elle est produite (...)
Nous vivons dans une société d’abondance, de surabondance même, mais où les écarts sociaux se creusent sans répit. Une « nouvelle pauvreté » apparaît. Mourra-t-on à nouveau de faim dans la vieille Europe ? En 1857, l’économiste Engel énonce un principe qui reste d’actualité : « Plus un individu, une famille, un peuple sont pauvres, plus grand est le pourcentage de leurs revenus qu’ils doi vent consacrer à leur entretien physique dont la nourriture représente la part la plus impor tante. ». L’Europe a (...)